Alors ok, nous étions passés d’un « Je préfère continuer à dialoguer à distance » à « Tu veux venir avec moi à l’autre bout du monde ? » en moins d’une heure ! Si ce n’était pas une victoire ça, alors j’ignorais ce qui en était une ! Mine de rien, c’était ultra flatteur et sa compagnie étant aussi agréable, comment répondre autrement que de la manière suivante ?

- Comment dire « non » à ça ? Tu m’as vendu trop de rêve pour que j’oppose la moindre résistance ! commentai-je en riant. Par contre, je vais avoir besoin d’une liste de fringues à emmener. C’est un mythe qu’il ne fait que de pleuvoir là-bas, pas vrai ?

Je souris, un peu taquin. Je m’attendais d’ores et déjà à ce qu’il défende bec et ongles sa contrée natale. Sous cette vanne se cachait néanmoins un intérêt indéniable. Déjà, je nous projetais dans ces contrées splendides que j’avais uniquement pu admirer via des photographies. Ce serait si dépaysant, que ce soit pour la vue ou les coutumes si étrangères à celles qui dominaient Redwood Hills ! Sans mentionner la nourriture avec ses spécialités ! Tout un monde à découvrir et j’étais on ne peut plus emballé. Je poursuivis sur ma lancée.

- Faire la fête, hein ? Moi qui te prenais pour un sage. Et tu arrives à trouver ton bonheur ici ? Je serais curieux de connaître tes bons plans si tu en as.

Pas que je sortais beaucoup de chez moi tant mon travail me tuait. En outre, les boîtes de nuit ne m’avaient jamais trop attirées… J’étais malgré tout curieux d’en savoir plus sur la définition d’ « amusement » selon mon interlocuteur. N’était-ce pas là le but de la discussion ? Apprendre à mieux se connaître ? J’avais au moins réalisé que je ne risquais pas de passer beaucoup temps en compagnie de sa famille si nous nous retrouvions là-bas.

La suite ne fut guère plus sérieuse puisque nous passâmes à planifier notre mariage. Cela n’avait ni queue ni tête et, en l’occurrence, pas un aussi grand nez que celui d’Usopp comme le vérifia Benny en mesurant le sien par inquiétude. Son geste me fit pouffer, ravi qu’il entre dans mon jeu. Je passais mon temps à charrier mes proches, mieux valait-il qu’il s’y habitue ! Par chance, il ne le prit pas mal, au contraire, puisqu’il n’était pas dépourvu d’humour et de second degré. J’étais heureux de retrouver le même type que celui avec qui j’avais longuement dialogué sur les réseaux. Puis arriva l’instant où je dus parler de Moana. Instinctivement, un sourire bête s’afficha sur ma face.

- Deux ans et une poignée de mois. Je l’ai adopté après une « rupture » et ça a été le plus beau cadeau que j’ai jamais eu, avouais-je en caressant le crâne du Golden d’une main tout en portant mon verre à mes lèvres de l’autre. Ce que tu fais pour ces chats et déjà plus que beaucoup ne font. Si tu es aussi à l’aise avec les chiens, je suis sûr que Moana serait ravi de passer du temps avec toi. Un rien l’amuse. Un bâton et c’est parti pour trente minutes de folie !

Dieu sait que ce dernier ne manquait jamais de malice et rarement d’énergie ! Puis, mes pensées se dirigèrent vers Sacha.

- Tu as déjà été au refuge ? L’équipe est méga sympa et de temps en temps ils ont besoin d’aide. Peut-être que ça te plairait à l’occasion ?

Quel plaisir de faire une rencontre aussi agréable ! Tout du moins si l’on pouvait employer ce terme pour décrire ce tête-à-tête alors que nous avions échangé sur les réseaux sociaux auparavant. M’imaginer fêter la St Patrick à ses côtés, en Irlande, était plus qu’enthousiasmant ! Si un tel projet se concrétisait, je me sentirais tant dépaysé et j’étais sûr de m’éclater comme jamais avec la bière coulant à flot. Je croisais les doigts pour que cette discussion ne soit pas seulement des paroles en l’air. Était-ce fou de partir à l’autre bout du globe avec un quasi étranger ? Et pourquoi pas, après tout ?

- Pour une expédition pareille je suis prêt à tout affronter ! clamai-je avec une ferveur consciemment exagérée après la mention du jet-lag. Enfin… dis-moi ce qui arrive si je zappe des fringues vertes ?

Une véritable poule mouillée ! Je ris, imaginant la sensation de camaraderie qui devait régner dans les bars à l’occasion de cette célébration. Ce fait être une aventure si humaine, si… sincère. Benny n’avait plus besoin de me vendre le tout tant je m’y trouvais déjà en pensée. Je pouvais déjà entendre les réprimandes de ma mère mais aussi de Castiel lorsque j’annoncerai mon départ pour un pays si lointain, le tout sur un coup de tête. Les jours de congés nécessaires ne poseraient pas de problème et je n’avais ainsi pas de compte à rendre à personne ! Les avantages du célibat. J’étais libre comme l’air de faire tout ce que je désirais. Le retour à la réalité se fit lorsque mon interlocuteur me rappela les difficultés de la sociabilité pour un professeur. Je fronçai le nez, désolé pour lui.

- J’imagine que ça exclut aussi les applications de rencontre ! Ce serait super embarrassant si tes élèves majeurs tombaient sur ton profil non ?

Alors ok, je n’étais pas encore sûr à 100% de son orientation sexuelle mais, qu’il soit hétéro ou non, cela ne regardait en aucun cas les lycéens qui se feraient un plaisir d’alimenter des ragots embarrassants. Dire que je fuyais ces sites comme la peste alors que, moi, j’étais constamment dissimulé derrière une porte de cuisine.

- Perso je déteste ça mais j’ai conscience que ça peut être très utile, surtout pour les plus timides. Mais c’est dommage qu’un travail empiète autant sur le personnel. Tu devrais être libre de faire ce que tu veux et de fréquenter n’importe qui.

Ce qui valait pour beaucoup plus de professions que celui de professeur !

- Pour compenser ça, je te promets qu’on va s’éclater comme jamais là-bas ! lui assurais-je avec éclat avant de boire une nouvelle gorgée de ma boisson.

Puis il fut question de Moana et des autres animaux que le brun croisait régulièrement. Dingue mais il n’y avait rien de surprenant à ce que ce gars apprécie leur compagnie. Il dégageait des vibrations tellement positives et douces… Rien de tel pour s’attirer de l’affection ! Bien sûr, les bouts de pain ne faisaient pas de mal non plus.

- C’est adorable de te proposer, ce serait avec plaisir. Il a l’air de t’apprécier alors je n’y vois aucun inconvénient ! Quant aux pigeons… C’est admirable ! Il ne faut pas accorder d’importance aux commentaires négatifs des gens. Laissons les aigris entre eux.

Je haussai les épaules puis lui fis un clin d’œil complice. Qu’est-ce que les individus pouvaient être désagréables ! Quand ce n’était pas via leurs comportements, c’était par le biais de paroles blessantes ou absurdes ! Si seulement l’Humanité était plus bienveillante… De mon côté, je m’efforçai depuis plusieurs années à prêter main forte dans la commune, à commencer par le fameux refuge de Redwood Hills. Mes lèvres s’étirèrent encore en repensant à mes dernières heures écoulées là-bas.

- C’est là-bas que j’ai adopté Moana. Je passe de temps en temps pour donner un coup de main, en particulier pour les chiens et les chevaux. Puis c’est souvent l’occasion de faire un peu d’équitation pour éviter de rouiller. Tu en as déjà fait ?

Mince. J’étais bien infoutu de déterminer si je l’imaginais ou non sur le dos d’un de ces mammifères ! Que la réponse soit négative ou non, cela pourrait constituer un moyen sympathique de le remercier pour son invitation à découvrir l’Irlande.

C’était statué : nous irions ensemble fêter la St Patrick à la prochaine occasion ! C’était dingue de voir que le courant passait si bien, surtout en prenant en compte les craintes premières de mon interlocuteur qui avait toujours refusé de me voir avant ce heureux hasard. J’étais très satisfait que le Destin nous ait mis sur la même route aujourd’hui, permettant à notre amitié de fleurir au-delà du virtuel. Au fil de la discussion, je sus sans mal que Benny ne manquerait jamais d’anecdotes à me raconter, de cultures à m’apprendre mais également de blagues mémorables à me sortir aux moments les plus incongrus. Oui, je voyais-là un énorme potentiel et j’espérais ne pas me tromper après m’être brûlé les ailes plus d’une fois par le passé. L’homme était doux, calme, festif à l’occasion et semblait aussi empathique envers n’importe quel être-vivant qu’il abordait la vie sous un angle qui me paraissait exemplaire. Aucune raison donc de couper court à ce qui naissait actuellement à moins d’être un énorme crétin. (Chut ! Je vous entends là !) Concernant l’équitation…

- Passé les premières frayeurs, c’est vraiment incroyable. J’adore galoper dans les champs lorsque le soleil commence à se coucher. Ça a quelque chose de magique, d’indescriptible, contai-je avec des étoiles dans les yeux. Et puis tu développes cette relation de confiance extraordinaire avec ta monture. Si le courant ne passe pas rapidement, c’est inutile d’insister. Un peu comme entre humains finalement. Ce ne sont pas des véhicules ou des objets. C’est capital de ne pas l’oublier.

J’avais développé cette compétence durant mon enfance, dans la ferme de la famille de Heathcliff. Un cadeau incroyable que j’étais fier d’avoir reçu bien que les débuts n’eussent pas été simples tant j’avais les chocottes ! Mon meilleur ami, lui, n’avait jamais peur de rien même à cette époque. Il avait mon admiration pour ça. Cet idiot me manquait terriblement.

- Maintenant que je te connais mieux, je suis persuadé que tu es le candidat parfait pour apprendre. Tu possèdes ce qu’il faut pour être un bon cavalier et je ne parle pas uniquement du plan technique mais aussi affectueux. Si ça te tente, on s’organisera une première approche avec les chevaux de Sacha pour déterminer avec lequel tu auras le déclic.

Je le gratifiai d’un sourire complice. Nous avions énormément à nous apporter l’un l’autre et nous ne faisions que gratter la surface.