Pete était lourd dans ses bras. C'est que celui-ci avait refusé d'avancer alors qu'ils n'avaient pas encore quitté la cour de la ferme, en fait dès que celui-ci avait compris qu'ils partaient pour une promenade ! Il allait sans dire que celle-ci avait été drastiquement réduite vu le poids de l'animal... Mais il avait eu besoin de s'aérer l'esprit -sans grand succès- alors que dans quelques heures à peine, il reprenait le train pour New-York. Pour un long voyage qui se faisait habituellement en moins d'une heure par le jet gentiment prêté par Castiel. Mais il avait fait annuler en s'excusant le plus platement possible... Sans même qu'il ne puisse donner une raison valable. Et face à l'insistance du pauvre secrétaire qui lui notait qu'il serait bien embêté si Monsieur DeWitt lui demandait davantage d'explications, il avait fini par évoquer la crise de la quarantaine. Avant de raccrocher soudainement alors qu'il sentait le bug à l'autre bout du fil. Mais qu'aurait-il pu dire d'autre ?

Parce qu'il était réellement en crise, sans qu'il ne soit cependant sûr que ce soit dû à la quarantaine qui approchait. Ou peut-être un peu, allez savoir... Mais ce qu'il pouvait voir par contre, c'était que la voiture de ses parents n'était plus là. Ils étaient visiblement déjà partis chez leurs amis pour un dimanche après-midi belotte où ils pourraient à loisir faire part de leur inquiétude pour lui. Et pour une fois, à raison... Il faisait n'importe quoi, il le savait. En tout cas, ça lui laissait le champ libre pour pouvoir enfin se préoccuper de cette histoire de Corbeau et de poutre changée... Pouvait-on seulement changer une poutre tout seul ? C'était la grande question qui lui occupait l'esprit lorsqu'il avait un peu de temps pour y penser. Et il avait besoin de vérifier ça ! Déposant Pete à terre, ce qui soulagea grandement ses bras, il ouvrit en grand les portes de la grange avant de se positionner sous la poutre tout en levant la tête en l'air. "Bien... Toi et moi, il faut qu'on parle tous les deux !" Enfin, parler... Il s'agissait surtout de démonter sans casser toute la structure et voir si ça se remontait facilement. Si une personne seule avait pu le faire, il n'y avait aucune raison pour qu'il ne parvienne pas à réitérer la manœuvre.

Embarquant un tournevis dans sa poche -il avait de l'espoir !- il récupéra l'échelle posée dans un coin, heureux de ne pas avoir à monter à nouveau sur le tracteur surmonté de l'escabeau. Ce qui avait plutôt bien fonctionné mais là, il était seul et il avait surtout beaucoup moins de temps n'ayant pas de personnel à sa disposition pour retenir ses parents à leur jeu. Ce fut donc sans perdre davantage de temps qu'il cala l'échelle au mieux pour monter dessus jusqu'à se retrouver -encore une fois- assis sur la poutre, les jambes pendant dans le vide. Poutre toujours aussi sale et collante alors que Pete aboyait comme un fou en bas de l'échelle. "Ca va aller Pete, c'est pas comme si je ne l'avais pas déjà fait..." Quoique ça, il le disait plus pour lui-même que pour le carlin. C'est qu'il n'avait cette fois-ci non plus, personne pour assurer sa progression jusqu'au mur où il se trouva bien embêté parce que les vis se trouvaient sous la poutre.  

Qu'à cela ne tienne, il crocheta ses jambes autour de la poutre pour laisser tout le haut de son corps tomber dans le vide tout en cherchant à dévisser les vis qu'il n'y avait pas. C'était des boulons, et il n'avait pas le bon outil... Franchement, est-ce qu'un type seul se serait autant embêter pour changer une poutre ?! D'autant qu'il n'y avait aucun bénéfice personnel, si ce n'est le plaisir d'avoir toute une bourgade qui s'émouvait de ses actions. Ce qui semblait beaucoup d'efforts pour obtenir un peu d'attention... Dépité, il en laissa tomber le tournevis au sol avant de se décider à tenter de remonter sur cette fichue poutre qu'il voyait d'un peu trop près dernièrement ! "Pete, au lieu d'aboyer, donne-moi une clé de 12." 12 parce que c'était le chiffre préféré de son père pour le clés lorsqu'il bricolait. En vérité, il n'avait aucune idée du numéro qu'il fallait... Mais fallait-il encore qu'il parvienne à remonter pour aller chercher cette clé !

Parfois, voir les choses sous un autre angle aidait. Et là, alors qu'il avait la tête en bas les jambes accrochées à la poutre, il put sentir à quel point celle-ci était instable. Mais surtout, il put la voir faire le balancier sous son poids avant qu'elle ne soit arrêtée par les boulons. Et il comprit. Parce qu'il fallait laisser du jeu pour pouvoir la visser d'un côté du mur avant de la relever pour en faire de même de l'autre côté. Le travail n'avait juste pas été terminé et tout était resté dans l'état, au lieu de revenir fixer solidement le tout avec quelques tours de clé supplémentaires. Un travail parfait pour son père donc ! Lui venait de comprendre la mise en œuvre et son esprit en était déjà à imaginer la scène lorsqu'on l'interpella ? Et sans qu'il ne comprenne au départ, un traitre mot de ce que lui racontait Satya !

Il fallait dire que les aboiements de Pete n'aidaient pas, et sans doute pas non plus sa position inversée. Et assez inconfortable, il fallait bien l'avouer. Reprendre un position "normale" sur la poutre -s'il y avait quelque chose de "normal" à se trouver sur une poutre en haut d'une grange- fut cependant bien plus périlleux que de se laisser tomber la tête en bas. Ce ne fut donc qu'après quelques essais qu'il y parvint enfin et qu'il put répondre à Satya. "Si je tombais de cette hauteur, je me casserais sans doute un os. Un ou plusieurs... Mais ça me tueras pas." Enfin, il ne pensait pas. Du moins pas après avoir échappé à un ours en grimpant à un arbre ou être monté sur le pont de Brooklyn. Ce serait plutôt bête. "J'ai fait pire, tu sais. Alors je commence à être habitué." Et c'est qu'il commençait mine de rien à bien connaitre cette poutre ! Mais c'était là aussi qu'il réalisait qu'il était comme pour l'arbre ou le pont, bien plus difficile de redescendre que de monter.

Donc la descente fut laborieuse, et non sans avoir fait vaciller l'échelle en montant dessus. Mais au moins, Pete s'était calmé en le voyant redescendre et c'était un véritable bienfait pour leurs oreilles. Une fois les pieds posés sur le plancher, il se tourna vers Satya pour lui confirmer. "Je n'en suis pas au point de vouloir me suicider, tu peux donc garder tes hurlements stridents pour d'autres bien plus désespérés que moi." tout en caressant Pete pour lui assurer que tout allait bien. "Et ne dis pas à maman que tu es toi aussi célibataire, elle serait capable de vouloir nous caser ensembles." Parce que sa mère serait bien capable de le caser avec le premier type qui lui dirait "Oui" juste pour pouvoir le caser enfin ! Et Satya étant un homme, il collait donc parfaitement au seul et unique critère qu'elle avait, ayant réduit ses attentes à mesure que les années passaient. "Sinon joli manteau !" Parce qu'ils avaient clairement les mêmes goûts niveau habillement.

Mais il n'était pas venu dans la grange pour parler fringues mais pour faire un point sur cette histoire de Corbeau. Il savait que ce n'était plus qu'une question de temps pour que Castiel le recontacte pour rencontrer cette petite mamie harcelant ses voisins... Sans doute même pour de simples tartes aux pommes primées ou des tricots revendus sous le manteau ! C'est que c'était Redwood Hills ici, et pas le Bronx. Il était d'ailleurs étonnant qu'un Corbeau si bien informé des faits et gestes de chacun, ne frappe pas plus haut que les petites turpitudes de campagne... Mais c'était bien pour s'assurer de cela qu'il devait à tout prix trouver le secret des Black ! Ce qui faisait donc beaucoup de réflexions alors qu'il fixait la poutre mais pour ce qui était de mettre ses hypothèses par écrit, il le ferait sans doute plus tard... Là, il avait Satya à rassurer ? "Je vais bien. Il ne faut pas écouter mes parents, ils s'inquiéteront tant qu'ils ne me sauront pas avec la bague au doigt. Et j'ai bien autre chose à faire qu'à courir après des mirages..." Et cette dernière phrase, il l'avait dit plus pour lui-même que pour Satya, le regard de nouveau rivé à le poutre.