Une soirée passée en plein air, à regarder les étoiles, Judson ne pouvait manquer ça. Gamin, il était un grand passionné d’astronomie, il voulait tout connaître sur les planètes, les étoiles, le ciel, il voulait devenir astronaute même, mais ce rêve ne s’était pas concrétisé. Et si au fil des années, en grandissant, cette passion s’était légèrement émoussée, il ne voulait rater une occasion pareille. Il y aurait du monde et certainement beaucoup de gens qu’il connaissait, des amis, même s’il ne savait pas encore qui. Comme il estimait que son fils était encore un peu jeune pour vivre l’événement du début à la fin, au milieu de la foule, il avait préféré le déposer chez sa grand-mère en lui promettant qu’un jour, ils iraient eux aussi observer les étoiles, tous les deux, puis il avait pris seul la route jusqu’à la colline indiquée. Le marquage permettait de ne pas se perdre, même si l’on se trouvait au beau milieu de la campagne du Vermont et donc, dépourvue du moindre éclairage. Quand il arriva sur les lieux, il y avait déjà un peu de monde, mais il semblait faire partie des premiers, en dehors des organisateurs enthousiastes qui parlaient déjà d’une voix forte d’étoiles et de constellations. Judson se gara sur le parking improvisé et sortit enfin de l’habitacle. L’air était froid mais heureusement, il avait prévu le coup, il s’était habillé vraiment chaudement et avait prévu une ou deux couvertures supplémentaires à l’arrière du pick-up, au cas où. Il balaya les lieux du regard, repéra les matelas et les nombreux télescopes, sans oublier le buffet car il avait bien l’intention de le piller un peu plus tard dans la soirée. Ensuite, il chercha des têtes qu’il connaissait, aux dernières nouvelles sa sœur devait venir elle aussi avec sa fille, Jun ne voudrait jamais rater un truc pareil elle non plus ! Alors, la tête toujours levée pour tâcher de repérer du monde, il se dirigea vers les festivités avec un léger sourire.   

Un événement organisé par la ville, un autre. Il était tentant mais elle devait avoué qu'elle n'était pas spécialement rassurée. Certes, le dernier événement qui avait terminé par une prise d'otage n'était pas tout à fait organisé par la ville, ou si ? Elle essaya de ne pas y penser. Chez Grace, elle s'habillait chaudement parce que la nuit serait froide, ils l'avaient annoncé à la météo. Claire, ce qui serait parfait pour observer les étoiles, mais glaciale, évidemment. Des vêtements thermiques, des bottes d'hiver, un pantalon par-dessus et puis encore quelques couches pour le haut. Le secret de la survie à l'hiver dans le Vermont ? Les couches et les vêtements de bonne qualité. De plus, Casey était plutôt frileuse… Une écharpe multicolore qui reflétait sa bonne humeur et un bonnet enfoncé sur sa tête, elle était prête à affronter le froid. Deux paires de gants étaient encore enfoncées dans les poches de sa veste, prête à toute éventualité. Elle s'y rendrait avec Grace, enfin avec les Fordham vu qu'il y avait les enfants également, pour n'y aller qu'avec une seule voiture, mais elle avait rendez-vous avec Nate… et rentrerait très certainement avec lui. Une fois arrivée sur place, elle passa un peu de temps avec les enfants avant d'aller un peu plus loin pour discuter avec une amie qu'elle avait reconnu. Jetant un coup d'œil sur son téléphone, elle n'avait toujours pas de nouvelles de Nate. Elle lui avait envoyé un SMS en arrivant, histoire qu'il sache qu'elle était déjà sur place. Un verre de chocolat chaud en main, elle ne pouvait s'empêcher de jeter des coups d'œil régulier autour d'elle pour voir s'il arrivait. Cela faisait deux jours qu'ils ne s'étaient pas vus, ça avait été long.

Bien sûr que Nate se méfiait de tout dans cette ville. De chaque événement, de chaque rassemblement. Mais la vie semblait avoir retrouvé son calme, après de mois de quiétude et même d’amusement. Il n’avait pas participé aux animations d’été mais n’en avait que du bien. Pourquoi serait-ce différent pour cette contemplation des étoiles en cette fin d’automne ? Et puis, il n’y serait pas seul cette fois-ci. Et ça, ça changeait tout. Un sourire accroché au visage, il se couvrait chaudement pour pouvoir surmonter cette soirée glaciale. Une écharpe épaisse, un manteau au-dessus des vêtements chauds et des gants. Oh, il ne serait sans doute pas assez couvert. Nate avait horreur de ces vêtements affreux qui lui donnaient un air ridicule. Il se décida donc à emporter une couverture, comme indiqué dans l’article, et n’avait plus qu’à espérer qu’un vent froid ne vienne pas ruiner sa soirée. Au pire, il y aurait toujours Casey pour le réchauffer. Et son téléphone qui l’extirpa de ses pensées. Casey était déjà là-bas. Dommage, il serait passé chez Grace pour l’emmener sinon. Enfin, ils auraient tout le temps de rattraper ces deux jours de solitude là-bas et plus tard. Il ne tarda pas à arriver au point de rendez-vous, ou plutôt à cette colline dont il avait déjà oublié le nom. Est-ce qu’elle en avait un au moins ? Bref. Emmitouflé dans son manteau, bien au chaud, il se dit qu’il avait bien eu raison d’apporter cette couverture qu’il portait au bras. Mais ce qui l’intéressait surtout, c’était de retrouver cette femme qui avait réussi à lui redonner le sourire. Il parcourra des yeux la foule qui commençait à s’amasser. Puis il tomba sur une silhouette qu’il reconnaîtrait entre mille, malgré tous ces vêtements. Ce qui lui décrocha un léger rire. Elle comptait déménager au pôle nord dans la soirée ? Il rirait sans doute moins plus tard. Le professeur s’approcha d’elle, dans son dos, pour qu’il puisse la surprendre. Puis, après avoir laissé la couverture tomber juste à côté de lui, passa ses mains sur sa taille, son ventre pour l’enlacer et s’inclina pour déposer ses lèvres sur sa joue. Dommage, son cou était bien trop couvert pour qu’il puisse l’atteindre. « Bonsoir. » Et un sourire, bien trop heureux, sur le visage.

Les étoiles, Jamie les trouve merveilleuses. Il sait que parmi celles qu'il verra ce soir, beaucoup ne seront qu'illusion, reflet d'une existence révolue, inatteignable, que la lumière qui lui parviendra sera celle d'astres morts depuis des milliers d'années. Elles sont mortes, les étoiles. Il le sait. Et quand ça pourrait le plonger dans une profonde mélancolie, ça le fascine, lui donne espoir. Parce qu'elles sont éternelles, les étoiles. Leur lumière en est la preuve. Elle leur survit, brille de milliers d'éclats à travers le temps et l'espace. Elles illuminent le ciel qui se dessine, de plus en plus clair à mesure que Jamie gravit la colline, autant qu'elles illuminent son coeur. Un coeur pas totalement tranquille. Jamais quand il s'agit de rassemblement dans cette ville. La présence de journalistes l'angoisse davantage. Une paire de jumelles attend dans la poche de son blouson. Mais ce n'est pas tout. Ce n'est pas le seul outil qu'il cache. Quelques uns de ses collègues se trouvent sur place. Il en salue même de la main, se sentant chanceux de ne pas avoir à se tenir droit comme un i auprès d'eux, de pouvoir regarder l'étendue du ciel plutôt que l'étendue de la foule. Pourtant, il ne se sent pas complètement différent. Pas complètement libre. S'il s'attarde, ils risqueraient de lire à travers lui, ses peurs et ses secrets, l'arme à feu qui étreint sa cheville deviendrait aussi visible que les points lumineux dans la nuit. Alors, il va tranquillement prendre un matelas, puis il lui faut faire le chemin inverse. Avant de se poser quelque part, seul, ses yeux se posent sur les spectateurs. Impossible de ne pas reconnaitre certains visages. Celui de Nate lui déclenche un sourire franc, entendeur, alors qu'il frôle volontairement le matelas où il se tient avec Casey, l'air faussement innocent. Juste les apercevoir suffit à le rendre heureux. Puis il s'éloigne, résistant à l'envie de chercher un autre visage. Il y a déjà trop de personnes auxquelles il tient ici. Trop de personnes menacées. Par le message de la Rose, par lui, il ne sait plus vraiment. Ce qu'il sait c'est qu'il vaut mieux s'installer rapidement et se contenter de fixer le ciel. Étendu là face aux étoiles, Jamie pense à sa mère, se demande si, comme pour les étoiles, son âme lui a survécu, brille quelque part dans l'univers. Il l'a toujours crû. Cette pensée égaye son coeur depuis l'enfance. Habité par de telles pensées, il se perd facilement dans l'étendue céleste, sans jumelle, sans télescope, rien que lui allongé la tête dans les étoiles. Il se laisse absorber, faire partie de ce tout, devenir un minuscule éclat parmi tous les autres, jusqu'à tout oublier autour de lui. Oublier qu'il n'y a personne étendu à ses côtés. S'oublier lui-même.

Grace adorait les événements organisés par la ville, et celui-là en faisait partie. C’était tellement exceptionnel qu’elle était bien obligée d’y aller ! Elle n’avait d’ailleurs pas l’intention d’y aller seule mais en compagnie de ses enfants, ainsi que de Casey. Ils étaient donc arrivés sur place tous les quatre, même si son amie s’éloigna bien vite pour passer la soirée avec Nate et Grace, un sourire aux lèvres, lui adressa un geste de la main. Elle tenait un gros sac en toile dans lequel étaient entassées plusieurs couvertures au cas où, pour ne pas avoir froid, et elle vérifia que ses enfants étaient correctement emmitouflés. Il y avait déjà du monde, une ambiance agréable et l’avocate, des étoiles plein les yeux, essayait de tout voir, de tout entendre. « Regardez ! Il y a même des télescopes, on va pouvoir tout voir de notre place » dit-elle, excitée, en désignant la rangée de télescopes déjà levés vers le ciel. Heureusement, ce dernier était dégagé, les étoiles nombreuses. Grace avait lu dans le journal qu’on pourrait observer au moins une constellation, et même si elle ne s’y connaissait pas beaucoup en astronomie, elle était impatiente de pouvoir regarder ça. Du regard, elle chercha ses sœurs et ses parents, elle ne savait pas encore si elle y retrouverait Charlie, mais il était certain qu’elle y verrait Lucy, qui aimait bien les étoiles. Elle se demanda si elle verrait Jamie, ce fut d’ailleurs l’une de ses premières pensées, et distraitement elle le chercha sans toutefois l’apercevoir. Mais il y avait déjà du monde près des matelas, il y était peut-être, comment le savoir ? Et elle repensait à l’une de leurs conversations, si les enfants les voyaient ensemble ? Elle n’était pas certaine de le vouloir. En attendant, baissant les yeux vers les enfants, elle demanda « Est-ce que vous voulez boire un chocolat chaud, avant qu’on aille s’installer près d’un matelas ? » beaucoup étaient encore disponibles, les organisateurs de l’événement avaient vu large, mais Grace ne voulait pas trop attendre.   

June avait espéré toute la semaine qu’elle serait rentrée à Redwood Hills pour la nuit des étoiles. Même si elle n’était pas une grande amatrice d’astronomie, l’événement lui semblait bien agréable et convivial. Arrivée dans la journée en ville, elle eut tout le temps de se préparer pour cette soirée. Elle s’emmitoufla dans une tonne de vêtements, mais surtout dans une écharpe et un bonnet de laine, histoire de ne pas mourir de froid une fois en haut de la colline. Elle embarqua avec elle une grosse couverture, histoire de vraiment être à l’aise pour observer les étoiles. Elle n’était pas douée en astronomie, mais l’activité en elle-même lui était sympathique et assez relaxante. Observer ces petits points lumineux lui donnait l’impression de n’être pas grand-chose sur la planète, et encore moins dans l’univers. Mais cette sensation ne lui donnait pas le vague à l’âme, cela minimisait plutôt ses problèmes et ses tracas. Une fois prête, June fit route vers le point de rendez-vous. Elle espérait croiser ses parents ou encore son petit frère. C’était une bonne occasion de partager un moment avec lui ! Elle le chercha du regard quand elle fut sur place mais ne le vit pas, comme aucun membre de sa famille. Son enthousiasme retomba un peu mais sans entamer sa bonne humeur et son envie d’être là. Elle décida d’aller prendre une tasse de bon chocolat chaud avant de trouver une place où s’installer, ou de trouver une personne avec qui partager ce moment !

Ça peut sembler stupide, mais les étoiles je ne connais pas trop ça… A Boston la pollution lumineuse, entre autre, rendait leur observation difficile. et puis à part un peu à l’école où on nous a parlé vaguement d’astronomie quelque fois, je n’ai eu personne pour m’emmener les voir, m’apprendre à les regarder et apprécier ce spectacle. Je ne l’avouerais sans doute jamais à personne, mais en débarquant ici à Redwood Hills à la campagne, j’ai découvert ce qu’était un vrai ciel étoilé. Et bordel ce que ça peut-être beau ! Un peu… mystique, aussi. En tout cas ça me fait me sentir toute petite. Comme tous les autres habitants de la ville, ou presque, j’ai lu cet article dans le Redwood Echo. C’était même une invitation à venir observer les étoiles, avec du vrai matériel prévu pour ça, guidé par des gens qui s’y connaissent. Habituellement ce genre de sortie c’est pas mon truc, enfin en fait j’en sais rien puisque j’y suis jamais allée. Je me suis laissée tenter, j’ai bloqué ma soirée, pas de sortie au bar ce soir mais en plein air. Il caille pas mal dehors, je me suis équipée en conséquence et ma voiture a galéré à démarrer mais j’ai fini par arriver à bon port. Pas mal de véhicules sont déjà garés, je suis même un peu surprise qu’il y ai tant de monde. Comme quoi le froid n’a pas forcément découragé les curieux comme moi. Je rejoins le point de rendez-vous, une couverture sous le bras, je salue quelques collègues chargés de la sécurité de l’événement, échange quelques mots avec eux puis m’avance parmi les gens. Certains visages ne me sont pas totalement inconnus, accompagnés pour la plupart et je trace ma route jusqu’aux boissons ou j’obtiens un breuvage chaud et alcoolisé, un truc avec du sirop d’érable dedans sans doute une spécialité du coin. Ça sent bon, ça réchauffe, c’est l’essentiel. Je regarde autour de moi, me demandant finalement un peu ce que je fous là, je suis pas si à l'aise avec la foule, pas dans ce genre de moment. Je lève les yeux vers le ciel, mes doutes s’évaporent et mes pas me mènent vers une zone plus déserte. Je butte sur un matelas et baisse le regard pour présenter mes excuses. Mon regard croise alors celui de Jamie « Ah bah j’allais m’excuser, mais du coup c’est plus la peine. » je lui adresse un sourire taquin « T’es là toi ? C’est ton truc les étoiles ? ».

Topic commun

Sous les étoiles // Les étoiles n'ont pas d'amoureux jolies comme elles sont ! Elles attendent un galant qui les enlèvera vers leur Venise idéale. Chaque soir elles paraissent aux grilles de leur fenêtre - ô ciel à mille étages ! (Garcia Lorca)

Les étoiles. Quel besoin a-t-elle d'aller les voir au lieu de se recroqueviller sous sa couette, ce soir ? Quel besoin de former des petits nuages de vapeur tout en avançant sur la route indiquée avec les poings dans les poches ? La nuit est froide. La nuit est sombre. Et Ted n'a pas la moindre idée de pourquoi est-ce qu'elle prend ce chemin, alors qu'elle n'aime pas spécialement les événements publics dans cette ville où pas grand-monde ne l'aime, elle en est sûre - elle fait volontiers la victime dans ces heures où broie du noir - noir comme le ciel. Vient-elle pour les étoiles, seulement pour elles ? Peut-être pourra-t-elle lire entre les lignes des constellations un message destiné rien qu'à elle, qui lui dirait qu'elle ne doit pas baisser les bras, et que la vie est belle et lui réserve des surprises, et que ses lendemains seront meilleurs que ses jours actuels.
En vérité elle vient aussi pour trouver de la nourriture gratuite, faut pas se mentir, c'est le genre d'occasion qu'elle ne manque pas. Et à l'odeur de chocolat chaud qu'elle perçoit pratiquement dès son arrivée... elle se dit qu'elle a bien fait de sortir de son lit. Enfin une bonne chose qui lui arrive. Ted n'attend pas davantage pour se décider, elle se dirige droit vers le stand d'où provient cette odeur douce de réconfort. Elle n'a même pas songé à regarder autour d'elle pour voir si elle n'apercevait pas l'une de ses connaissances. Elle n'a pas regardé autour d'elle tout court. Et du coup, forcément, ce qui doit arriver arrive : elle bouscule légèrement une jeune femme en train de se servir à la table des boissons. « Oh, pardon, désolée. » C'est tout elle ça. Toujours à débarquer avec ses gros sabots.

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