Ses doigts attrapèrent la manche de son pull, grattant légèrement comme pour tenter d'y creuser un trou — nulle laine fort heureusement, peu de chance que des dégâts n'apparaissent. Elle tira alors dessus, dissimulant en partie sa paume avant de faire de même avec l'autre main et de gigoter les épaules pour ajuster le vêtement ainsi étiré à sa morphologie. Respirer. Elle devait respirer, paisiblement, prendre de grandes inspirations et puis souffler, voilà, comme ça, recommencer, inspiration, expiration, inspiration, expiration et la nervosité apparut sournoisement dans sa poitrine sembla s'estomper légèrement. Elle n'avait pas besoin de s'inquiéter autant, Romy. Pas aujourd'hui. Kit était à l'école, comme les autres jours de la semaine et elle irait la récupérer à la fin de la journée, comme d'ordinaire. Et elle, elle allait retrouver Alana pour discuter de l'atelier, planifier un peu les prochaines séances, s'organiser — et Alana, elle la connaissait au moins un peu, à présent, le contact était agréable avec la jeune femme, la discussion plus aisée alors pourquoi s'inquiétait-elle toujours ? Pourquoi craignait-elle de ne pas être à la hauteur, de dire une bêtise, de paraître comment voulant imposer ses idées — parce que des idées pour l'atelier, elle en avait, Romy. Allant parfois au-delà de ses propres compétences et des ateliers qu'elle animait elle-même ; au-delà de la couture, donc. Elle le savait, pourtant, qu'Alana était ouverte, douce, avenante. Ça ne changeait pas sa difficulté à aligner plus de deux mots. Mais aujourd'hui, elle allait y réussir, n'est-ce pas ? Elle devait s'en convaincre, Romy. Ne pas rentrer tête basse et l'impression d'échec dans le coeur. Et pour la peine, elle avait accroché une petite broche discrète à son pull, pour lui souffler du courage, avant de quitter la maison ce matin — petite attention choisie par Kit car seule l'enfant pouvait bien lui prodiguer ce qui lui manquait. La broche, un peu lourde, ne cessait de glisser sur le côté, l'obligeant à la redresser régulièrement avant d'y renoncer. Tant pis. L'essentiel, c'était sa présence. De ça, Romy essayait de s'en convaincre. L'école dans son dos, elle traversa Redwood jusqu'à la vitrine de Drop of Milk où Alana et elle avaient convenu de se retrouver. Elle s'y arrêta une seconde, ne sachant pas exactement si elle devait entrer directement, attendre la jeune femme, ni même si celle-ci était déjà arrivée et l'attendait à l'intérieur (où il devait sans doute faire meilleur, la matinée était froide, le ciel couvert promettait une averse d'ici peu et le vent s'infiltrait sans peine sous les couches de vêtements). A travers la vitrine, elle essaya de distinguer les tables, les silhouettes, ne parut pas reconnaître l'organisatrice de l'art thérapie parmi les têtes qu'elle croyait apercevoir (peut-être les imaginait-elle, son reflet plus insistant sur la surface). Elle jeta un coup d'oeil à sa montre, elle avait un peu d'avance, peut-être ceci expliquait-il cela. Dans le doute, elle choisit de rester devant, essayant de s'effacer au maximum pour ne gêner personne, là, sur le trottoir, avant de se demander si son immobilité n'était pas plus suspecte, finalement ? Elle n'osait pas s'éloigner, toutefois — et si elle ratait Alana ? Et puis, ne serait-ce pas encore plus suspicieux de faire des allers-retours le long de la devanture du Drop of Milk ? Peut-être était-ce préférable de s'installer, alors. Oui, très bien. Après un dernier coup d'oeil dans les deux sens de la rue, elle tira la porte du salon de thé et, aussitôt, une douce chaleur l'accueillit et réchauffa le bout de ses doigts. Elle avait bien fait d'entrer, alors. Essayant de ne pas s'attarder sur les trois têtes qui s'étaient tournées dans sa direction à son entrée — c'était un réflexe, qu'elle cherchait à se rappeler — elle se glissa à une première table, en partie masquée par une plante en pot. Et si Alana suivait son chemin de pensée et l'attendait à l'extérieur ? Elle aurait besoin d'une vue sur la vitrine. Elle se déplaça, alors, le plus discrètement possible, presque désireuse de se faufiler à quatre pattes si elle n'avait pas eu tant conscience que ça aurait accompli précisément l'effet inverse de celui qu'elle recherchait. Promptement installée, souhaitant d'ores et déjà se faire oublier, elle attrapa le menu qu'elle leva devant elle. Le souffle s'échappa de ses lèvres silencieusement. L'impression de revenir d'un marathon ou d'être en mission secrète — nul doute que Kit se serait amusée, elle. Le sourire qui étire ses lèvres à la pensée de sa fille (pourtant bien contente de ne pas avoir à suivre le rythme qu'elle lui impose souvent) et ça suffit à ce qu'elle se sente légèrement plus sereine, Romy. Elle baissait le menu petit à petit, un cran après l'autre comme si ses poignets étaient des rouages mal huilés, aperçut, à travers la virine, la chevelure d'Alana. Elle releva une main pour essayer d'attirer son attention, hésita avant de se lever sans bruit et de se glisser jusqu'à la porte qu'elle ouvrit. « Je suis là, » qu'elle souffla, presque un chuchotement, juste pour éviter à Alana de patienter dans les températures d'automne. Se décalant d'un pas pour la laisser passer, elle voulu la rassurer quant au fait qu'elle n'avait pas encore commandé, qu'elle était désolée de ne pas l'avoir attendu dehors mais les mots restèrent coincés et elle se rassit, sans plus de parole. Les mains posées à plat sur la table, la bouche légèrement tordue tandis qu'elle essayait de trouver quelque chose d'intelligent à dire, une question à poser. « Comment tu vas ? » Quelque chose de plus intelligent, une question plus intéressante — mais c'était tout ce dont elle était capable, Romy. Du simple. De l'affreusement simple mais souvent suffisant et puis, elle saurait y répondre si ça lui était retourné. Oui, ça va. Et avec un peu de chance, Alana prendrait la suite et elle n'aurait plus qu'à acquiescer, Romy. A acquiescer et à se répéter d'oser évoquer ses quelques petites idées. Au moins une. Pour commencer.
QUARTIER : waterfall avenue, la chambre trois à l'auberge.
MÉTIER : ancienne militaire, s'adonne à la peinture, anime des ateliers d'art en ville (#redwoodart)
COEUR : self-partnered.
INTERVENTIONS RL : oui.
INFOS RP
Sujet: Re: — réflexion (alana) Dim 27 Oct - 17:53
Elle aurait été parfaitement à l’heure du rendez-vous fixé avec Romy au salon de thé si elle n’avait pas fait une rencontre au coin d’une rue, quelques centaines de mètres avant sa destination. Quand elle marche dans les rues qu’elle connaît à présent sur le bout des doigts Alana n’est pourtant pas la plus attentive, souvent ses yeux se posent sur les objets aux alentours sans qu’elle les voit vraiment, pendant longtemps elle faisait des efforts pour devenir invisible, aussi, ne pas être vue, ne déranger personne – ou que personne ne la dérange elle, l’inverse fonctionne tout aussi bien. Enfin, elle est généralement distraite, surtout en ce genre d’occasion, puisqu’elle profite du chemin pour rassembler ses idées et réfléchir à formuler de manière claire ce qu’il faut qu’elles se disent, Romy et elle. Le hasard, donc, si dans un bref instant de présence consciente elle relève les yeux et croise ceux d’une femme d’une soixantaine d’années qui avance à pas lents, le regard calme, très calme. Elle semble attendre de voir si Alana la reconnaît, et, si c’est le cas, si elle décide ou non de le lui signifier, acceptant quelle qu’elle soit sa décision ; mais elle la reconnaît tout de suite, Alana, et ça lui semble tout naturel d’ébaucher un sourire et d’avancer un peu vers elle pour la saluer, lui demander comment elle va. Cette femme – Monica, elle ne connaît pas son nom de famille – est venue assister à deux de ses ateliers, avec son fils amateur de travaux manuels. Le fils travaille à l’autre bout du Vermont, a-t-elle compris, et une fois ses vacances finies, Monica n’est pas revenue. Après lui avoir demandé comment elle va, Alana ose, sur le ton de l’humour bienveillant, la question de si elle pense revenir participer à un des ateliers. Monica, avec un sourire sage et presque un peu lointain, lui dit que c’était bien, c’est bien ce que vous faites ici, mais vous savez moi l’art, il me faut quelque chose de plus concret. Alana a l’impression qu’elle utilise ce mot pour ne pas dire « utile », par peur que ça paraisse vexant – mais elle est loin de lui en vouloir, sans vraiment la connaître elle apprécie la tranquillité de Monica. Et puis son coeur se met à battre un peu plus vite en entendant ses paroles, « plus concret », utile, elle pense que ça va carrément dans le sens du projet de Romy et est tentée d’en parler sur-le-champ à Monica, pour voir si cette dernière sera aussi emballée qu’elle. Elle se retient, tout de même, se contente de répondre qu’il y aura peut-être bientôt de nouvelles activités qui lui parleront plus, que ça lui fera plaisir de la revoir.
Elles se séparent. Alana ne porte pas de montre et ne tire pas son téléphone pour jeter un coup d’œil à l’heure ; leur discussion n’a pas duré plus de quelques minutes et elle se met à marcher un peu plus vite pour compenser la perte de son timing parfait initial. Tout en parcourant les derniers mètres qui la séparent du Drop of milk, elle songe qu’il y a même quelques mois à peine elle aurait eu beaucoup de peine à converser aussi naturellement, avec une telle facilité avec une quasi inconnue, et ça lui fait plaisir, une drôle de sensation toute chaude dans la poitrine de penser cela, je me sens bien, je sens que je vais mieux, je me sens à ma place. Trop pressée d’arriver, elle n’a pas vu Romy derrière la vitrine et affiche un air un peu surpris quand celle-ci lui ouvre elle-même la porte. « Hey, merci » dit-elle sur un sourire, avant de la suivre jusqu’à la table où elle devait déjà s’être assise avant son arrivée. C’est parfait, comme ça elles sont bien installée ; et Alana se sent dans de telles bonnes dispositions qu’elle est persuadée qu’elles vont faire quelque chose de formidable cet après-midi. « Super, et toi ? » Romy aussi, somme toute, elle ne la connaît pas très bien ; mais elle éprouve une certaine affection pour elle, sa gentillesse, sa force calme, son air timide aussi (et elle voudrait pouvoir lui dire, franchement, quelque chose comme tu n’as pas à me craindre, mais elle ne le ferait jamais et ne formule même pas cette phrase dans ses pensées, c’est si direct et elle le sait, certaines choses prennent du temps). « Il faut que je te raconte, en venant j’ai croisé une personne qui est venue aux ateliers, pour la peinture seulement je crois. Elle m’a dit qu’elle préférerait faire des choses plus concrètes, je ne lui en ai pas parlé mais j’ai tout de suite pensé à toi. Je pense que ce que tu veux faire pourrait vraiment la toucher, et d’autres personnes aussi. » Elle est ravie, presque excitée de lui narrer cette anecdote. Ça lui paraît un bel encouragement à poursuivre le projet.