Danny a peut-être surestimé la relation qui unit Leah à Freya. Il s’imaginait qu’elles étaient proches, un minimum pour que son amie connaisse quelques pans de la vie de la journaliste… il réalise que non. Et qu’il a balancé sans le savoir une information qu’elle n’aurait peut-être pas voulu voir ébruitée, à savoir que son frère a fait de la prison. Danny n’en tient pas compte. Il ne sait pas si Leah ira rapporter cette conversation à Freya, si elle le dénoncera, lui, comme étant celui qui n’a pas su tenir sa langue, mais il s’en moque. Déjà parce qu’il se trouve actuellement coincé dans un canoë qui prend une dangereuse direction vers les rapides, et ensuite, parce qu’il n’a pas de compte à rendre à Freya. S’il la connaît, c’est grâce au frangin – rien de plus, rien de moins. « Non, clairement. Parfois, on s’traîne une famille avec qui c’est pas toujours évident » ou juste certains membres compliqués, comme le frère ex-taulard qui n’est sûrement pas devenu un parfait petit ange à sa sortie de prison. Les gens changent pas vraiment, tu devrais le savoir. « Ouais. On est moins proches qu’avant, je fais ma vie et lui la sienne, mais… j’ai toujours son numéro. Et des nouvelles, de temps en temps » depuis que Saul, le meilleur ami de Danny, a refait irruption dans sa vie, il a moins besoin des autres. Moins besoin de ses autres potes, surtout ceux qui n’ont pas franchement une bonne influence sur lui. Et envoyer des messages, prendre des nouvelles des uns et des autres, ça n’a jamais été son genre. Danny a son cercle proche d’amis, et c’est tout. Il n’a pas besoin de plus, au contraire, il est vite submergé quand il est entouré par trop de monde, ça lui file une angoisse incomparable. Tandis que le canoë continue de filer sur l’eau, la conversation dévie sur la Rose Lunaire – un sujet somme toute assez logique pour Redwood Hills. Il grimace devant l’explication de Leah. « C’est difficile, de rester dans l’incertitude » il n’a pas de lien direct avec la Rose Lunaire, ce ne sont pas ses affaires, même si comme tout le monde, il s’interroge. Mais il doit bien admettre, même s’il est toujours convaincu que les médias en rajoutent toujours une couche, que l’organisation secrète est liée à de sordides affaires. [color=#cd5c5c]« Et tout aussi difficile d’affronter une vérité qui ne nous plaît pas. Qu’est-ce que tu préfères ? Ne pas savoir ce qui est arrivé en gardant l’espoir que ça ne soit qu’un malentendu et que rien ne soit lié à la Rose ? Ou découvrir une vérité qui est pire que ce que tu imaginais ? » [color=#cd5c5c] la question n’appelle pas franchement de réponse. Danny lui-même ne sait pas ce qu’il répondrait.

Et voilà l’embarcation emportée par les flots tumultueux, si la rivière était calme un peu plus tôt, cette portion bouillonne, projette des gerbes d’eau, paraît vouloir les emporter avec elle. Ensemble, ils affrontent la tempête. Le même objectif : le seul passage pour atterrir de l’autre côté, au milieu des rochers. Danny reste focalisé sur cette idée, il ne peut pas hésiter, au risque de commettre une erreur. Ramer, redresser, planter la pagaie dans l’eau, essuyer une vague, puis une deuxième. Se cramponner pour éviter de basculer par-dessus bord. Ne pas réfléchir. Eviter de se noyer. Danny est emporté dans l’urgence de la situation. « Penche-toi vers l’avant ! A gauche, maintenant ! » tout pour éviter au canoë de se retourner comme Leah le prédit. Ils franchirent l’obstacle le plus délicat, un autre coup de rame permit d’éviter de s’écraser contre le rocher et enfin, l’eau les projeta quelques mètres plus loin, dans une zone plus sûre. L’embarcation s’immobilisa brutalement et Danny manqua de se cogner. Il cligna des yeux, abasourdi par les quelques secondes extraordinaires qu’ils venaient de vivre, puis relève sa pagaie pour la placer en biais devant lui. « Je… j’en sais rien. On a p’tête pas pris le bon chemin » et en même temps, des chemins, il n’y en a pas cinquante. Il partage l’avis de Leah, ce n’est pas une petite promenade de santé – peut-être que les autres s’arrêtent avant, peut-être qu’ils ont dépassé la zone où ils devaient s’arrêter initialement. Il finit par sourire. « Ouais. C’est… indescriptible » dans ces moments-là où il se sent pleinement vivant. Où il sort de son train-train quotidien. Pour le moment, il ne ressent rien, simplement les battements effrénés de son cœur, mais demain, après-demain, plus tard, son corps risque bien de lui rappeler cette aventure. « On repart ? Le reste devrait être plus calme, on peut avancer à notre rythme » enfin, c’est ce qu’il espère, mais il n’est plus sûr de rien.