Il est plus aisé d’aider les autres que soi-même, et c’est particulièrement pour cette raison que la jeune femme, depuis un bon moment déjà, préférait donner de son temps libre aux autres plutôt que de rester seule chez elle. En plus de son emploi actuel qui pouvait être parfois pesant, la trentenaire était également bénévole au dispensaire. C’était une évidence, pour la blonde, d’autant plus qu’elle connaissait son fondateur et travaillait également avec l’un des psychiatres qui était son associé. Que des personnes bienveillantes qui ne comptaient pas les heures et qui étaient passionnés. C’est le genre de médecin que Sam aspire à être, ou plutôt espère que c’est ainsi qu’on pouvait également la décrire. L’empathie, si elle en avait beaucoup, Sam se voyait obligée de la doser sans quoi, elle sortirait de cette aile de l’hôpital en pleurs à chaque visite. Il y avait des enfants en détresse, avec de nombreux problèmes de santé, que de son côté, apaiser leur santé mentale semblait être digne du Mt Everest. Samantha a toujours aimé les enfants; les années qui passaient et son travail avec sa thérapeute l'aident à accepter l’idée qu’elle n’en aura jamais biologiquement. ça a été une pilule bien difficile à accepter; et si l’idée d’adopter germait dans son esprit, elle n’avait pas encore entrepris aucune démarche, ce qui risquait d’être également toute une aventure en soi.

Au dispensaire, la jeune femme essaie de divertir, de faire oublier, de prendre soin d’une petite en particulier. La fin de la journée est si vite arrivée, et lorsque la pédopsychiatre cherche à venir fermer les fenêtres, c'est impossible. Elle fronce les sourcils, en tentant pendant de plusieurs minutes, en remettant en question son habileté à savoir le faire, mais force est de constater qu’elle était bel et bien bloquée. L’annexe à l’hôpital, où se trouvait le dispensaire, était un ancien service d’urgence, abandonné, mais depuis l’ouverture du dispensaire avait été rénové. Peut-être pas par les meilleurs ouvriers, se disait-elle, en cherchant le numéro du service de maintenance. Certes, c’était un bâtiment indépendant mais la blonde osait espérer que quelqu’un voudra bien venir l’aider. Après tout, si on travaillait dans un hôpital, on avait bien un esprit un peu charitable, right ? Bonjour, c’est la doctoctoresse Orbison à l’appareil, je suis désolée de vous déranger - je suis au dispensaire, et… visiblement je ne sais pas refermer une fenêtre. Une petite blague pleine d’autodérision - sa mère n’a jamais été une grande féministe, des restes d’une éducation dont l’un des principes était de jouer la débile lorsqu’un homme pouvait aider. Est-ce que vous pourrez intervenir ? Dans son embarra, elle ne reconnait même pas la voix pourtant familière au téléphone.

C’est seulement quelques minutes plus tard, lorsqu’elle entend des pas derrière elle, que la blonde se retourne, et qu’elle le reconnaît sans mal, lui . Quelques battements de coeur plus rapide, de quoi lui rappeler qu’elle était en vie tandis, que comme à chaque fois qu’elle le croise, Sam ne peut réprimer un sourire gêné en l’observant.   Faut parler maintenant. Qu’elle réalise, quelques secondes trop tard, en se reprenant. Hey… Un frisson, dû à la fenêtre ouverte la font débloquer à nouveau. Merci d’être venu, comme je disais… la fenêtre est bloquée. Qu’elle explique, en désignant la fameuse, et en se rappelant de prendre une petite inspiration.

when i come back around, will i know what to say ?

« Anderson, faut aller au dispensaire. Problème de fenêtre. » Matthias souffle un coup en laissant retomber sa tête sur le fauteuil de la salle de repos où il vient juste de s’avachir. Il a passé sa journée à courir pendant que son responsable reste le cul posé sur sa chaise d’ordinateur. "Je coordonne, je dispatche" n’arrête-t-il pas de dire. En même temps vu qu’ils ne sont que tous les deux… il a des doutes sur sa compréhension du mot dispatcher. « Allez, allez, elle t’attend la p’tite dame. » bin oui, parce qu’en plus d’être nul en français, il est aussi un gros beauf. Finalement, autant qu’il s’en aille rejoindre la p’tite dame comme il dit. Il récupère donc ses affaires qu’il vient juste de poser et repart en faisant un salut militaire à son collègue.

Il n’a pas l’habitude de se rendre au dispensaire. Il faut dire qu’en général il n’est pas placé dans les priorités de l’hôpital comme c’est une sorte de dépendance. De plus, il a été rénové un peu avant qu’il ne commence à travailler ici donc ce n’est pas comme s’il y avait souvent des problèmes. Il était parti tellement rapidement qu’il n’avait pas pensé à demander plus de précision sur cette histoire de fenêtre mais il verra bien sur place. Il est presque arrivé donc il serait idiot de rebrousser chemin juste pour ça. Lorsqu’il arrive il voit une blonde qui lui tourne le dos et son cœur se serre un peu. Et merde enfin non… mais si, parce qu’il n’est pas prêt. Il l’a vu dans les couloirs mais il a toujours fait en sorte de ne pas se retrouver directement avec elle. « Salut… » lâche-t-il simplement. Leurs mots restent suspendus dans les airs. C’est sûrement pour cette raison qu’ils ont fait en sorte de ne pas se rncontrer jusque là. Lorsque l’on ne sait pas vraiment quoi dire autant éviter d’avoir à parler. « Ca marche. J’vais r’garder ça. » lance-t-il en passant à côté d’elle pour aller à la fenêtre. Il vérifie le fonctionnement des gonds avant de regarder la crémone mais il se rend compte qu’il est silencieux comme une tombe depuis tout à l’heure. « Si tu es attendue quelque part, je devrais m’en sortir. » quel idiot. Il se rend compte qu’il est super malpoli mais en même temps, il ne sait plus comment parler aux autres en temps normal alors quand il est un peu sous pression… il faut dire que cela fait des années qu’ils n’ont plus échangé et il ne sait pas vraiment ce qu’il doit dire. « Enfin… j’veux pas te virer hein.. j’veux dire.. » Bin oui, qu’est-ce qu’il veut dire alors ? c’est assez confus. « … ça va ? » Wow, quel rebondissement. Il s’en passe des choses dans son cerveau dis donc.

Samantha attend patiemment qu’un technicien vienne, elle se sent tout de même un peu stupide car elle est certaine que le problème avec la fenêtre n’est pas d’une grande ampleur. Comme à chaque fois qu’elle fait appel à quelqu’un, la chose finit toujours par se régler toute seule. Il était impensable de se contenter de partir en laissant la fenêtre ouverte, malgré le printemps, il faisait encore frais, surtout durant la nuit. Elle n’a pas envie que les patients aient froid. Comme le dispensaire n’est clairement pas une priorité, elle sait que le temps d’attente entre les interventions ne sont pas les plus rapides.  Samantha, qui n’est plus une interne à l'hôpital, n'est plus aussi familière avec les collaborateurs qui ont tendance à changer. Cependant, la blonde sait que Matthias fait partie de l’équipe. Ils étaient nombreux, ne s’imagine pas sur l’instant qu’elle tomberait sur lui. Pas que ce serait dramatique, mais depuis ces dernières années, la blonde ne sait pas comment se comporter en sa présence, abonnée aux sourires gênés. Ce n’est pas elle, qui est plutôt avenante. Elle n’est pas gênée en la présence de qui que ce soit. Elle est fâchée d’elle-même, puisqu’ils s’étaient pourtant si bien entendus, plus que ça même, un coup de coeur qu’elle n’avait pas su gérer. Inapproprié, improbable. La vie ne faisait que lui réserver de drôles de surprises, encore aujourd’hui, parce qu’en le voyant, la pédopsychiatre bloque un peu. Des salutations cordiales. Salut , qu’il lui a dit. La blonde tente de ne pas trop analyser.  Anyway, elle lui explique quel est le problème. La fenêtre. Merci, polie, attentive, elle l’observe en slow motion passer à côté d’elle pour faire les vérifications sur la fenêtre. A défaut de savoir quoi faire, la thérapeute l’observe. Elle se sent un peu dinde à rester debout, sans savoir quoi faire avec ses bras pendants et ses jambes. Sa remarque sans tact, lui arrache cependant un léger sourire, mi surprise mi amusée par le rattrapage. Un peu confuse aussi. Elle décide de choper le train de la maladresse dans lequel Matthias a embarqué.   Je vais rester, pas que je remette en question ton expertise en réparation de fenêtre mais je.. j’veux être sûre que all is good avant de partir. Est-ce que ça te va ? Elle se pince la lèvre puis reprend : Je vais bien, et toi… ? Une autre phrase en suspens. Depuis le temps… Belle constatation. Elle se sent cruche, laisse sa main s’égarer dans ses cheveux. ça fait longtemps que c’est fini… l’armée ? Question basique, une autre qui suit rapidement : T’es de retour alors ?