Rester imparfait, quelle douce formulation. Il entend, je t'aime comme tu es et ça le touche. Il est prêt à répondre à la question de Jeff quand sa dernière phrase lui fait lâcher une exclamation de surprise dans un large sourire. Hahaha ! Ah oui ? Tu serais prêt à te marier avec moi pour rendre jaloux ton ex ? Eh beh ! Ça le fait rire, parce que pas une seconde, il ne le croit une seconde interessé par l'idée du mariage. Pas une seconde non plus il ne comprend que c'est ce que Russel a demandé à Jeff. Il ne l'imagine pas. D'ailleurs Jeff compare ce qu'il s'apprete à faire - sans doute une épreuve compliquée et douloureuse - au mariage avec lui. Ça lui fait bien comprendre que ce serait la deuxième pire chose à faire pour lui. Alonso ne le prend pas mal, il sait que ce n'est pas blessant dans la bouche de Jeff. Le regarde, vient caresser sa joue et se moque un peu. Si un jour, tu as envie de m'épouser, Jeff, j'espère que tu me feras une meilleure demande que ça ! Il termine en riant de nouveau et pose ses lèvres là où était sa main quelques secondes plus tôt d'un air joyeux. Si un jour la question du mariage se pose, elle ne viendrait pas d'Alonso, car il sait déjà qu'il lui demandrait jamais un tel engagement. L'amour qu'ils ont l'un pour l'autre lui suffit. Il ne s'imagine pas lui demander de l'épouser déjà parce qu'il ne voit pas du tout Jeff avoir cette envie, parce qu'il aurait peur de le faire fuir et... il ne sait pas si lui même en aurait envie. Il a déjà essuyé un divorce extrêmement douloureux, le mariage... il ignore s'il en souhaiterait en vivre un autre, même si c'est avec Jeff. C'est bien trop tôt pour se poser la question. Ah quelle idée... murmure-t-il dans un soupir en secouant la tête toujours amusé avant de tenter de se reconcentrer sur la première question.

La question que tu me poses est large, elle dépend de tellement de variables. Mais j'imagine que tu peux lui dire que c'est justement ce genre de réflexions rabaissantes de sa part qui font que ce n'est plus possible... ou tu peux lui dire que tu n'as besoin de personne pour penser par toi-même. Ce qui est vrai, Jeff. Il ne peut rien te faire et d'ailleurs tu n'as même pas besoin d'arguments. Le simple fait que tu te sentes mal à l'aise depuis que tu l'as revu suffit. Il vient reposer sa main dans la sienne. Il est un peu tôt, on avait dit 19h, il disait qu'il voyait quelqu'un cet après-midi, est-ce que tu veux que je lui demande s'il est disponible pour qu'on revienne ? Il regarde sa montre, il était presque 18h, mais il n'avait pas eu de nouvelles de Russel. Après, il avait un doute sur le fait que Russel n'ai pas inventé cette histoire d'ami pour leur faire croire qu'il avait autre chose de prévu. Il se voyait mal patienter sur le paillasson en attendant le retour de Russel. On peut profiter de la demi-heure pour regarder pour un hôtel pour ce soir si tu veux. Il repense à ses chemises qu'il a consciencieusement sorties du sac à midi pour les mettre dans l'amoire. Il aurait vraiment cru que Jeff resterait au moins une nuit et donnerait un chance à Russel. Mais la prise de conscience a sans doute été brutale, se dit-il, peut-être était-ce le cas aussi pour Russel... Avec un peu de chance, il se disait aussi de son côté que c'était une mauvaise idée et faciliterait leur départ. Je suis désolé pour toi que ça se passe comme ça... murmure-t-il doucement, il vient glisser son verre de leur côté de la table, restant définitivement aux côtés de Jeff.

C’est vrai. Quelle idée. Tu ris avec Alonso, bien sûr que tu n’es pas sérieux. Si ça devait arriver un jour, tu voudrais que sa demande soit merveilleuse. Comme dans un rêve. Coco voudrait sa propre demande aussi. Mais si Alonso ne te le demande jamais, l’avoir près de toi vaut plus que n’importe quelle union. Ce ne sont pas les pingouins qui choisissent un partenaire et le garde toute leur vie ? Tu veux bien en être un alors et eux se fichent bien d’en faire toute une cérémonie.

Alonso est plus proche de toi. Tu préfères le sentir à côté, pouvoir le toucher avec plus de facilité, pouvoir rapprocher ta jambe de la sienne et sentir son contact pour que ça soit discret. Mais vous n’avez même pas besoin de cacher votre affection l’un pour l’autre. Alonso ne le fait pas et tu ne le fera pas non plus. Tu te laisses guider par ses gestes, quand tu es nerveux comme maintenant, tu es bien moins démonstratif car tu te concentres sur ce qui te perturbe. Tu aimerais passer outre pour bien profiter avant la tempête, mais tu y songes et c’est dur pour toi de faire sans. Alonso t’explique son point de vu calmement. Il a raison tu as tous les droits dans ta décision et tu devrais juste te dire que finalement, tu ne restes pas chez ton ex qui sait que tu ne l’aimes plus, étant donné que tu as amené ton compagnon avec toi. Tout paraît si simple quand toi tu ne compliques pas tout. Mais tu sais que ce sera compliqué. Tu as besoin de lui, de ton Alonso pour t’aider à passer le cap et pour oublier Russell. Pas votre relation, puisqu’elle a existé. Mais l’oublier en tant que personne dans ta vie. Je veux bien oui, ne lui dit rien de plus s’il te plaît. Tu sais bien qu’Alonso ne le fera pas mais tu as besoin de le dire pour te rassurer. Parfois le doute fait naître des idées absurdes.

Regarder des hôtels te semble déjà être bien plus intéressant. Ça va aussi te permettre de te concentrer sur quelque chose de plaisant et que tu aimes faire. Tu n’as pas toujours eu le luxe de pouvoir avoir le choix, de t’en ficher du prix aussi. Tu as parfois dormi dans des endroits pas très propres mais le prix était aussi très bas. Tes débuts ont été compliqués. Tu t’en es bien sorti. Tu laisses donc Alonso l’appeler et pendant ce temps tu plonges dans ton téléphone et tu tentes de te concentrer dessus. Son appel ne va pas durer longtemps, de toute façon. D’ailleurs, tu mets plus de temps pour faire ta sélection de trois hôtels. Mais tu penses qu’au moins un pourra lui plaire. Tu relèves donc la tête et lui montre le téléphone. Tu en profites pour poser ta main la plus proche de lui sur sa cuisse et la caresser tendrement quelques instants. C’est tellement simple avec Alonso, tellement doux et naturel. Avec Russell, tu avais fini par intégrer ces gestes par automatismes plus parce que tu avais juste envie de te sentir proche de lui. Ne regarde pas les prix, je prends en charge et commence pas à râler. Tu te penches contre lui et tu poses ta tête sur son épaule. J’ai ma petite préférence déjà mais je te laisse choisir, ne me regarde pas dans les yeux pour tenter de trouver lequel est mon préféré… je sais que tu comprendrai… si tu fais ça je me mets les mains devant comme un enfant ! » Tu le fais quelques secondes pour illustrer ton propos. Il ne peut plus voir que ton sourire. Cette perceptive de fuite te rend déjà bien plus heureux.

Les pingouins... Haha, je ne sais pas, moi, j'avais entendu parler des pigeons.... Mais c'est sans doute moins mignon. Il rit, Jeff est si adorable. C'est vrai qu'ils n'ont pas besoin de se marier pour s'aimer ou pour rêver d'un avenir ensemble. Il ne pense pas non plus que Jeff soit intéressé par tout ça. Oh, il ne doute pas que Coco, y a déjà pensé, qu'elle ait déjà imaginé sa robe et la couleur du mouchoir avec lequel elle s'essuiera les yeux lors du discours de son amoureux, mais c'est Jeff qui décide et il ne compte pas le mettre dans cette situation difficile. Il le sent poser sa jambe contre la sienne, il lui sourit. Il voit bien que son partenaire est stressé, qu'il craint de vivre un moment difficile et que ses pensées sont ailleurs. Lui-même a dû mal à se projetter sur cette fameuse conversation. Le caractère de Russel ne lui convient pas mais il s'est limité à des remarques désagréables et a toujours reculé d'un pas dès qu'il se sentait aller trop loin... Il ne le connait pas assez pour savoir comment il réagira si Jeff rejette définitivement son invitation moins de 24h après l'avoir revu, pas bien selon l'avis du principal interessé. Alonso fait confiance au jugement de l'interessé et se méfie.

Je ne lui dirais rien. Ne t'inquiète pas. Il sort son téléphone pour passer un coup de fin. La conversation est assez brève. Il a l'air de déranger Russel. Alonso lui demande simplement s'il peuvent revenir un peu plus tôt que prévu car ils ont terminé leurs emplettes. Russel lui indique qu'il sera disponible pour les accueillir à 19h, comme prévu. Le ton est sec, froid. Alonso acquiesse et ne fait pas d'histoires. Bien sûr, pas de souci, répond Alonso. Nous serons là à l'heure prévue. Il raccroche et reste un peu dans le vague les yeux à fixer son téléphone. Décidément, Russel est particulier. Il a une manière de parler qui ne plait définitivement pas à Alonso. Où est la réalité entre ce qu'il observe actuellement et les cartons reçus ? Était-ce une tentative de reconquête de Jeff ? Est-ce qu'il se rendait compte maintenant qu'il n'y avait pas d'espoir et devenait irrationnel ? Jusqu'où irait sa colère ? Il repense à Sonia, à son attitude après la rupture, détruisant tout ce qu'ils avaient vécu, ne laissant plus rien que des cendres derrière elle, la politique de la terre brulée. Russel va-t-il réagir de la même manière quand il se rendra compte que Jeff l'abandonne définitivement ?

Il finit par revenir à Jeff lorsque ce dernier pose une main sur sa cuisse. Son sourire revient sur ses levres alors qu'il lui montre les hôtels qu'il a choisi. La réaction de son amoureux le fait rire. Il profite qu'il cache ses yeux pour venir chercher un court baiser sur ses lèvres, il a regardé à droite et à gauche avant pour vérifier que personne ne les observait, il se sent curieusement pudique à Londres. Haha promis je ne te regarde pas. Il fait semblant de cacher sa vision avec sa main contre le côté de son visage. Il passe en revue les trois hôtels choisis. Il voit deux hotels conventionnels et un hôtel vintage luxueux avec une baignoire sur pieds et un lit en demi-cercle. Il n'y a pas trop de questions à se poser mais il fait semblant d'hésiter. Hum... j'aimerais bien qu'on prenne le premier, le Portobello. Lui dit-il en lui rendant le téléphone. Je suis désolé si ce n'est pas celui que tu as choisi... il en joue, bien sûr, il n'a pas vraiment de doute sur le fait que c'est celui qui plait le plus à Jeff. Bon, du coup, il faudra attendre 19h, on a le temps de boire notre verre tranquillement. Alonso fronce les sourcils un instant.

Il boit son cocktail sans alcool. Il se dit qu'il boirait bien un whisky à la place pour se donner du courage... pourtant il sait que c'est typiquement le genre de situation où il doit garder la tête froide. Surtout maintenant qu'il ne boit plus, il sent que son organisme y est bien plus sensible qu'avant, il l'a bien vu avec le seul verre de vin bu avec sa sœur quelques jours plus tôt. Russel était-il en train de boire lui ? Était-il en train d'imaginer que Jeff avait pris la décision immédiate de ne pas le revoir ? Il se dit que changer de sujet pendant la demi-heure qu'ils ont à tuer était sans doute ce qu'il y avait de mieux à faire alors Alonso commence à dire qu'il aimerait bien le faire venir en Espagne à leur prochain voyage. Lui faire découvrir l'Andalousie et bien sûr sa région d'origine le pays basque espagnol. Il raconte ses souvenirs de vacances là-bas, décrit des endroits qu'il aimerait redécouvrir avec Jeff. Il lui dit bien sûr qu'il lui ferait la traduction... Il lui demande si ça lui plairait. Alonso raconte des annecdotes idiotes juste pour le faire rire et lui changer les idées. L'heure finit par arriver et il commande un taxi pour les ramener chez Russel. Quoiqu'il se passe, n'oublie pas que je t'aime, je t'aime si fort mi coracón. murmure Alonso, il l'embrasse tendrement avant de soupirer et de laisser Jeff sonner chez Russel.

Le plan semble se mettre en place. Il te ne rassure mais tu as Alonso à tes côtés et lui, te rassure. Son coup de fil est rapide, forcément, Russell ne peut rien deviner mais ce n'est pas pour autant qu'il va changer ses plans.

Toi tu sélectionnes des hôtels, ça te calme aussi, tu aimes faire ça. Tu te caches les yeux quand il doit en choisir un et tu as un léger sursaut quand il dépose un rapide baiser sur tes lèvres. Tu ne l'avais pas vu venir, c'est le cas de le dire. Alonso choisi le premier, il est vrai que celui ci crie ton nom, comme si la chambre t'appartenait déjà quelque part. Tu vois aussi que Coco serait magnifique dedans et tu as l'impression qu'elle ne viendra pas donner visite à Alonso tant que Russell sera dans les parages. Tu le sais, au fond. Puisque c'est fini pour elle, puisque sous ses traits, tu ne te retiendrais plus comme tu le fais. Oh zut... Tu as choisi celui que je déteste le plus... Tu fais le mauvais acteur exprès, tu as bien compris que lui avait repéré ton hôtel favori. Tu peux faire la réservation en ligne, c'est parfait et ça t'occupe un peu. Bien sûr, tu as vérifié que celui-ci était disponible dès ce soir. C'est un peu plus cher mais pas grave, tu donnerais bien plus encore pour dormir ailleurs que chez Russell.

La suite est simple, plus douce, vous évitez le sujet pour éviter que tu ne sois trop anxieux. Tu as ta chambre de réservée pour te rassurer et Alonso qui rit aux éclats devant toi pour te donner du courage. Tu le regardes avec tant d'amour. Tu aimerais que ta mémoire visuelle capte chacune de ses expressions faciales pour toujours. Vous parlez de voyages, tu adores tellement voyager. Peut être que la crise cardiaque qu'a subi Alonso lui a fait prendre confiance qu'il devait aussi profiter. A choisir, tu aurais préféré rester à Redwood avec lui et qu'il n'en ait pas, évidemment, mais dans un malheur, peut être qu'on peut parfois trouver une note positive.

Vous rentrez, tu es déjà plus tendu. C'est de plus en plus flagrant devant l'immeuble, dans l'ascenseur puis devant la porte de son appartement. Alonso t'embrasse, te confie l'amour qu'il te porte et tu ne sonnes pas tout de suite, tu le prends d'abord dans tes bras pour le serrer fort et prendre de son courage, de son énergie. C'est bête et peut être niais, mais ça te fait du bien. Tu sonnes, tu prends la main d'Alonso mais tu le lâches, tu es déjà nerveux et tu ne sais pas comment te placer. Russell vient ouvrir, juste ouvrir et fait déjà demi tour pour aller se poser sur son canapé, reprendre l'ordinateur qu'il avait posé sur le coussin à côté de lui. C'est bien ce que tu as fait Alonso, le sortir ça le calme toujours. Il ne relève pas la tête de son ordinateur et ne s'adresse toujours pas à toi. Tu regardes Alonso un instant, vous ne pouvez pas attendre, alors tu commences. Russell ? Tu attends qu'il lève les yeux vers toi. On prend nos affaires, on s'en va.

La tension monte au fur et à mesure qu'il se rapproche de chez Russel. Alonso accueille avec tendresse l'étreinte de Jeff. Il ne sait pas, n'a pas idée de ce que craint son amant, il estime qu'il doit rester sur ses gardes. Sa main vient prendre la sienne avant de la lâcher. Jeff n'est pas dans son état normal. La tension monte aussi. Leur éclats de rire pourtant quinze minutes avant lui semble déjà loin. La porte s'ouvre et la remarque de Russel le met tout de suite dans le bain. Il voudrait répondre mais il doit laisser faire Jeff. C'est incroyablement dur pour Alonso de ne pas intervenir. Jeff lance la bombe dans l'appartement. Russel ne réagit pas. Pas un mot, il ne décolle pas les yeux de son ordinateur. Quelques secondes passent et il finit par regarder Jeff avec un sourire en coin.

Pardon ? Tu as dit quelque chose ?

Tu as entendu.... répond Jeff.

Non redis moi ça en face Jeff... Russel semble s'amuser, il pose son ordinateur sur le côté.

Pourquoi tu me fais ça au juste ?

... Tu sais pourquoi je t'ai invité Jeff ? La voix de Russel est calme et controlée, comme d'habitude ce foutu flegme anglais. Cette réponse tend Alonso parce qu'il n'aime pas les gens qui répondent à des questions par d'autres questions.

Si c'était pour qu'on se remette ensemble, tu nous as menti...

Tu te crois fort et amoureux mais ça va mal se terminer et tu le sais. Russel se redresse.

On va juste prendre nos affaires et partir le dialogue est impossible.

Je ne veux pas que tu partes Jeff... Russel finit par se lever. Alonso reconnait le ton doux et enveloppant de l'anglais. Lui reste en retrait. Il ne veut pas interrompre Jeff dans sa prise de contrôle.

Ce n'est pas un adieu tu sais. Alonso relève un oeil vers Jeff. Pardon ? Jeffrey voulait rester en contact avec Russel ?

Je t'ai aimé tu sais et tu me laisses encore une fois pour un souvenir. Je n'ai pas le droit d'être amer ? Il continue de jouer sur la corde sensible. Alonso a juste envie d'aller ranger ses affaires et ne pas continuer à être un simple observateur de cette discussion.

Russell je suis parti aussi parce que tu n'étais pas toujours...

Pas toujours quoi Jeff ? Russel s'amuse toujours, il regarde Alonso prêt à lui faire entendre les pires choses sur lui.

... Jeff reste silencieux.

Russel rit doucement... Je vois... Ce silence est tout de même une victoire pour Russel.

Je n'ai pas envie de remuer tout ça je veux juste aller de l'avant. Alonso n'a toujours pas les détails de ce qui s'est passé entre eux et cette conversation à mots cachés le met mal à l'aise.

C'est ça voile toi la face et surtout oublie qui tu étais ça vaut mieux pour tout le monde plutôt que de te rendre compte de ce que tu es. Russel est effectivement amer. Il s'est rapproché de Jeff.

Tu veux entendre quoi au juste que je vais laisser Alonso pour toi ? Alonso regarde de nouveau Jeff. Cette possibilité existe-t-elle ? Il se sent comme suspendu dans le temps. Il réprime un frisson.

Tu m'as aimé Jeff et tu as aimé l'influence que j'avais sur toi. Ca ne sert à rien de te te mentir. Tu lui as dit tout ce qu'on avait fait tous les deux ? Ou ce que tu avais fait pour moi ? Juste pour me faire plaisir ? Tu crois qu'il t'aimera toujours quand il saura à quel point tu prends plaisir à te faire humilier ? Le coeur d'Alonso bat plus fort. Il le sentait, il le savait. Mais Jeff ne lui a pas parlé de tout ça, simplement de la photo, simplement de cette photo...

C'est vrai mais je cherche autre chose maintenant je ne suis plus dans cette spirale et tu n'as que ça à m'offrir. Alors s'il avait autre chose à offrir, il le suiverait ? Al essaie de se raisonner de se dire que ce n'est pas ce que Jeff veut dire. Il croise le regard de Russel qui trépigne de le voir s'interroger. Il domine la situation et il le sait.

A l'instant même où Alonso faiblira tu iras te refugier entre les jambes d'un autre. On le sait tous les deux n'est-ce pas ? Le pharmacien baisse les yeux. Ce n'est pas ce qu'il craint le plus pourtant, l'infidélité de Jeff.

Ferme ta gueule. Alonso lève un oeil de nouveau, il ne savait pas que Jeff pouvait se mettre en colère comme ça.

Oh le petit Loup se rebelle c'est mignon... mais tu es pathétique - faible - tu l'as toujours été. Tu crois qu'il ne s'en rend pas compte ? Qu'il ne te manipule pas ? Alonso veut intervenir mais Jeff le coupe.

Ce n'est pas parce que tu es un connard que c'est un connard ! Pour une fois, il est totalement d'accord et n'aurait pas mieux dit.

Continue comme ça Jeff plus tu t'élèves plus fort sera la chute. Tu ferais mieux de partir maintenant plutôt que de l'entraîner avec toi dans ta chute...
Il est heureux là bien sûr y'a son ex qui lui court après. Qui ne le serait pas ? Ça flatte son égo. Tu crois qu'il se sent comment ? Amoureux ? C'est plutôt la fierté de ne pas avoir été oublié qui lui fait perdre la tête mais il se rendra compte vite compte que tu es en train de détruire sa vie. Ca devient dur pour Alonso de ne rien dire, son ventre se serre. Il espère que Jeff lui fait assez confiance pour ne pas croire ces inepties.

Je sais ce que tu cherches à faire tu veux me faire douter tu me veux vulnérable, tu sais qu'il n'y a que comme ça que tu peux m'avoir parce que je ne peux pas t'aimer pour qui tu es. Jeff semble reprendre le contrôle. Ses mots sont durs, tranchants, Alonso est fier de lui. Il espère que cette joute verbale se termine bientôt...

Tu crois vraiment que tu l'aimes plus que moi ? Tu crois que je ne les entends pas raisonner tes "Encore Russel, encore"... Il mime les sons plaintifs qui auraient pu sortir de la bouche de Jeff. Ca ne semble pas atteindre Jeff mais ça atteint Alonso qui a l'impression que Jeff a aimé les moments difficiles avec Russel.

Ah juste parce que m'a fait jouir ça veut dire que t'es plus important ? T'es... juste pathétique en fait.

Pathétique hein ? ... c'est l'hôpital qui se fout de la charité. Tu te souviens de notre relation au moins ? Le nombre de fois où je t'ai aidé ou je t'ai aimé ou je suis allé te chercher au fond du trou ? Tu fais le fier devant ton amoureux tu fais comme si tu te souvenais de rien... ah tu es si fort maintenant alors tu te permets de me juger ? c'est ça qui est pathétique.

Je me souviens oui, je me souviens aussi des interdits, de toutes ces fois où si j'élevais un peu trop la voix, tu ne m'adressais plus la parole pendant des jours même tu ne me regardais plus parce que oui, je me souviens que tu m'as mis dans cet état des tas de fois, c'est comme ça que tu m'aimes le plus hein, Russell ? Faible et pathétique, c'est toi le problème. Jeff reperd le contrôle de la discussion, Alonso le sent. Il le craint. Il a envie de poser une main sur l'épaule de Jeff, de lui faire comprendre qu'il est là aussi mais il n'arrive plus à bouger dans cette ambiance électrique. Il n'existe plus dans cette conversation.

Tu crois qu'Alonso ne va pas changer à force de devoir s'occuper de toi ? Moi je t'aimais sincèrement, c'est à cause de toi que j'ai changé. C'est de ta faute si je suis devenu comme ça. Ca c'est un coup bas de la part de Russel se dit Alonso.

Non-... Ca n'arrivera pas avec Alonso... Al entend le doute dans la voix de son compagnon. Il cède. Comment peut-il penser qu'il finirait par le contrôler comme Russel l'avait fait ?

Tu crois pas qu'il finira par se lasser de toi ? De tes problèmes ? De ton besoin d'être aimé constamment ? Tu crois que ça l'étouffera pas ? Est-ce que ça arrivera avant ou après que tu l'aies trompé ? Abandonné ? Que tu te sois cassé pour quelqu'un d'encore plus nocif que moi ? Alonso ne sait plus quoi dire plus quoi faire, il veut entendre Jeff le défendre mais rien ne vient, pire... son compagnon hésite.

Je sais pas, je sais plus. C'est un coup de poignard pour Alonso. Russel lui exulte.

Pauvre petit Loup... tu vas faire quoi ? Te cacher derrière ton pitoyable personnage de Coco ? De nouveau un coup bas.

Oh tiens Coco qui ne se manifeste pas justement parce qu'elle t'aurait détruit et tu le sais. Alonso note que Jeff défend mieux Coco qu'il ne l'a défendu lui, mais sincèrement ce n'est plus vraiment important.

Elle m'aurait détruit hein ? C'est sur que c'est pas toi qui risque de me faire quoi ce soit. C'est dommage pour Alonso, même s'il te manipule, elle pourra rien faire, elle a trop confiance en lui, n'est-ce pas ? Ca te fait quoi de ne pas pouvoir compter sur elle ? Russel rit. Alonso lui ne peut plus attendre, il n'en peut plus d'entendre qu'il va manipuler Jeff ou qu'il le fait déjà, que Coco ne pourra pas aider Jeff... Cette discussion a assez duré.

Russel mais ça va pas de dire des choses pareilles tu cherches quoi exactement ? Juste laisse-nous simplement partir. Pas assez de punch, lui même s'en rend compte. Pour des premiers mots, on sent qu'il est en position de faiblesse, qu'il est blessé.

Joue pas au prince charmant qui vient sauver sa princesse avec moi Alonso, t'es comme moi tu cherches un gentil toutou à contrôler. Jeff n'est pas un gentil toutou non et jamais Alonso ne chercherait à contrôler qui que ce soit, ce n'est ni dans sa nature, ni dans ses envies. Certes, il y a le jeu de dominance, il ne sait pas pourquoi il y pense à cet instant, il hésite et pourtant dans ce genre de situation, il ne faut pas hésiter. Russel s'est rapproché de lui.

Mais tu te prends pour qui exactement Russel tu penses que je suis comme toi ? Alonso toise Russel, il ne comprend pas ce qu'il cherche. Il ne comprend pas pourquoi ils ne sont pas déjà avec leurs sacs dehors à partir en direction de leur hôtel.

Putain ouvre les yeux ! C'est lui qui va te rendre comme ça ! LUI !! Alonso secoue la tête. Il ne peut pas croire ça. Mais ce qui l'inquiète le plus c'est Jeff, lui peut le croire. Alors il regarde Jeff puis Russel puis de nouveau Jeff.

Tu crois vraiment ça Jeff ? Que je pourrais devenir comme lui ? Son regard est inquiet, son corps tendu par le stress.

Non, parce que jamais je n'ai voulu qu'il soit comme ça avec moi, je l'ai subi, pas le contraire. Jeff a l'air sincère mais Alonso repense à tout le bien qu'il a dit de Russel lorsqu'ils étaient encore à Redwood, ce déplacement pour lui. Il ne sait plus où Jeff en est. Il ne le comprend pas. Comment Russel pouvait-il jouer avec leur esprit comme ça ?

Les blablas de la princesse reviennent et son prince charmant à la con va la croire.... Pathétique. Cette phrase choque Alonso. Pourquoi celle-ci plus que les autres ? Parce qu'elle est dégradante, humiliante pour Jeff.

Russel s'il te plait tes histoires de prince et de princesse n'amusent que toi... Comment tu peux croire que c'est de la faute de Jeff, si tu l'as maltraité ? Alonso essaie de rationaliser. On lui a répété toute sa vie, toutes ses études que la victime était toujours une victime.

Parce qu'il le cherche, Jeff déteste être heureux, tu l'as déjà remarqué non ? Des petits détails, il va toujours chercher à faire en sorte que quelque chose se passe mal, toujours ! Après il se plaint mais il a besoin de ça pour rester avec quelqu'un, ça viendra crois-moi, je sais que tu ne veux pas me croire et je le comprends mais ça viendra... C'est vicieux, je pense même pas qu'il en ait conscience. Alonso n'y croit pas une seconde.

Personne ne recherche volontairement à être malheureux Russel. À part des gens comme toi peut-être qui se nourrissent du malheur des autres.

Alors tu n'a vraiment vu aucun signe ? Cherche bien...

Des signes de peur d'angoisse, oui, mais jamais associé à du plaisir, ça non... La voix d'Alonso est triste, il regarde Jeff à la fin de sa phrase, cherche sa main.

Lâche sa main. L'ordre de Russel est clair, précis, sa voix est un coup de fouet. Mais ce qui fait le plus mal à Alonso c'est que la main de Jeff quitte immédiatement la sienne.

Jeff... Pourquoi tu l'écoutes ? Sa voix blanche, terrifiée, quelque chose se brise en lui.

Il me fait tellement peur... Jeff semble effectivement trembler.

Russel approche sa main de la hanche de Jeff et la pose doucement. De la peur ou de l'excitation Jeff ? ... murmure-t-il. Alonso n'ose plus bouger les yeux rivés sur cette main et attend que ce soit Jeff qui réagisse. Il se sent mal, vraiment mal et humilié.

Au grand soulagement d'Alonso, Jeff retire la main de Russel de sa hanche. Tu sais ce que j'ai ressenti là maintenant Russell ? Du dégout. Alonso me touche et j'aime ça, toujours. N'importe quand. Tu me frôles à peine et je me fige, j'ai un arrière gout imaginaire dans la gorge, je me sens mal. Tu peux m'avoir avec tes mots mais tu ne pourrais même plus me toucher en réalité. Merci de l'avoir fait. Merci sincèrement Russell parce que c'est fini, tu nous laisses passer et prendre nos affaires ou j'appelle la police. Ca a assez duré, je comprends même pas pourquoi j'ai laissé ça durer. Je suis venu te quitter, je le fais. J'espère que tu finiras seul, malheureux et seul. Alonso regarde Jeff avec reconnaissance. Il sent qu'il respire déjà mieux.

Je... je vais chercher nos affaires Jeff. Il s'éloigne, il espère qu'il peut avoir confiance, il espère que Russel n'en profitera pas pour lui faire du mal. Il n'a besoin que de deux minutes pour tout remettre dans sa valise. Il fait le tour de la chambre.

Pendant ce temps, dans la pièce d'à côté, Russel termine sa conversation avec Jeff sans qu'Al ne puisse l'entendre :

Russel le regarde avec fierté et une certaine perversité. Ce mépris dans le regard me réjouit tu ne peux pas savoir... Tu dis que j'aime te voir vulnérable mais c'est faux... J'aime encore plus quand tu me tiens tête comme ce soir Jeff, si tu savais comme cette conversation m'a rappelé de bons souvenirs. J'ai encore plus envie de te voir ramper à mes pieds maintenant que tu as cette fougue en toi... Je te dégoûte peut-être, mais avoue que ce n'est pas un sentiment totalement désagréable... Quand tu finiras par fuir ton Alonso trop gentil, trop mignon, trop mielleux -parce que tu le quitteras, je n'en doute pas une seconde - et que ton comportement te dégouteras plus encore que moi je te dégoûte... Rappelle-toi à ce moment là qu'il y aura toujours une place pour toi dans mon lit mon cher petit Loup.

C'est triste pour toi, tu vas m'attendre tout ta vie. répond Jeff.

Oh je ne vais pas t'attendre sagement, tu me connais. Mais ce n'est pas un adieu Jeff, c'est toi qui me l'a dit, non ?...

Alonso revient avec leurs valises soute et cabine. On y va Jeff ? demande-t-il doucement. Le taxi est là dans 2 min. Sa voix trahit son envie de partir le plus vite possible. La conversation a bien assez duré. Il ne dit ni au revoir, ni adieu à Russel, il ne le regarde même pas en partant. Ils s'engouffrent dans le taxi et Alonso n'ose pas prendre la main de Jeff pourtant il la laisse ouverte, pour l'inviter à venir la glisser dans la sienne. Il n'a pas envie de parler, pas avant d'être arrivés à destination à l'abri dans leur chambre d'hôtel loin de tout ça.

La confrontation est dure, éprouvante, elle semble interminable. Russell utilise toutes tes faiblesses et parfois, ça fonctionne. Tu t'en veux immédiatement après mais c'est plus fort que toi, tu n'es pas assez fort et il le sait. Pourtant, tu parviens tout de même à reprendre le dessus. Tu as un déclic et c'est lorsqu'il te touche. Il a fait le geste de trop, celui qui te rappellent tous les autres, celui qui te permet de te reconnecter à la réalité de votre relation. Tu ne peux plus te laisser faire, ni pour toi, ni pour Alonso. Pauvre Alonso, vous allez en parler bien sûr. Parce que Russell a tort, votre relation est bien différente et tu vas prendre le temps de tout lui raconter, de lui expliquer tes erreurs, que parfois, tu n'arrives pas à dire non à quelqu'un comme Russell, que c'est dur pour toi. Mais ce soir, tu as réussi. Alonso est parti chercher tes affaires, enfin. Il n'entend pas ce que Russell te dit, Ah Russell ! Impossible de le faire crever pour de bon, un fichu cafard. Tu n'as pas envie de le croire une seule seconde parce que tu as encore toute la confiance qui t'a permis de lui tenir tête, qui brûle en toi. Tu ne reviendras jamais vers lui. Tu vas effacer tout contact, partout. Si, c'est un adieu Russell définitif et sans appel. Tu le toises. Il doit tellement aimer. Tu as du lui tenir tête que quelques fois seulement mais ce n'était même pas un problème pour lui. Parce qu'à chaque fois, il a attendu ta chute et à chaque fois, elle est venue. Quoi de plus grandiose pour lui que de te voir revenir sur tout ce que tu lui disais ? Mais pour le moment vous quitter l'appartement avec Alonso. Pas d'autre au revoir, pas de méchanceté supplémentaire, juste, il est temps de partir.

Dans le taxi, le trajet se fait en silence. Complètement. Pendant les premières minutes, tu n'oses même pas regarder vers Alonso. Tu vois sa main ouverte, tu hésites. Est ce qu'il ne va pas te repousser ? Tu tentes et vos mains se lient le reste du trajet, ce qui te rassure beaucoup. Pourtant, vous ne parlez pas. Il vous faut votre intimité, il vous faut du temps aussi. Le taxi n'est pas le bon endroit. Dans le hall de l’hôtel, tu te charges de faire valider ta réservation. L’hôtel est beau, on vient vous aider avec vos affaires, tout va très vite. On vous parle du restaurant, tu spa aussi disponible, du jacuzzi qu'il est possible de réserver à l'heure. Tu remercies le majordome, lui donne un pourboire comme il est de rigueur et les portes se ferment. Tu as été comme déconnecté depuis que tu es sorti de l'appartement de Russell. Alors tu te laisses tomber sur le lit rond. Assis d'abord, puis ton corps balance en arrière et tu fermes les yeux. Tout est fini, la pressions retombe enfin et les larmes coulent, enfin aussi. Tu as tellement du te retenir alors que tu es si émotif. Tu es fatigué, exténué même. Maintenant que vous êtes en sécurité, seuls et que tu peux te laisser aller, ton corps relâche la pression et tous les signes de ta fatigue te submergent. Je ne sais pas par ou commencer Alonso. Si. Par un pardon. Pardon pour tout ça. Pardon de l'avoir laissé faire. Les paroles de Russell reviennent dans ton esprit, certaines, celles qui font le plus mal. Est ce que tu es vraiment tel qu'il t'a décrit finalement ? Tu veux juste oublier.

Les premières minutes dans le taxi Jeff semble l'éviter. Il comprend, lui aussi se sent vidé, un peu éteint. Il n'arrive même pas à penser vraiment à ce qui s'est passé. Tellement de questions traversent son esprit. Tellement de peurs, d'angoisses... Quand la main de Jeff prend la sienne il sent son ventre se serrer dans un trop plein d'amour et de reconnaissance. Il n'ose pas tourner la tête pour le regarder, son visage toujours tourné vers la fenêtre. Il laisse agir Jeff, écoute à peine ce qu'on leur dit. L'hôtel est luxueux. Magnifique. On les aide avec leurs bagages et ils finissent dans la chambre. Elle est belle, comme sur les photos, mais son coeur n'est pas à l'observation. Il enlève juste ses chaussures. Jeff se pose sur le lit, Al reste debout.

Les mots d'excuse de Jeff lui font fermer les yeux un instant. Il ne répond pas, il sait qu'il devrait répondre mais il n'en a pas le courage parce que ce qu'il a envie de demander c'est qu'est-ce qu'ils font là exactement, pourquoi sont-ils venus jusqu'à Londres pour tout ça ? Est-ce que c'est un jeu ? Est-ce qu'il doutait à ce point de leur amour qu'il a devait se confronter à Russel ? Il a l'impression de ressentir encore sa main quitter la sienne, il entend encore ses hésitations et la voix de Russel qui accuse Jeff de ce qu'il lui a fait subir. La colère reprend le dessus, une colère envers Russel pas envers Jeff. Il se dirige vers la commode où se trouve une bouteille d'eau et deux verres. Il se sert, en boit un. Puis en sert un autre pour Jeff et vient lui apporter. C'est là qu'il voit ses larmes, des larmes qui font s'effacer sa colère, qui feront peut-être toujours s'effacer sa colère. Il s'assoit à côté de lui. Tu veux de l'eau ? lui demande-t-il doucement en lui proposant le verre qu'il a dans la main.

Jeff... Il soupire sans trouver de mots. Il a envie de le prendre dans ses bras, de lui dire qu'il l'aime et qu'il est désolé de tout ce qui s'est passé, d'avoir lui aussi laissé faire. Il a envie de lui dire que jamais il n'espère le dégoûter... ne jamais lui faire de mal. Alonso se relève, incapable de rester assis à côté de Jeff avec ce genre de pensées. Jeff... Je ne sais pas quoi te dire. Je suis déçu... Il n'ose pas le regarder. Il est allé jusqu'à la fenêtre et regarde la ville en bas qui s'anime, le soir tombe doucement. Il faudrait qu'ils sortent manger, mais ni l'un ni l'autre ne doit en avoir envie. Alonso se dit qu'il prendra en charge tous les restaurants puisque Jeff a tenu à lui offrir l'hôtel. Cet hôtel et cette chambre sont vraiment magnifiques. Il avait l'impression d'être là depuis des jours. Pourtant, ils n'avaient atterri que le matin même. Il sait qu'il devrait rassurer Jeff mais il n'y arrive pas, il se sent blessé et les excuses de son compagnon n'y font rien. C'est la première fois qu'il se sent si démuni dans leur relation. Il sait que ce n'est que passager, que ça finira par passer. Il a envie de dessiner, de ne plus penser à rien pendant un moment.

Tu as soif mais tu as la gorge serrée, également. Alors tu boiras le verre qu'il t'a servi un peu plus tard. Ça ira merci. Tu pourrais recracher l'eau en la buvant et ce n'est pas le moment pour ce genre de pitrerie. Alonso cherche à te parler. Il n'est pas venu contre toi alors tu sais. Tu sais parce que tu as entendu les mêmes mots que lui, les tiens surtout. Tu repenses à ta main qui a lâché la sienne quand Russell l'a exigé. tu as eu si peur sur le coup mais c'est de ta faute. Tu aurais du tenir et tu comprends qu'il soit déçu. Il vient de le dire. Tu te doutais qu'il dirait quelque chose dans le genre mais c'est plus pénible de l'entendre. Tu prends encore un peu de temps, sans doute un peu moins d'une minute, sans rien dire, le dos posé contre le matelas du votre lit rond. Tu as besoin de ce temps pour remettre quelques idées en place et laisser ta raison parler au lieu de tes émotions. Tu dois aussi trouver le moyen de te faire pardonner, mais pour le moment, tu ne sais pas comment faire.

Tu te redresses, essuies tes yeux d'un revers de ton bras parce que ce n'est pas juste si tu pleures. Tu te sens si fautif de tout. C'est à cause de toi que vous êtes ici, à cause de toi si Alonso est déçu. Tu pensais vraiment bien faire cette fois, en ne fuyant pas, en affrontant Russell une dernière fois pour mettre fin à votre relation dignement, et pas juste parce que tu l'avais fui. Tu as pensé bien faire mais tu as foiré et tu as entrainé Alonso avec toi. Russell a raison la dessus, tu es néfaste pour les autres. Ton compagnon s'est éloigné, regarde la ville. Tu le regardes lui, sans rien dire d'abord, comme dans le taxi. Tu as peur que si tu parles, tu ne fasses qu'envenimer la situation. Mais tu dois parler, tu n'as pas le choix et tu le sais. C'est un saut dans le vide, et tu ne sais pas si ton parachute est opérationnel. Je n'aurai pas du lâcher ta main. Tu es resté là dessus, peut être qu'Alonso n'en a fait qu'un détail, mais pas toi. En réalité, je n'aurai pas du te faire venir ici, revoir Russell était complètement con. Mais c'est fini de fuir. J'ai merdé Alonso et si tu dois prendre du temps pour me pardonner, je te donnerai ce temps. J'espère juste que ce n'est pas allé trop loin pour toi. Que j'ai encore une chance. Tu baisses la tête. Tu pourrais lui prouver, tu penses, que tu mérites son pardon. Tu voudras essayer de tout ton être. Mais si Alonso ne veut plus déjà, ce n'est pas la peine. Tu sais que tu devrais relever la tête. Tu le fais, c'est dur pour toi mais on ne change que pour les gens qui comptent réellement.

Alonso pose le verre sur la table de nuit avant d'aller à la fenêtre. Il a besoin de ce silence pour faire le vide, pourtant depuis le taxi, il en a eu du silence... Jeff lui en a laissé ou il en a laissé à Jeff, il ne sait pas. Il a l'impression de sombrer doucement dans le flot de ses pensées. Quand son compagnon parle enfin, c'est encore plus douloureux, comment peut-il lui demander ça ? Il sait qu'ils doivent parler. Il le sait mais aucun mot n'arrive à sortir immédiatement. Il était venu jusqu'ici, il lui avait fait confiance, Jeff lui avait dit qu'il n'avait à craindre. Tu n'aurais pas dû, non... Pourquoi est-ce qu'il disait ça ? C'était idiot. Le dire à haute voix leur fait du mal à tous les deux. Ça m'a fait mal... Je ne pensais pas... Je ne pensais pas que tu douterais de moi. Il finit par se tourner vers lui, lui faire face, croiser son regard. Je sais... que tu ne pensais pas que ça se passerait comme ça... je l'espère en tout cas... que tu ne m'aurais pas embarqué volontairement dans cette situation pour te prouver quoique ce soit. Ce serait vraiment égoïste de ta part Jeff... Sa voix est froide, détachée, plus triste sur la fin, il a l'impression de se déconnecter de la situation. Il espère que Jeff va le détromper, il espère qu'il lui dira que jamais il n'a pensé à tout ça.

Il ne se reconnait plus vraiment à cet instant, il ne veut jamais ressembler à Russel, il ne veut jamais manipuler Jeff pour le rendre malheureux, il espère qu'il en est de même pour lui. Il tourne la tête, s'assoit sur l'un des fauteuils près de la fenêtre, regarde la table. Ça aurait pu être pire... Je sais que ça aurait pu être pire. Tu aurais pu me demander de partir, tu aurais pu rester avec lui, tu aurais pu le laisser poser les mains sur toi... Les pensées d'Alonso défilent et ses mots se tarissent. Il prend sa tête dans ses mains. Ce n'est pas une question de pardon, Jeff, c'est une question de confiance. Je ne sais plus où tu en es. il soupire. Il se sent trahit par son compagnon, par ce voyage, par sa façon de douter... il ne lui en veut pas, il a bien vu comment Russel le manipulait. Qu'est-ce qui s'est passé avec lui pour qu'il ait une telle influence sur toi, Jeff ? Son pied tapote le sol. Il n'a pas répondu à sa demande de savoir s'il a encore une chance, parce qu'il se demande surtout si lui, il a encore une chance, pas l'inverse.

Comment peux-tu être si con ? Tu viens à le penser. Lâcher sa main parce qu'un homme qui ne voulait que reprendre le contrôle sur toi te l'a ordonné. Alonso confirme, c'est plus douloureux, comme une pression sur ton cœur, de l'entendre. Même si tu sais qu'il a le droit et qu'il a raison. C'est une chose de le savoir, une autre de l'entendre de la bouche de celui que tu as blessé. Russell a bien raison là-dessus, tu ne fais qu'attirer les autres vers le bas et ils doivent toujours s'occuper de toi. Tu es un fardeau. Tu n'as jamais voulu douter de lui. Tu pensais être fort, tu pensais sincèrement pouvoir revoir Russell pour tourner la page. Tu le pensais sincère aussi, comme à chaque fois. C'est de ta faute si tu n'as pas douté parce qu'Alonso ne le connaissais pas mais toi si. J'ai vraiment cru que c'était la meilleure chose à faire. Qu'il fallait que je cesse de fuir. Je sais pas pourquoi j'ai cru que c'était possible avec lui. Mais ce n'est pas une excuse. Pire, tu ne parles pas à Alonso de la promesse que t'a faite Russell. Celle de ne pas te lâcher. Tu devrais, mais tu te dis que si tu le fais, Alonso va quitter cette pièce. Cette pièce si belle, tu aurais passé tellement de temps à la détailler, la prendre en photo, prendre des photos d'Alonso devant les beaux murs décorés. Mais cette pièce n'a pas d'importance pour le moment. Tu te fiches bien de sa beauté.

Alonso s'assoit en face de toi, pas à côté de toi. Il ne passe pas ses douces mains dans tes cheveux, il ne te parle pas en espagnol pour te rassurer. Tu sais que l'instant est grave. Alonso ne fait pas que parler pour te le montrer, ses gestes, son corps t'indiquent que la situation vous échappe. Tu baisses la tête à nouveau, tu ne sais pas quoi répondre. Ce qu'il dit n'est pas arrivé, tu voudrais lui dire mais tu as l'impression que c'est la pire chose à faire maintenant. Parce qu'il a raison, ça aurait pu arriver. Comme un alcoolique pourrait boire à nouveau un jour, son alcool favori, un verre posé sans surveillance, tout se passe bien dans sa vie. Il est seul avec ce verre laissé par une autre personne à une soirée. Le verre n'a pas besoin de l'appeler, parce que cet homme a tout de même envie d'y gouter. Juste une fois, ce n'est rien, et tout est sous contrôle. Il se souvient des moments passés, de cet alcool qu'il a tant apprécié. De toutes ces fois où le boire n'a pas été grave, qu'il a su se contrôler. Mais jamais il ne pense à ces moments où il n'arrivait pas à contrôler sa consommation, où tout ce qui comptait, c'était un verre de plus. Tu es cet homme mais ton alcool préféré n'est pas un verre de bourbon, c'est un autre homme, un homme qui ne le sait que trop bien. Je ne pourrai pas te dire exactement. Tu te penches, les coudes posés sur tes cuisses, tu viens poser ta tête dans tes mains, tu regardes le sol, la douce moquette mauve pastel. Il y a eu des moments où je pensais que ça ne servait à rien de vivre, s'il ne voulait plus me regarder. Alors bien sûr quand il finissait par me sauver de ces périodes, j'avais l'impression qu'il était un héros, cette personne si merveilleuse. Je n'arrivais pas à voir qu'il me sortait juste d'une situation dans laquelle il m'avait lui-même poussé. Peut être que je le savais mais je n'ai jamais voulu le voir. Je suis perdu Alonso. Tout ce voyage, tout ce que tu as subi. J'aurai tellement pu éviter tout ça et pourtant, il a presque réussi. C'est la première fois que Russell a presque réussi d'ailleurs. Il n'a jamais eu à essuyer une telle défaite. Je crois que l'histoire de ma fuite n'est pas exactement comme je l'ai racontée. Il m'a demandé en mariage, enfin, ce n'est pas exactement ça. Il me l'a annoncé en réalité. Il a dit qu'on se marierait, qu'il s'en fichait mais qu'il le ferait parce que ça comptait pour moi, ces conneries de mariage. Mais qu'il ne ferait pas le moindre effort. Il m'a dit d'inventer une demande incroyable, de ne pas le décevoir. Je ne sais pas pourquoi j'ai encore l'impression d'être parti. Si, je suis parti, mais ce jour là, j'ai vraiment craint pour... Tu te tais, c'est trop difficile. Alonso n'a surement pas envie d'entendre d'autres excuses, tu as déjà trop parlé. Tu ne sais pas comment tu vas faire maintenant. Tu aimerais lui demander mais c'est à toi de savoir. Sauf que tu ne sais pas comment faire.