La Saint Valentin s’était écoulée sans avoir qui que ce soit avec qui la partager. Une fois de plus. Sincèrement, je ne comptais même plus les loupés et m’empêchais de penser à la dernière que j’avais célébré il y avait de cela une dizaine d’années. Pourtant, j’avais bel et bien pour projet de célébrer « l’après » en compagnie d’une tête bien connue : Peter Black. Était-ce une mauvaise idée ? Probablement. Était-elle saugrenue ? Carrément ! Et pourtant, j’y fonçai tête baissée sans prendre la peine de m’interrompre en chemin. J’avais envie de passer du temps en sa compagnie, de m’amuser et d’avoir de ses nouvelles plus directement que par messages échangés à distance. Nous avions rapidement convenu que nous jouerions le jeu à fond. Ce fut pour cela que je sortis de chez moi habillé élégamment de mon costume bleu sombre, la barbe fraîchement taillée et mes cheveux coiffés avec soin. Cerise sur le gâteau : je sentais super bon grâce à l’une de mes dernières acquisitions. Je détestais me vanter et ne me trouvais pas spécialement attirant mais j’étais fier de le penser : ce soir, je n’étais pas dégueulasse ! Bref, une fois Moana déposé chez ma mère, je me rendis à la ferme dont je ne connaissais que trop bien le chemin pour m’y être rendu un nombre incalculable de fois. Sûrement pourrais-je me diriger jusqu’aux habitations les yeux bandés ! Le temps me manquait depuis que j’avais rejoint les rangs du Point, certes, mais je me faisais toujours un plaisir de venir saluer les occupants des lieux. Les quatre d’entre eux (Pete comptant pour 1,5).

En revanche, j’avais pour mission de me faire discret cette fois-ci afin de ne pas éveiller les espoirs étouffés de Martha qui ne manquerait pas de hurler d’excitation si elle nous surprenait fringués de la sorte. Ce fut pour cette raison que ma voiture s’arrêta net à distance généreuse de la maison de cette dernière afin que ses oreilles ne captent pas le moteur de mon véhicule ni que ses yeux surprennent mes feux. Qu’est-ce qu’il fallait faire pour éviter des scènes ! J’avais parfois du mal à croire que le tatoueur avait réellement la quarantaine passée… Selon mes humeurs et les situations, cela m’amusait autant que cela pouvait m’attrister pour lui. Ce soir, j’étais ravi de faire profil bas pour ne pas avoir de compte à rendre.

Arrivé devant sa porte d’entrée, je toquai à la fenêtre la plus proche dans le but de lui signaler ma présence. Cela serait toujours plus étouffé qu’une sonnette ! Son arrivée fut si express que je le soupçonnais d’avoir passé les dix dernières minutes à faire le guet. Cette pensée suffit à m’amuser. Je m’engouffrai en vitesse à l’intérieur puis l’ouverture fut refermée derrière moi. On aurait dit deux adolescents qui se rencontraient en pleine nuit, en allant à l’encontre des ordres donnés par leurs géniteurs. Si burlesque !

- Je te jure que si elle m’a vu c’est qu’elle a installé des détecteurs de mouvement sur ton perron ! blaguai-je en riant (à moitié seulement).

Enfin, je m’attardais sur son apparence. Ce n’était pas tous les jours qu’il quittait ses kimonos ou autres fringues habituelles pour s’afficher tout en élégance. Nul doute que sa tenue était l’un de ses souvenirs de notre séjour à Paris ! Un sourire presque ému s’étira sur mon visage. Ce gars réussirait éternellement à me faire fondre, ce n’était plus à prouver !

- Tu n’as pas fait semblant… Tu es… Plus que prêt pour ce non-rendez-vous galant !

Je pouffai puis lui déposai un bisou sur la joue alors que ma main droite se posait sur sa taille. Ok, j’aurais pu prononcer tous les adjectifs similaires « splendide » pour le décrire mais mon expression suffisait à faire passer le message. C’était sans compter sur un « Oh ! » bien trop audible qui attira mon attention vers la vitre donnant à l’extérieur. Il n’y avait personne. Pourtant…

- J’ai dû halluciner…, conclus-je avec peu de conviction tout en fronçant les sourcils.  

Il était si rare de voir Peter si apprêté que j’en restai bouche-bée un instant. Malgré les années qui défilaient et notre réussite à ne pas se précipiter l’un sur l’autre depuis maintenant un bail, le voir si élégant n’aidait en rien ma retenue. Son emprise sur moi ne disparaîtrait jamais et, le pire, c’était que je la provoquais en lui proposant cette soirée aux allures romantiques. Rien ne faisait sens mais je ne cherchais plus la rationalité dans tout ce qui concernait les Black de près ou de loin. Tous les membres inclus, des parents jusqu’au chien. Que j’y participe ou non. Savourer leur compagnie sans se poser plus de questions que nécessaire constituait le meilleur principe à suivre. Pourquoi se prendre la tête ? Je le faisais déjà bien trop souvent. Ma bouche s’était posée sur sa joue tandis que la discussion se lançait avec la complainte de mon interlocuteur au sujet de la gent féminine. Je lâchai un rire avant d’ajouter dans un timbre faussement dramatique :

- Et dire que je suis bi… J’ignore comment je fais !

Purement de l’humour. Loin de moi l’envie de catégoriser et de faire des raccourcis. À chacun sa personnalité, peu importe son genre. Chacun était capable du meilleur… tout comme du pire ! Toutefois, je n’étais pas entièrement convaincu que l’empêcher d’exprimer sa personnalité à travers ses habits était la meilleure idée au monde. Sa styliste ne l’avait visiblement pas compris mais l’originalité de son look lui permettait de sortir directement du lot sans même qu’il ait besoin de prouver son talent. C’était sa marque de fabrique. Autant que sa voix magnifique et ses écrits bouleversants. Qui était-il sans ses bonnets et ses kimonos floraux ? L’un n’allait pas sans l’autre selon moi et j’espérais qu’il acquerrait rapidement davantage de liberté. Mais l’heure n’était pas à un tel débat. Non, l’intérêt du tatoueur était désormais fixé sur notre destination.

- Dans une ferme qui propose des pique-niques sous les étoiles en échange d’un peu de travaux manuels. Rien de très compliqué. Juste soulever des bottes de foin et retaper quelques bricoles avec marteaux, haches et tronçonneuses.

Mon visage si fermé laissait d’abord penser que j’étais sérieux. Cependant, il suffisait d’utiliser un tant soit peu ses méninges pour savoir que tout ça n’était que du pipeau. Pourquoi l’emmènerai-je dans un endroit pareil alors que nous pourrions le faire ici-même sans contrepartie physique ? Je cherchais juste à le faire flipper ne serait-ce qu’un instant en le laissant se projeter avec une arme d’autodestruction potentielle aux mains. Bah quoi ? Nous étions là pour nous amuser, non ? Je ris tout en lui donnant une petite tape sur l’épaule.

- Non, ne t’en fais pas. La dernière chose que je me souhaite c’est d’avoir ta mère sur le dos car je t’ai jeté dans la fosse aux lions ! répliquai-je, conscient que ma mort serait inévitable si son fils se coupait le petit doigt. Je nous ai réservé une table dans un nouveau restaurant italien qui a ouvert à Burlington. Toi et moi nous allons vivre la meilleure non-Saint Valentin qui ait jamais existé autour d’une assiette de spaghettis aux boulettes de viande !

Bon ok, ce dernier point n’était pas obligatoire mais l’occasion était parfaite pour un clin d’œil à La Belle et le Clochard ! Bien sûr, nous n’étions pas près d’arriver à l’heure puisque sa génitrice débarqua malgré nos précautions. Caméras de mouvement, hein ? Pas qu’un mythe ! Déjà, la femme s’était improvisé tout un scénario romantique à notre sujet que Peter s’empressa de nier en bloc. M’entendre rayer ainsi ne me laissait jamais indifférent même si la douleur aigüe que j’avais autrefois pu ressentir avait disparu. Dieu merci. Je n’eus pas le temps de me lamenter de toute façon puisqu’elle se précipita sur moi, se raccrochant au mieux à ce qu’elle devait considérer être une bouée de sauvetage. Lui « montrer les avantages à être en couple » ? Cette formulation m’amusa mais je ne pus répondre immédiatement puisque la prise de bec se poursuivit jusqu’à ce que mon prénom soit à nouveau citer.

- On a tous besoin d’un jour de repos, répondis-je, me forçant à paraître neutre et innocent en dépit du rictus que j’étais incapable de dissimuler dans son intégralité. Quant à lui prouver quoique ce soit… Peut-être après le repas. Perdre quelques calories ne fera pas de mal !

Comment ça je jubilai à faire tourner mon ami en bourrique ? Il devait voir rouge à l’idée que je mentionne de possibles ébats face à sa mère. Mais je la connaissais, cela l’amuserait plus qu’autre chose venant de ma part. J’ajoutais malgré tout, avec complicité, en me penchant vers Martha :

- Je parle évidemment d’une marche digestive sous la lune !

Le clin d’œil que je lui adressai fut le bouquet final à mon petit numéro. Peter allait soit me tuer, soit courir se planquer dans un coin. Remarquez, à force plus rien ne devrait le surprendre de ma part ! Il savait que j’aimais le torturer et me le rendait toujours avec enthousiasme.

Forcément que, dans ma petite histoire improvisée, je finissais par être celui avec les charges les plus lourdes, c’est-à-dire à devoir manier marteau et tronçonneuse ! Toutefois, en toute honnêteté, je n’aurais jamais concrétisé un tel rendez-vous s’il s’agissait d’un projet réel. Je connaissais mon interlocuteur et l’emmener là-bas aurait constitué un meurtre. Indirect certes, sous la forme d’un incident pour ceux ne le connaissant pas, mais bel et bien un assassinat. Je tenais trop à lui pour le mettre en danger et… je savais ce sentiment réciproque. Peter le prouva même en avouant aimer l’idée de « passer une soirée sous les étoiles avec [m]oi ». Sûrement y percevais-je une pointe de romantisme là où il n’y en avait pas mais, pendant une poignée de secondes, un sentiment étrange parut s’emparer de nous. Je le chassai à grande vitesse, l’enfermant dans un coin de mon esprit comme j’avais appris à le faire en continuant de le fréquenter post-rupture. Il s’agissait de l’unique moyen à employer pour demeurer amis. Je lui souris après m’être perdu un instant dans son regard avant d’avouer que je lui mentais éhontément. Non, pas de travaux manuels ce soir. Juste un bon restaurant italien venant d’ouvrir ses portes !

- On ne sait jamais. Après tout, nous deux dans une botte de fois on a déjà donné et ça peut être plutôt terrifiant en y repensant, rappelai-je avant de m’esclaffer.

Nous avions un sacré passif de jeu et de situations rocambolesques qui me faisait bien plus rire que pleurer. Allez savoir jusqu’où nous nous serions attardés sur la route de la mémoire si nous n’avions pas été interrompus par nulle autre que sa génitrice. Celle-ci avait le don de débarquer à l’improviste au pire moment au point que je me demandais si elle n’avait pas passé sa scolarité à Poudlard ! Était-elle une sorcière dont le don était de sentir la moindre présence masculine autour de son fils ? La probabilité que la magie n’existe pas était limite plus faible ! Et, comme toujours avec elle, la situation ne manqua pas de déraper à vitesse grand V. Que faire dans ces moments ? En tirer profit pour s’amuser un peu et contempler le spectacle. Alors ok, ce n’était pas génial en soi, mais tellement tentant ! Et mentais-je en prétendant qu’il y avait des chances que cela dérape ? Je ne le savais pas moi-même tant notre duo était imprévisible. Par contre, les dialogues que cela engendra aurait mérité d’être enregistrés tant ils étaient à se bidonner. J’assistai alors à un échange de phrases improbables (et beaucoup trop imagé à mon goût – et à celui de l’artiste) qui s’acheva par une tentative à peine dissimulée pour éjecter sa mère de sous ton toit. Se servir de la réservation comme prétexte était cependant une excellente décision. Bien joué ! Même elle ne pourrait que s’y plier tant elle tenait à nous rassembler devant un dîner aux chandelles !

- C’est juré ! Je le tiendrai loin de l’alcool et des ennuis ! lui promis-je avec un sourire et en la saluant de la main avant que la porte d’entrée ne se referme derrière elle.

Dès lors, je croisais les bras et adoptai un air imbu de sa personne. On aurait dit un Gaston en puissance ! But recherché, évidemment. C’était limite si je n’entendais pas la chanson résonner dans mon crâne à cet instant précis.

- Alors comme ça je suis « parfait » pour toi et tu es fragile ? Mince. Tu n’auras plus que des caresses désormais. Je m’en voudrais de te briser en mille morceaux et de faire honte à ma réputation…

Je pouffai, conscient que je me payais sa tête. Peter trouverait un moyen de me rendre la pareille, je ne me faisais aucun souci là-dessus. Mais comment aurais-je pu laisser passer une scène telle que celle-ci sans broncher ? La tentation de le taquiner était bien trop irrésistible… En attendant, Martha venait de prouver qu’elle sous-estimait très fortement les capacités de sa progéniture qui dissimulait très bien son jeu décidément. Je me rapprochai de lui et, sans le toucher, lâchai :

- Tu veux que j’aille rétablir la vérité en lui avouant que tu es un excellent amant ?

Bordel, que c’était dur de conserver son sérieux ! J’en étais même réduit à me mordre l’intérieur d’une joue dans le but de contenir une crise de rire. Un peu de sérieux bon sang ! Tu peux le faire Jayden ! Je pris une inspiration avant de reprendre la parole.

- Allez, il faut qu’on file. Le restaurant ne va pas nous attendre ! rappelai-je en m’avançant vers la sortie avant de jeter un coup d’œil en arrière. Mais je maintiens ce que j’ai dit : tu es vraiment beau ce soir.

J’étais désormais habitué aux situations rocambolesques lorsque je posais les pieds chez les Black. Maintenant, j’en étais même friand. Il était impossible de s’ennuyer avec eux séparément, alors une fois regroupés… J’assistai à l’échange entre la mère et son fils, ajoutant parfois ma petite dose de taquineries histoire d’« envenimer » les choses. C’était si amusant ! Et pourtant, Martha continuait de me considérer comme étant le gendre idéal si on en croyait ses paroles. Lui et moi aurions pu fonctionner dans une autre réalité mais dans celle où nous nous trouvions c’était peine perdue. Je me demandais parfois si un écho des sentiments qu’il avait potentiellement ressenti pour moi existait encore aujourd’hui mais quel intérêt ? Mieux valait-il continuer sur notre lancée post-séparation. Une amitié décomplexée qui, parfois, débordait un peu sur les limites supposées par une telle relation. Quel mal y avait-il à ça ? Nous ne blessions personne et ne nous condamnions pas à être « ficelés devant l’autel » ! Je pouffai en réaction à ce scénario carrément absurde, ne craignant même pas la supposée menace que représentait John accompagné de sa fourche.

- Vrai, plus rien ne m’étonne venant d’elle. Mais si on se retrouve mariés toi et moi, je suis prêt à parier que ce sera par ta faute puisque, si mes souvenirs sont exacts, tu es le premier à avoir cédé à la tentation quand on s’est retrouvés enfermés, lui rappelai-je avec un rictus. Tu te souviens ? Ces caresses pas si innocentes sur mon ventre ? Alors si ce que tu décris est appelé à se produire… Tu diras « Oui ! » avant-même que le révérend ait terminé son discours.

Comment pouvais-je fuir dans de telles circonstances alors que mon interlocuteur était lui-même complice malgré lui ? J’adorais visualiser nos bêtises qui jonglaient si bien avec tant d’ingrédients, de l’humour à la romance en passant par la pure folie. Je laissai Peter offrir un os d’ogre à son morfal de chien, regardant ce duo improbable avec tendresse. J’avais parfois l’impression que l’époque où je passais quasiment tout mon temps livre avec eux remontait à des années en arrière… Nos vies avaient tant changé depuis. En revanche, ce n’était pas le cas de ce qui nous maintenait séparés. Il était désormais grand temps de filer si nous tenions à arriver à l’heure au restaurant même si mon acolyte semblait bien plus angoissé par sa tenue que par la possibilité d’être en retard.

- Tu devrais écrire un message de protestation sur les réseaux sociaux. T’attaquer à la mode te ferait un max de pub, proposai-je tout en lui ouvrant la portière. Perso je n’y connais rien alors voilà ce que je te propose : quand on rentrera, tu me feras un défilé de tes suggestions et je te dirai ce que je préfère. En tout bien tout honneur, ça va de soi.

Vraiment ? Mon sourire aussi large que ma face n’aidait pas ma crédibilité ! Je refermai derrière lui puis rejoignis la place du conducteur. Nous avions à peine fait dix mètres que je repérai une silhouette dans mon rétroviseur.

- Ta mère essaye d’être discrète tu crois ?

C’était limite si je ne m’attendais pas à la voir s’essuyer le coin de l’œil avec un mouchoir en tissu tout nous regardant disparaître dans l’obscurité. Je ris, toujours époustouflé par son acharnement. À l’heure actuelle je ne comprenais toujours pas comment nous étions parvenus à nous sortir de la fois où elle nous avait surpris l’un contre l’autre au bord du lac de Redwood. Sûrement avait-elle flairé que le moment était très mal choisi pour insister et, en cela, je l’en remerciai puisque peu de temps s’était alors écoulé depuis notre rupture (si nous pouvions appeler ainsi notre éloignement car le terme « couple » ne nous avait jamais été étiqueté).

- Tu sais que j’ai hésité à t’acheter une broche fleurie comme au bal de promo ? Ça aurait été très drôle, lui révélai-je en lui jetant un coup d’œil. Mais j’imagine qu’on est trop vieux pour ces conneries. D’ailleurs… Tu ne m’as jamais parlé du tien, je crois !

À moins que… ? Il n’était pas impossible que ma cervelle de moineau n’ait pas enregistrée la moindre de ses paroles en tant d’années. Qui pourrait m’en blâmer ? Lui aussi ne devait pas se souvenir de l’intégralité des anecdotes que je lui avais racontées.

- Tu y es allé avec une fille ? Elle est encore dans le coin ?

Le trajet d’ici Burlington était relativement long et ma curiosité était piquée à vif. J’espérais que son histoire me fournirait de quoi le charrier pour le reste de sa vie la soirée !

Je me contentai de hausser un sourcil tout en écoutant Peter tentant désespérément de se raccrocher aux branches quant à ses motivations derrière ses premières caresses. Les tatouages, bien sûr. Ils avaient bon dos ! Le sourire en coin que j’affichais prouvait clairement que je me moquai de lui et de sa justification à la noix. Il n’y avait pas que ça et nous le savions parfaitement autant l’un que l’autre. Qu’il stoppe le massacre qu’il ne faisait qu’empirer à chaque mot additionnel ! Son affirmation finale, elle, était bien moins amusante mais j’avais appris à ne plus être blessé par ce type de tournure. J’étais détaché de tout potentiel avenir à ses côtés depuis longtemps. Les plaies étaient pensées et mon esprit clair.

- De toute façon je n’aurais pas voulu de toi. Et puis… je suis trop jeune ! Maintenant, vu ton âge avancé, il te faut un mec dans la cinquantaine gros minimum ! ripostai-je dans le but d’alléger le ton de la discussion.

Je ris puis nous finîmes par nous asseoir tout à tout dans mon véhicule destiné à nous conduire jusqu’à ce nouveau restaurant italien qui me mettait l’eau à la bouche. Il ne pouvait qu’être délicieux vu les premiers retours ! Même certains de mes collègues s’y étaient rendus et ne pouvaient donc pas manquer de professionnalisme ! Toutefois, nous devions déjà occuper le temps jusqu’à être en mesure d’y poser les pieds. Il fut donc impossible d’éviter le sujet de ses parents tandis que la silhouette de sa mère sur son perron disparaissait dans l’obscurité de la nuit tombée. Je passai la seconde, avançant péniblement dans le chemin cabossé qui nous ramènerait sur la route goudronnée. À force, je connaissais les creux les plus profonds à éviter.

- C’est qu’elle devrait réussir à se mettre dans la tête c’est que, même si tu n’es pas marié, cela ne signifie pas que tu seras seul. Déjà, tu as Castiel qui sera toujours prêt à te donner un coup de main financier. Et puis, sans mentionner le reste car autant passer directement au meilleur, tu as moi ! m’exclamai-je en lui pinçant rapidement la joue avant de reposer mes doigts autour du volant. Je serai toujours là à te chercher des noises et à t’encourager quand tu auras le trac de grimper sur les plus grandes scènes internationales !

Nous formions un excellent duo. Pourquoi se dissoudrait-il après l’épreuve intense que nous avions déjà surmontée ? À défaut d’être mariés, nous pouvions rester d’excellents amis. Bon… Même si nous échappions rarement aux allusions ou situations romantiques comme lorsque, coupable, je mentionnai la broche fleurie traditionnelle des bals de promo.

- Tu aurais préféré un bracelet peut-être ?

Il marquait un point cependant : sa mère aurait hurlé autour d’un feu de joie si je le lui avais offert devant elle. Remarquez, celui qu’il avait vécu au lycée aurait pu être effacé sans regret comme j’en conclus en écoutant son récit. Comment avions-nous pu passer à côté de cette anecdote en somme importante de son développement identitaire et émotionnel ? Jusqu’ici, l’artiste était resté vague et, aujourd’hui, il ne se faisait pas prier pour tout me raconter. J’étais navré pour lui.

- Tu as un don pour te foutre dans des histoires pas possibles, on te l’a déjà dit ? l’interrogeai-je ironiquement avec un coup d’œil en coin. Ton prof’ de musique hein… Pas très… réglo. Mais tu as l’air d’avoir été heureux avec lui avant que tout s’emballe, non ? Je suis vraiment désolé que ce se soit si mal enchaîné.

Le fils Black n’était pas réputé pour faire les meilleurs choix en toutes circonstances. Prétendre le contraire serait mentir honteusement. Toutefois, là, il avait l’excuse de l’immaturité adolescente mêlé à différentes craintes dont celles du coming out mal encaissé. Difficile de l’en blâmer. Son enseignant aurait dû le comprendre mais devais-je en attendre tant d’un type fréquentant un mineur en pleine crise existentielle ? Je ne devais pas juger sans le contraire mais ce n’était pas l’exercice le plus simple pour moi. Sans compter que je ressentais toujours ce besoin viscéral de protéger le brun des cruautés de la vie.

- Tu ne l’as jamais revu donc mais tu as déjà cherché des infos à son sujet ? Ou même tenter d’entrer en contact ? Je suis tellement curieux que j’aurais fouiné comme un malade à ta place !

Tout était possible désormais avec Internet et les réseaux sociaux ! Bien des minutes s’étaient écoulées lorsque nous sortîmes enfin de la voiture. Nous étions sur le point d’entrer dans le bâtiment lorsque je retins Peter en lui demandant de fermer les yeux. Un instant plus tard, une broche fleurie était accrochée sa veste à quelques centimètres de son cœur. Mes yeux pétillaient de malice lorsque le tatoueur me fixa suite à sa découverte.

- Comme si j’allais blaguer là-dessus sans prévoir le coup ! Mais ça tombe bien car tu as un bal à rattraper. Ce soir : tu es mon invité.

Bras-dessus bras-dessous, nous pénétrâmes enfin dans le restaurant où nous fûmes accueillis par un décor riche et soigné. Un plaisir pour les yeux, un régal pour les papilles ? À notre table, je regardai autour de nous en notant chaque fois un détail supplémentaire. Vraiment magnifique !

- Heureusement que le Point n’a pas la même spécialité sinon Castiel aurait de quoi stresser ! dis-je en riant. Tout ça mérite bien quelques bulles, t’en penses quoi ?