Je me rendais bien compte que ça ne faisait pas plaisir à Andrew - ni au reste de sa famille - de me voir dans les parages. Cependant, je ne pouvais pas m’arrêter de vivre. Il fallait que j’arrive à me reconstruire une vie, ici, à Redwood Hills. Je ne pouvais pas rester cloîtrer dans ma maison en attendant vainement qu’Andrew m’appelle pour voir mes fils. Il fallait que je m’aère l’esprit, que je rencontre de nouvelles personnes pour penser à autre chose et faire ma vie. Attendre désespérément n’était pas bon pour ma santé mentale. Andrew suggéra que nous aurions pu nous contacter pour dire que nous nous rendions tous les deux à cet évènement. Je haussais les épaules, ne le quittant pas des yeux. « Je ne me voyais pas t’appeler et te dire ça puisque depuis la dernière fois qu’on s’est vus… tu ne m’as pas contactée. » Et nos retrouvailles dataient d’un mois quasiment. Un mois, c’était long pour une femme seule comme moi. Andrew déporta son regard sur sa famille qui s’éloignait à vue d’oeil. Je fis la même chose, observant mes petits bonhommes qui avaient tellement grandi en si peu de temps. Ils étaient devenus de vrais petits hommes. Mon esprit arrêta de vagabonder lorsqu’Andrew reprit la parole. Mon attention se reporta sur lui. Je savais bien que ce n’était pas le lieu pour les revoir. A vrai dire, je ne m’attendais pas à tomber sur eux aujourd’hui. « Oui, je sais bien… Je ne pensais pas qu’on se croiserait. Et les voir, là, a été plus fort que moi. » Je marquais une courte pause puis repris. « Tu as réfléchi à ma proposition… de se revoir… tous les quatre ? » Je ne voulais pas attendre encore plus longtemps. C’était long d’être loin d’eux physiquement mais en même temps si près d’eux géographiquement. Je comprenais la position délicate d’Andrew. Après tout, j’étais une inconnue à l’heure d’aujourd’hui. Il ne savait pas s’il pouvait me faire confiance. Il pourrait croire que je pourrais repartir du jour au lendemain comme il y a quelques années.
Andrew changea de sujet et me demanda si j’étais venue rejoindre des amis. Avant de lui répondre, je voyais bien que Garm voulait des câlins. Ce chien m’avait reconnu après toutes ces années et c’était bien lui le plus ravi de me revoir. Je m’agenouillais pour être à sa hauteur afin de le caresser d’abord juste derrière ses oreilles puis sous son ventre. Tandis que je le couvrais de caresses, je répondis à mon ex petit ami. « Non, je suis venue seule. Je voulais voir les chevaux, sortir un peu de chez moi… A la base, je suis venue simplement faire un petit tour. » Et je ne m’attendais pas à tomber sur eux.

@Andrew Howell

Andrew se retrouvait avec Lily, laissant ses enfants avec leurs tantes. Il ne savait pas comment se dépatouiller de cette situation car il ne voulait pas la blesser non plus mais il ne pouvait pas lui accorder le privilège de voir ses enfants. Il n’est pas encore prêt. Alors oui, évidemment, cela fait un mois qu’il ne lui a pas donné de nouvelle mais il a besoin de temps, le temps pour digérer ces 4 années d’absence. « Je sais oui. » Répond Andrew quand elle vient lui dire qu’il ne l’a pas appelée. Evidemment, il le prend un peu comme un reproche mais il ne lui en veut pas, il sait aussi que c’est difficile pour elle de revenir ici et de ne pas voir ses enfants. Stop ! Il faut vraiment qu’il arrête de penser à son bien-être, il doit plutôt penser au sien, il a beaucoup trop souffert. « J’ai vraiment besoin de temps. Je viens à peine de réaliser que tu étais bien dans les parages. » Répond Andrew en laissant ses yeux dans les siens. Il voulait qu’elle soit patiente avec lui parce qu’il a tellement morflé pendant quatre ans, qu’il mérite bien un peu de patience de sa part. Lily lui explique qu’elle n’a pas pu s’empêcher de venir les voir et Andrew acquiesce, il comprenait parfaitement mais ce n’était pas encore le moment de leur dire. Et puis, il prend une profonde inspiration en entendant sa question, il a besoin de prendre un peu de courage. « J’ai prévu de leur parler de toi la semaine prochaine. » Commence Andrew en gardant son regard sérieux sur elle. Elle pouvait lui faire confiance, il allait leur parler, il allait enfin évoquer leur mère dans leur vie. « Ensuite, on pourra se voir tous les quatre. Mais hors de la maison. » Explique Andrew qui est en train d’imposer quelques règles à cette rencontre. Il a envie de faire les choses bien et puis surtout, il essaie de la tester un peu, il veut voir si elle a vraiment envie de rencontrer ses enfants. Elle pourrait aussi se décourager face à toutes ces règles imposées par le psychiatre...

Et puis Andrew se fait aussi curieux pour savoir les raisons de sa visite aujourd’hui. Elle doit peut-être retrouver des amis… ? Seulement, elle lui explique que non, elle est simplement venue faire un tour ici pour voir les chevaux. Il acquiesce avec un léger sourire avant de lui demander : « T’as réussi à retrouver des connaissances ou des amis en ville ? » Demande Andrew avant de poser ses yeux sur son chien. Lui, il semblait vraiment heureux de retrouver la jeune femme. Un sourire, un peu plus sincère, se dessine sur les lèvres du psychiatre, incapable d’être insensible face à la joie de son chien.

Cette visite-surprise au ranch n’était pas, justement, à une surprise près. Après les allergies qui s’étaient déclarées quelques minutes tout juste après avoir mis les pieds sur le vaste terrain et l’échange compliqué avec le meilleur ami de Robin, il fallait que deux autres têtes trop connues attirent mon attention. Reagan et Jillian, Jillian et Reagan. J’ignorais pourquoi les savoir là me mettait aussi mal à l’aise, il n’y avait qu’à s’ignorer superbement de part et d’autre. J’avais inconsciemment cherché le contact de Robin, en quelque sorte le sentiment d’une connexion qui nous plaçait tous les deux hors de ces histoires, quand la jeune femme me surprenait – une autre – d’un baiser enflammé. Court-circuit, panne totale. Je répondais d’un timide mouvement d’une main portée sur ses hanches, difficile de refuser ce qui avait l’habitude d’être agréable. Mais les circonstances étaient différentes, il n’y avait pas vraiment de désir, pas non plus de complicité électrisante, juste… Ce qui me semblait être une profonde blessure, à moins que je ne fasse que projeter ce que je connaissais trop bien. Robin s’excusait et mon regard attrapait bien vite le sien, lueur incertaine au fond des yeux. « J’ai pas l’impression que c’était vraiment à propos de nous deux... C’est la seule chose qui est dommage. » Et qui avait empêché d’en profiter entièrement. Pensée spontanée, trop peut-être. Comme le geste. Disons que je ne pouvais que repenser à cette autre fois, au bar, quand elle avait annoncé pour de faux être ma petite amie et qu’elle m’avait embrassé pour le regard des autres. « Ça ne peut que mal tourner, laisse tomber. » Les querelles d’ex en public, ou en privé d’ailleurs, rarement une bonne idée. Sauf que la décision avait été prise par d’autres ; la voix de Reagan s’élevait déjà à nos côtés et je me glissais une main dans les cheveux en soupirant silencieusement. Une pensée que je n’aurais jamais cru possible me traversait l’esprit, elle n’avait pas complètement tort. Même s’il était hors de question que je fasse autrement que soutenir Robin. En me tournant vers les nouvelles venues, je ne pouvais que constater qu’elles se tenaient la main. « Et l’idée, c’est de faire dans la surenchère ? » Qui irait le plus loin dans ces démonstrations stupides ? Je croisais le regard de Jillian, embarrassé. Tout était comme si le fait que nous ayons repris contact, que les choses se passaient même plutôt pacifiquement entre la jeune femme et moi, était au stade du pur secret d’État. Oui, bon, je n’en avais fait mention à personne.

Alors que les deux jeunes femmes s'apprêtaient à aller kidnapper un poney, l'attention de la métisse se reporte sur le couple devenu siamois. Tiqueuse, elle remarque aussitôt le rapprochement entre les deux jeunes gens alors que l'homme semblait avoir remarqué leur présence. Une réaction bien curieuse qui ne manque pas de la faire réagir. Elle se retourne aussitôt vers son amie, comme pour vérifier qu'elle ait, elle aussi, assisté à cette scène. Ça n'a pas été le cas, mais la jeune femme n'est pas en reste. Au moment où Reagan jette un coup d'oeil dans la direction du duo, Robin part à la recherche de la glotte de son ex petit ami. Une réaction, cette fois-ci, qui a plus tendance à la faire sourire. Serait-ce un manque de confiance ou une envie de marquer son territoire ? A croire qu'elle en aura bien rapidement la réponse.   J'ai bien du mal à croire que t'aies été avec quelqu'un qui a pas de libido. Lui fait remarquer Jillian dans un sourire amusé. Quel ennui, n'est ce pas ? Elles n'ont visiblement pas prévu de débattre sur le sujet, puisque Reagan attrape sa main en la poussant à rejoindre Griffin et Robin. Un échange qui risque d'être fort intéressant, bien qu'un peu puéril. Elle n'est plus à ça près, et resserre ses doigts contre ceux de son amie alors qu'ils se retrouvent face à eux. Reagan ne tarde pas à lancer la première pique, ou plutôt la hache dans la tronche de Robin, en évoquant directement ce baiser. C'est Griffin qui répond, tel un brave serviteur en faisant référence à leurs mains enlacées. Leurs regards se croisent, et Jillian y décèle sans mal un certain embarras. Il est vrai que cet échange à quatre ne sera clairement pas sous le signe de l'amour. Entre Robin qui a failli l'achever avec un gâteau et Reagan qui ne la supporte pas, cela risquait de faire des étincelles. Dommage, les choses se passaient relativement bien entre Griffin et elle ces derniers temps. C'est probablement pour cette raison que cette vision attise l'horreur chez elle.  Une jalousie naissante qu'elle fait bien de refouler au fond de sa gorge en rétorquant : Hmm, on a pas vraiment besoin de sur-enchérir pour que ça ait l'air plus sincère en tout cas. Lance la métisse dans un haussement d'épaules, non sans, une fois de plus se mettre à éternuer. Je crois que je suis allergique au bullshit, mon petit lapin doré. Dit-elle, à l'adresse de son amie, non sans arborer un sourire amusé.

Je trouvais vraiment le temps long depuis la dernière fois que nous nous étions retrouvés. Il m’avait assuré qu’il me recontacterait pour qu’on se revoit et il ne l’avait jamais fait. D’autant plus, il possédait mon numéro de téléphone désormais. Il m’avoua alors qu’il avait besoin de temps. Je comprenais tout à fait sa position. Je ne lui avais pas donné de nouvelles pendant près de quatre ans et je revenais comme une fleur lui demandant de nous revoir et rencontrer réellement nos enfants. « Je comprends… Je ne veux pas te brusquer mais je t’avoue que j’ai besoin de vous voir… Vous me manquez vraiment, tous les trois. » Je parlais à coeur ouvert. C’était exactement ce que je ressentais en cet instant. Ils me manquaient. J’aurais tellement aimé qu’ils puissent me rejoindre, chez mon père, et qu’on ne se quitte jamais. Mais la réalité était toute autre et il fallait apprendre à vivre avec.
Etant donné que nous avions comme sujet de discussion les enfants, j’en profitais pour lui demander s’il avait réfléchi à ma demande de nous voir, tous les quatre. Il m’avoua alors qu’il avait prévu de leur parler la semaine prochaine. Automatiquement, mon sourire s’élargissait. L’échéance ne tardait pas à arriver, je n’avais plus longtemps à tenir. Il imposa tout de même une condition, celle de se voir en dehors de la maison. Je secouais la tête de gauche à droite, trop heureuse de sa proposition et de l’engagement qu’il prenait à mon égard. « Pas de soucis, tu me donnes l’heure et la date du rendez vous, je serais là. Merci tellement Andrew, tu ne peux pas savoir à quel point je suis contente. » Cela m’apportait un vrai baume au coeur, de l’espoir… Je voulais tellement faire la connaissance des jumeaux, savoir comment ils étaient, ce qu’ils aimaient et faire à nouveau partie de leur vie.
J’étais vraiment sur un petit nuage. En plus de ça, Garm m’apportait tellement d’amour. Il était trop heureux de me retrouver. Je lui offrais donc en contre partie des petites gratouilles. Pendant ce temps, nous discutions normalement avec Andrew, sans animosité et ça me faisait le plus grand bien. Il prenait de mes nouvelles, savoir si j’avais pu retrouver des anciens amis. Je le gratifiais d’un sourire, surprise qu’il s’intéresse à moi mais vraiment joyeuse de savoir qu’il m’accordait un peu d’importance. « Oui, j’ai pu revoir mon ami Colin, on a pris un café tous les deux. Et après, j’ai rencontré de nouvelles personnes grâce à ma coloc et au travail. » Il était vrai que j’avais perdu beaucoup d’amis suite à mon absence, dont sa soeur Juliet avec qui je m’entendais très bien à l’époque.

@Andrew Howell

Andrew savait qu’elle était impatiente de rencontrer ses garçons mais il n’arrivait pas à comprendre pourquoi ce sentiment lui prenait que maintenant. Lui, il a attendu quatre ans qu’elle revienne un jour ou l’autre. Il s’était même fait à l’idée qu’elle était partie de ce monde alors c’est assez compliqué pour lui de l’inclure de nouveau dans sa vie. Elle a besoin de les voir. Andrew a dû mal à la croire parfois, sa mâchoire se serre d’ailleurs un peu. Il se retient de s’énerver de nouveau. Elle ne comprend pas que cette situation est très difficile pour lui et pour ses enfants. « Je sais. » Souffle le psychiatre avant de rajouter « Mais j’ai toujours quelques difficultés à te croire à ce sujet. Tu n’avais pas besoin de nous voir avant ? » C’était plus fort que lui, encore. Il avait vraiment du mal à accepter cette situation car il a l’impression que c’était lui qui devait faire des efforts pour qu’elle aille bien alors que de l’autre côté, elle ne lui fournit pas beaucoup d’explication sur sa vie d’avant donc il ne peut plus avancer avec lui. Andrew n’a pas envie de replonger dans cette merde, il a beaucoup trop souffert. Pourtant, il avait réfléchi à un rendez-vous avec elle, hors de la maison. Elle accepte le deal et heureusement car il n’allait rien proposer d’autre. Oui, il essayait d’être intransigeant sur plusieurs choses en lui imposant un cadre et des règles. Il devait protéger ses enfants, c’était sa priorité et il était bien placé pour savoir le choc psychologique qu’allait provoquer cette rencontre… Andrew n’arrivait pas à la regarder dans les yeux car il avait trop peur de tomber sous le charme, de nouveau, de son sourire. Il savait qu’il était assez faible mais il luttait pour tenir. Heureusement, il pense aux conseils de son pote Jack. Il doit tenir. Ne pas craquer pour ses beaux yeux. Elle le remercie mais il ne répond rien, il se contente d’acquiescer en baissant les yeux vers son chien, qui lui, faisait la fête à sa maitresse. Il lui demande si elle a renoué quelques liens avec les personnes de Redwood. Dans le fond, il veut aussi qu’elle s’accroche à d’autre personne que lui, c’est important. Elle lui apprend avoir revu Colin. Il le connaît de nom, grâce à Duncan. Il acquiesce encore une fois mais cette fois, il note un détail qu’il ne connaissait pas. Le travail. « Tu bosses où ? » Andrew veut tout savoir pour se préparer s’il doit la recroiser une nouvelle fois. Oui, il prend toutes les précautions nécessaires. Andrew tourne la tête vers le groupe Howell qui était parti devant. Il se demande de quoi elles parlent en ce moment. Il tourne de nouveau la tête vers Lily avant de lui dire : « Je devrais rejoindre mes sœurs, j’ai promis un tour de poney aux garçons. » Souffle Andrew qui se sentait de plus en plus mal ici, en public. Maintenant, il veut juste rentrer et boire.

Putain fut la première pensée de Robin en voyant Reagan et Jillian, alors que les deux femmes n’avaient sûrement rien à faire ici. Si la journée n’avait pas forcément très bien commencé, la brune s’imaginait qu’elle pouvait bien se terminer, elle voulait faire découvrir à Griffin le ranch, voulait lui montrer là où elle bossait, lui parler de ses collègues et des chevaux qu’elle affectionnait tout particulièrement. Tout à coup, ces plans paraissaient compromis. Sans réfléchir aux conséquences, par pur instinct, elle avait embrassé Griffin, sûrement pour impressionner Reagan avant tout, pour lui montrer qu’elle pouvait être heureuse, elle aussi. Qu’elle pouvait avoir l’ascendant sur elle. Griffin, néanmoins, ne sembla pas ravi de la situation et sa réflexion lui arracha un froncement de sourcils. « Quoi ? Non, c’est pas ce que tu crois, au contraire ! C’est juste… » elle ne termina pas sa phrase, réalisant que peut-être, il avait raison. Elle lui adressa un sourire d’excuse mais n’eut pas le temps de rajouter quoi que ce soit, puisque les deux femmes s’approchaient et Reagan attaqua la première. Robin la fusilla du regard et se mordit furieusement la lèvre pour ne pas renchérir, car elle le savait, ça allait forcément mal finir. Quand Reagan était dans les parages, Robin était rarement lucide, calme et posée, elle avait juste envie de l’engueuler et de l’insulter de tous les noms. Mais ça serait sûrement contre-productif, d’autant plus que Griffin lui avait justement conseillé de laisser tomber. « Qu’est-ce que vous faites là ? Depuis quand vous vous intéressez aux chevaux ? » demanda Robin en s’efforçant de ne pas adopter un ton trop dédaigneux. Elle jeta un coup d’œil à Jillian qui venait d’éternuer. Leur relation avait très mal commencé, à dire vrai, mais Robin n’avait rien contre elle. Il avait juste fallu qu’elle soit pote avec Reagan. Et qu’elle soit l’ex de Griffin, accessoirement. Mais cette information-là, Robin préférait ne pas trop y penser pour le moment. Elle releva les yeux vers Griffin et d’un ton qui se voulait détaché, reprit « On y va, alors ? J’ai pas mal de trucs à te montrer » et elle ne voulait, ne pouvait rester là plus longtemps.   

@Griffin Wilson @Reagan Dewar @Jillian Hopkings

« Oh. » laissa-t-elle échapper, sous le coup de la surprise. Le temps de se laisser glisser au bas de la barrière, elle vint poser ses grands yeux ronds et clairs sur le chaton, toujours blotti dans le creux de sa main. « C'est que... » Elle se tut un instant, comme elle cherchait le regard de son compagnon. « J'ai pensé... » Qu'il n'en voudrait pas ? A dire vrai, elle n'avait pas souvenir que la question se soit vraiment posée – du moins, en ces termes. Comme s'il était admis que le jeune homme avait bien assez transigé avec une vie ordonnée et solitaire qui ne l'était déjà plus réellement. Pouvait-elle décemment réclamer d'ajouter encore à cette agitation qu'elle semait dans sa vie ? L'idée ne semblait pas le heurter outre-mesure – bien que son expression soit, comme souvent, indéchiffrable. Il n'en restait pas moins que leurs allées et venues – tantôt chez l'un, tantôt chez l'autre – n'étaient pas vraiment propices à l'adoption d'un chaton. « Tu as raison. » acquiesça-t-elle enfin, en se tournant cette fois-ci vers Noam. Bien qu'elle ne se soit jamais rendue au refuge, elle n'avait aucun doute quant au traitement qui était réservé aux animaux qu'il abritait. Le fait que le vétérinaire en soit un bénévole parmi les plus actifs était aussi un gage de sérieux. « Sa mère... » sourit-elle, comme elle gratifiait le chaton d'une nouvelle caresse. « … Ses deux frères et sa sœur... » Chaque année à la même saison, le ranch était envahi de toutes sortes de locataires. « Il faut croire que la maison est bonne ! » Et la gérante tenait à ce qu'elle le reste, si bien que ces squatteurs n'étaient en aucun cas incités à déserter les lieux.

Ce petit interlude sembla conférer à l'indien le temps de les rejoindre. « Merci Manny. » s'exclama-t-elle. Et d'accueillir le compliment d'un doux sourire. Nul besoin d'être extra-lucide pour comprendre que le geek n'était pas dans son élément. Pour autant, la sincérité de ce commentaire élogieux ne pouvait être mise en doute. Déjà, les deux amis cédaient à l'appel de cette passion partagée pour l'informatique, si bien qu'elle consentit à les laisser poursuivre un peu plus loin ce débat entre technophiles – non sans laisser traîner l'oreille à l'instant où Manny évoquait une opportunité d'emploi pour Rafael. « Non. » finit-elle par souffler, à l'attention de Noam qui semblait interpréter cette rêverie passagère comme une volonté de les rejoindre. Et de balayer cette éventualité d'un geste de la main. « On a du pain sur la planche. » C'était vrai. Les enfants commençaient peu à peu à affluer autour de l'enclos. « Tu ferais ça ? » Son visage s'éclaira un instant tandis qu'elle consentait à libérer le chaton – qui commençait à s'agiter dans sa main pour mieux lui témoigner de son impatience. « Dans ce cas, je passerai demain. Et je les confierai au refuge sitôt qu'ils seront sevrés. » Elle se tut un instant, avant de concéder : « Sans quoi je ne pourrai plus me résoudre à m'en séparer. » Au terme d'un nouveau sourire, elle s'éloigna de la barrière pour s'enfoncer dans le box. Agenouillé près du poulain, un petit garçon était déjà occupé à feindre d’ausculter l'animal. « Le début d'une vocation, peut-être ? » souffla-t-elle à Noam, dans un clin d'oeil complice. « Tu as toujours voulu faire ça ? » Elle n'avait pas souvenir de le lui avoir déjà demandé.

@Noam O'Hara @Rafael Sullivan @Manny Singh