« Fuckkkk ! » S’exclame Reagan une énième fois depuis le début de la soirée. Le véhicule qui tombe en panne au milieu de l’autoroute, on avait déjà essayé de lui faire le coup une ou deux fois mais elle avait toujours été accompagnée et ça s’était toujours arrangé. Cette fois-ci, l’histoire lui parait bien réelle et elle est seule à gérer ça. Génial. Une belle angoisse pour une meuf comme elle, qui n’aime pas particulièrement se salir les mains.
Elle se rabat sur le bord de l’autoroute pour ne gêner personne, puis décide de prendre le temps de réfléchir à la suite. La nuit est bien avancée, le ciel est noir et sans étoiles. Autour d’elle, le silence donne des allures de film d’horreur. Y’a pas grand monde à cette heure-ci, et personne n’est passé depuis qu’elle s’est arrêtée. Sur son téléphone, elle défile les noms et les numéros, s’arrête sur celui de son frère qu’elle appelle sans hésitation. S’il y a bien une seule personne qu’elle veut bien emmerder et écouter râler au beau milieu de la nuit, c’est Reid. Ca sonne, plusieurs fois, jusqu’à tomber sur son répondeur. Un nouveau juron s’échappe entre ses lèvres, qu’elle laisse volontairement dans sa boite vocale.
Bon. Reagan quitte son véhicule, et commence à longer l’autoroute avec l’intention de trouver la prochaine borne, ou de tomber sur quelqu’un – comme si c’était une situation totalement plausible. Il ne fait pas très froid dehors, et le calme des alentours est plutôt reposant – si seulement elle n’avait pas l’impression d’être seule au monde dans sa galère. Très vite, elle voit une ombre se détacher et le temps d’un instant, elle hésite à continuer. La silhouette ne lui parait pas hostile mais la voir au milieu de rien est une image qui la fait frissonner. Est-ce qu’elle a d’autres choix, en réalité ? C’était bien le but de sa petite balade, de trouver quelqu’un pour l’aider, ce n’est plus le moment de faire marche arrière.
Reagan lève le bras, en signe de salutation et d’interpellation, mais la personne ne semble pas la remarquer dans l’immédiat. Elle lance alors un « hey ! » qui brise la nuit, et qui parvient à glisser jusqu’aux oreilles de l’inconnu. Quand elle réussit à deviner ses traits, Reagan ne peut s’empêcher de froncer des sourcils. Il lui semble familier, ce qui l’incite à continuer ses pas pour le rejoindre, jusqu’à retrouver le visage du Jensen. « Leo ! Mais… ? Qu’est-ce que tu fous ici ? T’es tombé en panne toi aussi ? » La coïncidence lui parait beaucoup trop improbable pour que cela soit le cas. Il n’a pas l’air perdu, il a l’air plutôt… préoccupé ? « Tu cherches quelque chose ? » Ca faisait longtemps qu’elle ne l’avait pas revu, et le retrouver dans de telles circonstances était décontenançant. « T’as perdu ta copine dans les bois ? » Maintenant qu’elle n’est plus seule et qu’elle est accompagnée d’un allié sûr, Reagan a moins peur, et elle peut se détendre.

@Leo Jensen

Lorsque Reagan parvient à le rejoindre pour lui faire face, Leo sursaute, et ça la fait sourire bien malgré elle. Ah, savoir qu’un autre frisonne autant qu’elle à l’idée de rencontrer un inconnu au beau milieu de la nuit, ça lui met du baume au cœur et c’est plutôt rassurant – ou inquiétant si on s’imagine qu’il est le seul sur lequel elle peut compter en cette belle soirée. Elle est néanmoins très étonnée de le voir dans les parages, au milieu de rien, à chercher quelque chose qui semble inexistant. Malgré sa tentative de plaisanterie qui lui arrache un froncement de sourcils, Reagan obtient une réponse de sa part. Elle est tellement vague qu’elle se demande s’il cache quelque chose, ou s’il n’est simplement pas très causant. Après tout, ça fait un moment qu’ils ne se sont pas recroisés et l’eau a coulé sous les ponts depuis. C’est pas comme s’ils étaient deux étrangers, mais elle ne dirait pas non plus qu’ils sont particulièrement proches pour se raconter leurs petits secrets et autres tracas de la vie. Quand même, elle a envie de creuser, mais il relance très vite – tellement que clairement, y’a un truc à découvrir à ce niveau-là. « Faut croire. J’ai appelé mon frère, mais il répond pas. » Il doit être en train de dormir comme la belle au bois dormant celui-ci mais elle est certaine qu’il finira bien par se réveiller pour aller pisser et à ce moment-là, ce sera la remontada. « Et… » Elle s’interrompe, puis reprend après un soupir, « j’y ai pas pensé. Je pensais marcher jusqu’à une borne de secours, un truc dans le genre, » qu’elle lance, penaude. Maintenant qu’il pose la question, tout a l’air d’être plus simple, et elle a l’air stupide, mais pour sa défense, c’est bien la première fois que ça lui arrive, et avec la panique, elle n’a pas pensé à tous les détails. Elle aurait pu rester au chaud. D’un autre côté, elle n’aurait pas eu la chance de le croiser, et attendre une dépanneuse au milieu de la nuit, c’est pas hyper rassurant comme plan. « Ca m’est jamais arrivé. » Elle tente de se justifier mais en réalité, elle a l’impression qu’il est plus absorbé par sa propre tâche que par l’idée de lui venir en aide – preuve en est, les mots qu’il lui lance sur son incapacité à pouvoir la faire avancer. « Dommage, j’aurais pu te proposer une belle récompense. » Un sourire glisse sur ses lèvres, parce qu’elle ne peut pas s’empêcher de jouer sur les mots dès qu’elle en a l’occasion.

Puisqu’il lui semble toujours aussi pensif, Reagan décide de relancer. « Qu’est-ce que tu cherches ? T’as besoin d’aide ? » Puisqu’elle est là, qu’elle n’a rien à faire, qu’elle n’a pas envie de retourner dans sa voiture et de rester toute seule, elle s’accroche à la bonne excuse. « T’as l’air tellement absorbé par la forêt, on dirait le fou qu’on préférerait éviter dans la rue. » Et bien évidemment qu’elle va suivre ce fou jusqu'à ce qu'il lui explique tout ce qui se passe dans sa petite tête, parce qu’il a l’air tellement déterminé que y’a un gros truc au bout de la canne à pêche, c’est certain.

@Leo Jensen

Les hommes, tous des inutiles, qu’il lui dit sur le ton de la plaisanterie. Elle hoche de la tête avec conviction, ravie qu’ils soient sur la même longueur d’onde. Oh, elle est certaine que son frère va se pointer – dans trois heures peut-être mais ce sera déjà ça – alors ils ne sont pas irrécupérables. Presque. En attendant, elle doit se démerder de ses propres moyens, quitte à passer pour une imbécile devant l’un de ses anciens clients (ah, quelle époque). On est loin des galas de charité et des soirées mondaines qu’il l’emmenait dans un autre temps. « Je sais pas, y’a des boutons qui se sont allumés. Le moteur faisait déjà un bruit bizarre depuis quelques temps, j’aurais peut-être dû faire plus attention, » concède-t-elle. Effectivement, dis comme ça, c’est encore plus stupide d’avoir attendu de tomber en panne au milieu de l’autoroute pour comprendre qu’il vaut parfois mieux savoir prévenir que guérir. Rien d’étonnant de sa part cela dit, Reagan n’est pas très prévoyante, et encore moins prévenante. Quitte à tomber en panne, autant le faire en bonne compagnie, et elle est plutôt contente de retrouver Leo. Elle aimait bien tourner autour de lui parce que c’est pas un mec facile, et sa répartie a toujours eu le don de la faire sourire. Ce soir encore, au bon souvenir, elle lâche une belle réflexion, qui n’a pas l’effet escompté. Dommage. « Je savais pas que t’étais comme ça, toi. » A savoir, un petit aguicheur qui cherche à gratter des services gratuits.
Leo, il a d’autres préférences ce soir, comme celle de trouver une aiguille dans une meule de foin, ou d’explorer une forêt sombre et pas franchement accueillante à une heure aussi tardive. Reagan est sympa, et n’a pas vraiment envie de passer les prochaines heures seules alors elle propose son aide, ce qu’il trouve effectivement étrange. A sa place, elle aurait aussi trouvé ça plutôt suspect. « Puisqu’on en est là, y’a toujours un plot twist dans le film, le tueur, c’est jamais celui qu’on soupçonne en premier. Raison de plus pour que je reste avec toi. » Ehé, pas bête la fillette. La conversation est très vite interrompue par un Leo un peu froussard. « Non, » qu’elle répond le plus sereinement possible et de manière très neutre, en jetant néanmoins un regard derrière son compagnon de fortune. Maintenant qu’ils sont là, sous les étoiles, la forêt lui donne l’impression d’un puit sans fond, prêt à aspirer leur âme. Et tandis qu’un frisson d’effroi la parcourt lorsqu’elle croit voir une ombre passer entre les arbres, Leo la ramène à la réalité. Elle tente de se concentrer de nouveau sur lui, mais elle n’est plus vraiment là. « J’en ai entendu parler, » mais comme tout le monde, sans doute. Oh, elle sait qu’elle sera prise pour cible un jour ou l’autre, surtout parce qu’elle fait suffisamment de conneries pour qu’un maitre chanteur finisse par s’intéresser à elle, mais ça n’a rien de très effrayant pour elle. En tout cas, rien d’aussi effrayant que la deuxième ombre qu’elle a l’impression de voir passer, à la vitesse de la lumière, trop vite pour comprendre ce que c’était – et si c’était vraiment quelque chose. « Y’a quelque chose derrière toi et je rigole pas, » murmure-t-elle, la mine déconfite. Elle parle doucement, parce qu’elle a peur qu’on l’entende. « Je sais pas ce que c’était mais ça fait deux fois que ça passe. On dirait qu’il y a quelqu’un qui nous espionne. » Et instinctivement, elle attrape un bout de la veste de Leo pour se rassurer qu’elle n’est pas seule ce soir. C’est peut-être juste son imagination qui lui joue des tours, elle n’en sait rien, mais son cœur bat subitement beaucoup trop vite.

@Leo Jensen

On pourra dire que Reagan aura retenu une belle leçon en laissant sa voiture crever, plutôt que de se poser les bonnes questions. Heureusement qu’elle est tombée sur Leo, même s’il lui parait plus étrange qu’à l’ordinaire. Okay, ça fait longtemps qu’ils ne s’étaient pas revus, mais est-ce qu’on devient creepy comme ça en quelques mois ? Il cherche quelque chose au milieu de rien, et il blague sur l’idée qu’il pourrait lui-même être un tueur. Nice. Reagan a des moments de terreur mais elle n’est pas non plus totalement stupide alors elle comprend surtout qu’il a un humour un peu chelou ce soir. Y’a toutefois de quoi flipper avec l’ambiance légèrement glauque qui s’installe autour d’eux. Lui, semble entendre du bruit de son côté quand Reagan, elle, voit des mouvements au fond de la forêt, comme si une créature venue d’un autre univers était en train de les observer – et d’attendre le moment opportun pour les attraper. La blonde en vient même à s’accrocher à un bout de la veste de son acolyte, en espérant secrètement qu’il puisse être suffisamment costaud et rationnel pour les sortir d’une situation qui pourrait se transformer en drame. Mauvaise pioche, Leo a l’air tout aussi courageux qu’elle, et la manière dont il réagit, lui prouve que : 1) ça ne peut pas être un tueur ou alors, c’en est un mauvais ; et 2) ils ne sont pas sortis de l’auberge avec un duo comme le leur. « Toi, t’es vraiment un acolyte de merde, » répond-t-elle lorsqu’il lui annonce qu’ils vont mourir ensemble. Bof, y’a quand même plus mignon que leur situation. Se perdre de vue, pour se retrouver et crever ensemble sans même avoir baisé : où est-ce que c’est chou ?  
Avec un courage sorti des tréfonds d’on ne sait où, Leo décide de prendre les choses en main. Peut-être que c’est la réflexion de Reagan qui l’a poussé à se remettre en question, peut-être qu’il s’est réveillé tout seul, mais c’est grâce à lui qu’ils finissent par trouver un homme. Aucun des deux ne s’attendait à le voir apparaitre, d’où le sursaut collectif – sacré duo de vainqueurs. Leo tente de garder une certaine contenance et Reagan lui est reconnaissante de prendre les devants. Elle, elle reste derrière, les doigts toujours accrochés à son bout de veste, prête à s’enfuir la première si les choses venaient à déraper. Elle retient l’expression légèrement dégoutée qui se dessine sur son visage, parce que le but, c’est pas d’énerver le monsieur un peu bizarre. Ce même homme qui balance des énigmes en pleine nuit. « On est dans un escape game ou quoi là ? » Qu’elle finit par lâcher, très agacée par le manque de clarté des propos. Il y a un petit sourire qui se dessine sur les lèvres de l’inconnu. « Il était là, je l’ai vu. » Et il a l’air ravi de faire partie de ceux qui ont vu ce truc dont il parle. C’est pas très rassurant, y’a bien un truc qui cloche dans le coin, et Reagan a du mal à comprendre ce qu’il peut bien se passer ici. « Vous pouvez le voir aussi, mais faut savoir être généreux. » Reagan se tourne vers Leo. « Non mais c’est sérieux ? On se fait taxer maintenant ou je rêve là ? » Et pour quoi, en plus ? Pour une énigme à la con. C'est probablement juste de la manipulation pour les arnaquer, en fait. Et puis elle réalise que Leo cherchait bien quelque chose y'a quelques minutes. « C'est à propos du corbeau? » L'homme hausse des épaules mais il sourit toujours. Il est fort, lui. Reagan a subitement envie d'en savoir plus, mais elle a la flemme de payer alors elle tire sur la veste de Leo. « Toi, l'avocat, t'as forcément de quoi faire plaisir au monsieur, non? »

Comme des enfants à se chamailler et à se renvoyer la balle, Leo lui répond sur le même ton, piqué dans son ego de mâle alpha. A sa réplique, Reagan lâche un gloussement, parce que tout lui parait tellement stupide dans cette histoire que c’en est devenu drôle. Pour des acolytes de merde, ils font décidément bien la paire, c’est sûr et certain : lui qui cherche un truc invisible et elle, qui le suit dans son délire parce qu’elle n’a rien d’autre à faire et qu’elle ne veut pas mourir toute seule. Heureusement, ce qu’elle pense d’abord comme un mauvais remake d’un film d’horreur n’est rien d’autre qu’un SDF qui s’est paumé dans la forêt, et qui leur envoie des énigmes à la con. Décidément, y’a rien qui va dans cette soirée de merde. S’ils avaient prévu de finir la soirée ensemble, histoire de rattraper le coup, Reagan aurait peut-être accepté de faire plus d’efforts, mais c’est pas prévu, alors pourquoi faire. Ca fait une éternité qu’aucun d’eux n’a essayé de revoir l’autre, ce n’est sans doute pas ce soir que les choses vont changer. Alors le SDF qui demande un échange de bons procédés, Reagan le laisse volontiers à son partenaire de crime, qui lui rappelle qu’elle a une belle voiture à prêter. En retour, elle lui envoie une mine offusquée. « Et toi t’as du fric à dépenser, » qu’elle rétorque, en souvenir des jolis billets qu’il lui a donné quand il avait besoin de compagnie – et surtout parce qu’elle n’a aucun doute sur l’argent qu’il doit se faire avec son statut d’avocat. Pour elle, y’a pas besoin d’en savoir plus pour qu’elle le mette dans la catégorie des mecs riches : t’as fait de longues études et tu portes des costumes pour aller bosser ? Allez c’est bon, t’as trop d’argent en poche.
Leo s’exécute en proposant quelques billets, permettant aux deux rigolos d’avoir la fin de l’histoire. Quelqu’un a caché quelque chose quelque part, Reagan lève les yeux au ciel, mais ça parait suffisant pour son acolyte, qui se jette en direction de l’endroit indiqué. La blonde a du mal à comprendre pourquoi est-ce qu’il s’y précipite de cette manière, quitte à la laisser derrière, mais elle se dit qu’elle en saura plus en continuant à le suivre. Ce mec est chelou, quand même, à creuser avec ses mains comme si sa vie en dépendait. « Eh beh, tout cet effort, c’est que ça doit être vachement important, » commente-t-elle alors qu’il tombe sur une boite. Elle s’approche et jette un coup d’œil vers la feuille sur lequel est écrit des mots. A la lecture du nom de David, ses yeux s’écarquillent, puis elle fronce des sourcils. « Tu connais cette dame ? » Qu’elle lui demande, en tentant de creuser plus. Elle ne connait pas la femme, en revanche, elle connait assez bien son fils pour se dire qu’elle devrait peut-être lui en parler – s’il ne le sait pas déjà. « Dis-moi à quoi tu penses. » Son air subitement si sérieux est inquiétant, et elle a l’impression qu’il y a mille choses dans la tête de cet homme qu’elle ne parvient pas à cerner. « Pourquoi t’es aussi investi dedans ? T’as des trucs à cacher toi aussi ? » Probablement que oui, comme un peu tout le monde mais certaines cachoteries ont l’air plus sérieuses que d’autres.  

@Leo Jensen