Amalia veut parler à Jeff alors tout naturellement Al passe son téléphone à Jeff. Il entend rapidement parler de chemise noire ou grise, il lève les yeux au ciel, il se doute qu’Amalia demande des conseils à Jeff pour ses cadeaux de Noël. Il n’était pas si terne que ça tout de même, il ne portait pas que du noir. Il avait des pantalons et des hauts beiges et crèmes aussi, un peu de bleu marine ou du kaki et parfois… Un peu de couleur. La preuve les vêtements qu’il portait aujourd’hui lui appartenaient quand même. Il voudrait se défendre mais bien sûr, il ne peut pas. Il fronce les sourcils puis ses yeux s’écartent comme des billes et il se décompose quand Jeff commence à parler du cuir et des sextoys. Il fait non de la tête pour dire à Jeff d’arrêter et de couper court à la conversation. Mais ! Jeff… chuchote-t-il affolé. Il n’a même pas le réflexe d’ôter le téléphone des mains de Jeff, il passe une main sur son front, il regarde autour de lui et croise le regard courroucé d’un couple de sexagénaires qui regarde Al et Jeff d’un air choqué. Al a juste envie de se terrer dans un trou. Ils pourraient parler de ça ailleurs nous sommes au restaurant tout de même ! entend-t-il en québécois. Il ne comprend pas exactement la phrase mais comprend l’intention. Comment il va rattraper ça auprès de sa sœur maintenant ? Il la connaissait, elle lui en parlerait jusqu’à la fin des temps.  

Peut être qu'Alonso n'y prête pas attention, d'ailleurs, toi même, tu n'y prêtes pas attention pour le moment. Mais tu t'autorises à plaisanter, à te moquer de lui même. Tu n'osais plus, tu avais peur de le perdre, peur de le vexer, sans doute que tu pensais trop au fait que Russell ne t'aurait jamais permis de lui parler ainsi, et encore moins en public. Il n'aurait rien dit évidemment, il aurait attendu que vous soyez seuls pour te le reprocher. Russell détestait que tu dises la moindre chose négative à son sujet, alors que tu oses te moquer de lui et devant du monde ? Impossible. Mais tu as confiance en Alonso, en ta relation avec lui et puis, tu ne vois pas le mal à parler de ça, il n'y a même pas d'enfant dans la petite pièce.

Toi, tu ne remarques pas qu'on t'a entendu. Tu remarques surtout la mine déconfite d'Alonso et c'est ce qui te fait rire le plus. Tu poses ta main contre ta bouche, celle qui ne tient pas ton téléphone. Il pense vraiment que tu parlerais de ça avec Amalia avec autant de facilité ? Apparemment, oui. Et puis, quel cadeau de la part de sa sœur. Amalia d'ailleurs qui reprend le téléphone, elle a trouvé le magasine et te parle de son idée de cadeau pour son frère, un coffret de parfum et eau de toilettes. Mais elle n'est pas certaine que ça soit assez bien. Oh tu peux lui demander directement je pense. Tu réponds, parce que ça correspond elle ce qu'elle t'a dit. Tu passes le téléphone à Alonso et tu te penches légèrement en avant. Je crois qu'elle veut savoir quelle taille, finalement... Et ça te fait pouffer malgré toi, n'en déplaise à ce couple que tu n'as toujours pas remarqué, puisqu'ils sont derrière toi et donc, face à Alonso.

Jeff commence à pouffer et Alonso essaie de voir si c’est parce qu’il plaisantait ou parce que Amalia lui répond quelque chose de drôle du genre « Je ne vais quand même pas acheter des plugs à mon frère ! ». Jeff lui refile le téléphone en lui indiquant qu’Amalia veut savoir la taille. Bon, ça quand même, il n’est pas si crédule, il se doute bien que c’est pour se moquer de lui. Il lève les yeux au ciel. Am ? Je suis désolé pour Jeff qui fait des blagues sur les sextoys. On n’en veut pas bien sûr, ni des gros, ni des petits. Et non, je n’en ai pas tant que ça ! déclare-t-il à sa sœur tout confus, comme si elle pouvait vraiment lui prendre ça pour noël. Oh, il connaissait la cadette de la famille, elle pourrait très bien s’amuser pour la blague à s’acquitter de la tâche. Mais il y a un instant de blanc et c’est là qu’il réalise que Jeff s’est moqué de lui. Il pince ses lèvres dans un sourire qui s’étend. De l’autre côté du téléphone, Amalia s’interroge, elle lui demande de quoi il parle et explose de rire au téléphone. Alonso lève les yeux vers Jeff qui se retient de faire de même. Amalia lui demande ce que Jeff lui a dit pour qu’il pense ça. Alonso se retient de rire nerveusement. Il s’était piégé tout seul comme un idiot. Non, non, rien, j’ai du mal comprendre. On a les cocktails qui arrivent. Je te rappelle Amy ? Elle rit toujours et dit qu’elle note précieusement cette commande au père noël.

Il raccroche. Il regarde Jeff, s’empêche de rire même si c’est nerveux. Mais, je te déteste ! T’es pas possible ! Comment tu as pu… Et moi, j’ai pas marché, j’ai couru quoi ! Il le dit avec un sourire qu’il peine à masquer entre deux pouffements de rire. Comment avait-il pu se faire berner comme ça ? Qu’il était bête parfois. Non mais tu as entendu ce que je lui ai dit ? « Je n’en ai pas tant que ça » Mais, elle va croire que j’en ai une armée maintenant… On n’a pas fini d’en entendre parler. Et si Pablo ne me tease pas là-dessus… Parce qu’il va le savoir aussi. Il prend sa tête dans ses mains, ses cheveux mi-longs basculent un peu vers l’avant. Qu’est-ce que je suis crédule parfois, c’est pas possible. Comment tu as fait pour qu’elle ne t’entende pas ? demande-t-il intrigué. Il prend le cocktail qui est arrivé effectivement au moment où il a raccroché. A nous, à ton week-end, et à ma capacité à croire tout ce que tu racontes hein. Il rit de nouveau. Il reçoit un texto d’Amalia qui lui demande s’il est plutôt plug vibrant ou classique ? Il montre le texto à Jeff. Ma crédibilité de grand frère est à jamais terminée. annonce-t-il gravement. Il ne sait même pas quoi répondre sans s'enfoncer davantage.

Tu n'aurais jamais pensé que ta blague puisse si bien fonctionner. Tu te retiens de rire mais c'est trop, surtout quand Alonso s'enfonce en disant qu'il n'en a pas....tant que ça. Alors il avouait à sa sœur avoir des sextoys, dans un nombre tout de même relativement plus important que la moyenne... Et surtout pour un homme. Vraiment, cette blague était une des meilleures que tu n'avais jamais faite, peut être même la meilleure au final. Tu vois qu'elle le fait rire aussi, alors tu te mets à rire de bon cœur, ça te fait un bien fou. Tu t'en fiches de ce couple de coincés derrière toi que tu dois surement déranger parce que tu ris maintenant.

Tu as même la larme à l’œil, tu t'en souviendrais longtemps de ce moment. Elle était partie chercher un catalogue pour te parler de ton cadeau... Elle n'avait rien entendu, j'ai tout inventé ! Et ça te relance dans ton rire, alors qu'on vous amène vos verres. Le serveur semble amusé de vous voir rire autant, et sourit également, tu le remercies en essuyant une larme de rire au coin de ton œil, rire aussi spontanément te fait mal au ventre mais te fait aussi tellement de bien. Tu trinques avec Alonso mais tu n'arrives pas à répondre quoi que ce soit. Tu souris encore, tu sais que si tu ouvres la bouche tout de suite, tu vas te remettre à rire. Alors tu bois un peu de ton cocktail sans alcool, puis tu te sens comme obligé d'ajouter un petit quelque chose. Je n'en ai pas tant que ça... TANT que ça... Tu vas en entendre parler aux fêtes de celle là... Parce que vous en ferez une partie avec sa famille, tu le savais bien. Tu avais déjà hâte et maintenant, tu attendrais le moment où Amalia allait le raconter à tout le monde. Sans doute que certains seraient déjà au courant. Pauvre Alonso. Et en même temps, tu avais si hâte de retrouver cette tête déconfite. Tu viens lui prendre sa main à nouveau. Peut être que sa crédibilité de grand frère en avait pris un coup oui, mais il t'offrait tellement. Il t'offrait une totale confiance, une relation saine. Alonso était incroyable. Merci de me permettre de te jouer ce genre de petits tours... Ça paraissait sans doute normal pour lui... Mais tellement moins pour toi. Tu voulais le lui dire.

Tu lâches sa main et tu reprends la carte quand tu as fini de boire une nouvelle gorgée de ton cocktail. Des huitres alors tu disais ? Oui ça me tente bien... Puis... tu regardes et repasses plusieurs fois entre deux plats. Je vais prendre le canard confit, j'adore en manger et c'est assez rare d'en trouver. Ton choix était fait, il ne fallait plus qu'attendre que le serveur ne repasse et qu'Alonso fasse également son choix. Tu l'observes. Peut être que ton weekend ne serait pas aussi bien que le sien mais... ce moment là restera.

Alonso est consterné, il rit mais au fond, il se dit qu’il n’aurait jamais dû marcher autant. C’était trop gros mais Jeff lui est très fier de lui, il rit franchement. Il lui répète le « pas TANT que ça » et Alonso fait mine de se cacher dans sa main au moment où Al est aussi en train de boire son cocktail et il est obligé de le reposer pour éviter d’en mettre partout. Il n’a toujours pas réussi à boire du coup. Oui, il allait en entendre parler, mais quelle idée il avait eu… Au début, il avait eu un petit doute qu’Amalia avait raccroché et que Jeff parlait dans le vide, mais quand il l’avait entendue au téléphone, qu’il avait vu qu’elle était toujours au bout du fil, il avait paniqué bien sûr. Jeff le remercie et Alonso ne comprend pas très bien pourquoi Jeff lui dit merci de le faire tourner en bourrique. Il se contente de sourire en levant les yeux. Il comprend que Jeff veut lui dire quelque chose comme « Merci de bien le prendre » ou « Merci d’être aussi crédule, ça m’a fait bien rire » sans doute un peu des deux. Il ne reste pas dessus. Al ne répond pas, ce n’est pas comme s’il allait dire « Je t’en prie, fait moi passer pour un sexe-addict auprès de ma famille plus souvent ».

Jeff lâche sa main et reprend la carte. Il est d’accord pour les huitres. Alonso garde un sourire en coin. Il n’a pas répondu au message d’Amalia mais il sait qu’il ne perd rien pour attendre. On prend une douzaine pour deux ? Et je prendrais les cavatelli chanterelles. Il regarde Jeff. Franchement, il lui fera tout faire. Lui qui passait pour l’homme mystérieux et secret, toujours trop pudique, toujours à garder des secrets. Mais qu’est-ce que Jeff faisait de lui ? Il secoue la tête. Finalement, j’aurais peut-être préféré que ce soit Sonia… bougonne-t-il pour de faux une fois leur commande passée. Il remarque à ce moment là que le couple derrière Jeff est allé s’installer plus loin. Tant pis pour eux, s’ils avaient un peu plus d’humour, ils auraient ri avec eux. Il vient prendre la main de son compagnon dans la sienne. Et sinon, toi, tu voudrais du cuir et des sextoys pour Noël ? demande-t-il en essayant de garder son sérieux. Des sextoys ils en avaient certainement assez, surtout que Jeff avait tous les modèles.