Je me sentais mal à l’aise, et n’avais clairement pas assez bu pour rester calme. Quand à la pauvre petite bouffée du joint que j’avais pu aspirer, c’était loin de m’avoir suffi pour retrouver un peu de zénitude. Au contraire, mon cœur battait fort dans ma poitrine. Je voulais sortir. j’avais l’impression d’étouffer. Le liquide rougeâtre sur mon corps avait commencé à sécher, et me collait. C’était terriblement désagréable. À son tour, Laura me broyait la main, m’incitant à partir. Et pour le coup, j’avais envie de tout sauf de rester ici. Je n’en revenais toujours pas : Jonathan avait voulu se dénoncer. Pour nous protéger, ou bien simplement pour alléger sa conscience ? Après tout, c’était un meurtrier un série, et il ne pourrait jamais nous coller les autres meurtres sur le dos… Mais on avait tué, tous les trois, et rien ne permettrait d’effacer ce que l’on avait fait. On avait l’air un peu bêtes, tous les trois, main dans la main. Je lâchai d’un coup la main de celui qui m’avait torturé, comme prise d’une décharge électrique, puis me rapprochai de Laura. J’allais tenter de la calmer quand les miroirs volèrent en éclat, dans un brouhaha monstre. Sous le choc, je protégeai mon crâne, comme si le ciel était un train de nous tomber dessus. Puis ouvris grand la bouche, sous le choc, clignant des yeux. La foule autour de moi était dans le même état : ça, ce n’était clairement pas prévu.

J’aurais pu courir jusqu’à mon pick-up, retrouver la puissance de mon semi-automatique entre mes mains avant de retourner à l’intérieur, mais pour le coup, je ne me sentais pas de jouer les héroïnes. De plus, ce serait vraiment pas malin si je voulais faire profil bas, et quelqu’un finirait probablement par être blessé. Je lâchai la main de mon amie – cette fois-ci, c’est moi qui avait manqué de la broyer – puis la saisie par les épaules. Je n’avais aucune idée de rester ici. Balayant la salle des yeux, ayant repris un peu mes esprits, je lui déclarai :

« Retrouve Nicki, fais-la sortir. J’aime pas du tout ce qui est en train de se passer, et elle a trop bu, comme d’habitude. »

Puis, baissant la voix, sachant pertinemment qu’elle comprendrait de qui je parlais, je continuai :

« Je m’occupe de lui. On n’a pas besoin d’avoir un autre drame sur les bras. »

Étonnement, je gérais plutôt bien, malgré les battements incessants de mon cœur, mes mains tremblantes et mon allure de Carrie au bal de la nuit. Je fis volte-face, souhaitant à présent agripper Jonathan par les épaules. À mi-chemin, j’arrêtai mon geste : je préférai éviter tout contact – de toute façon, j’étais toute collante. Un air grave sur le visage, comme si je m’appétai à gronder un enfant, je décidai de prendre les devants, puis déclarai :

« On s’en va. Quoi que tu comptes faire, tu ne le feras pas ce soir. La situation est carrément en train de dégénérer, et j’ai peur que ça finisse avec des blessés. »

Il allait ouvrir la bouche – probablement pour m’engueuler à son tour, mais, au lieu de l’écouter, je lui coupai la parole, haussant la voix, afin de me faire entendre par-dessus les conversations de la salle :

« Bordel, pour une fois, Jon, écoute-moi, s’il te plaît. On s’en va, et on avisera après. D’accord ? »

Un peu malgré moi, je tendis une main tremblante en avant, attendant qu’il la saisisse et m’emmène loin d’ici. J’étais complètement chamboulée et n’avais pas envie de rester une minute de plus dans cet enfer. En soupirant, je décidai de baisser les yeux vers ma main. Dans la panique, je ne m'en étais même pas rendue compte, mais un bout de verre s'était logé dans le dos de ma main, d'où s'écoulait un filet de sang. Aussitôt, je sentais tout tourner autour de moi, et la douleur fit apparaître le monde avec beaucoup plus de contraste.

La Rose Lunaire n’était pas récente ! Pourtant je gardais de très bons souvenirs de mon enfance. Avais-je été si naïve jusqu’à mon départ de la maison familiale ou cela était-ce du au traitement que je suivais à la lettre à l’époque ? Je n’en savais rien mais je ne me souvenais pas que les gens de la ville étaient si suspicieux, si accusateurs. J’avais l’impression que ce que j’avais toujours vu comme une bulle de réconfort était en train d’éclater.  
La remarque acerbe de l’inconnu (Edwin) quant au fait que j’avais pardonné à Jonathan ne m’aida pas. J’entrouvris la bouche mais je fus incapable de répliquer quoi que ce soit et je n’eus même pas le courage de répéter les paroles de Rouge qui lui conseillait tout simplement d’aller se faire foutre. J’eus un soupir de soulagement lorsque Matthew prit ma défense après s’être placé entre moi et l’homme aux remarques déplacées. Je murmurais d’ailleurs un « Merci Matthew » avant de me concentrer de nouveau sur Jonathan et Zelda. Je voulais partir et j’aurais aimé que ce soit le cas des personnes que je connaissais mais ce n’était pas le cas. Chacun en faisait à sa tête jusqu’à ce que tous les miroirs éclatent. Après ça, beaucoup voulaient partir mais pas sans leurs amis ! Ce qui était compréhensible…
Je tentais de venir en aide à une jeune femme enceinte (Andy) mais elle fut rapidement bien entourée et mon attention se porta de nouveau sur Zelda. Je l’écoutais mais j’avais l’impression d’être là sans vraiment être présente. Je hochais tout de même la tête.


- OK. Je vais voir ou est Nicki ! dis-je simplement avant d’écouter la suite des propos de Zelda. Je les acceptais d’un hochement de tête. Fais attention à toi !


Puis je m’éloignais pour constater que la jolie blonde (Nicki) n’avait pas forcément besoin de moi. Je me retournais donc vers Jonathan et Zelda pour les voir assez proches. *On se barre Laulau ! J'ai franchement l'impression qu'on n'a pas notre place ici et puis ça craint.* J’avais la même envie. Je n’avais pas l’impression d’être à ma place ici et je décidais de sortir ce qui ne fit qu'attiser la curiosité de Rouge qui pensait sûrement qu'elle apercevrait quelque chose dehors ! 
Le temps était glacial mais c’était à peine si je m’en rendais compte. Je marchais en récupérant mon téléphone et en me rendant sur un petit banc pour appeler un taxi. Je m’asseyais sans prêter attention au reste et je recomposais le numéro du chauffeur qui m’avait conduite ici.

Et voilà, c’est parti, maintenant, le bal des horreurs peut commencer, les démons et les pulsions peuvent se déchaîner. La préparation a été longue, mais tout est parfaitement organisé, bientôt ce sera leur entrée en scène, et là encore, ça fera du bruit. Dans quelques instants, ils ajouteront une pointe de terreur dans le cœur des habitants. Elle pose sa main sur l’avant-bras de son Magneto, et Mystique, totalement méconnaissable, est en route pour terroriser le bas peuple. Les miroirs ont tous explosé dans un cri cristallin, ça a été en quelque sorte le signal pour leur entrée en scène. Ce très cher Dark Vador a déjà fait couler l’essence, maintenant à eux de craquer l’allumette et d’y mettre le feu.

Ils se sont approchés du bar, leurs pas crissant contre les morceaux de verre, et, très vite, la cible a été verrouillée : elle ne peut plus s’échapper, coincée entre les deux mutants, entre ces deux acolytes déterminés et inflexibles. Elle s’arrête à côté de la belle Lara Croft, ou du moins de sa pâle copie, et a un petit rire, un peu diabolique.

- Pauvre Jonathan, accusé de meurtre. J’espère que tu profites bien du spectacle. C’est bientôt ton tour.

Elle ne tourne même pas la tête vers elle. Magneto est de l’autre côté, Robin est encadrée. Il l’observe, à l’abri de son casque. Surtout, il écoute la femme bleue. Tout se déroule comme prévu.

- On n’oublie pas que toi aussi tu en as tué, des gens. C’est beau d’avoir ouvert le bal de tes meurtres par un enfant.

Un rictus tire les lèvres de l’homme. Elle, elle parle assez bas pour que seuls Robin et Magneto entendent. Pour l’instant, personne n’a besoin de savoir. Elle est maline, elle est minutieuse.

- Repos soldat. Ne t’en fais pas, il a sûrement rejoint ta chère Rae. Tu te souviens d’elle aussi ? Que tu as laissée mourir seule.

Elle a un petit rire, venu du fond de sa gorge, et laisse son cher Magneto prendre le relais. Il sait y faire, lui aussi. Il est imposant, dans sa cape rouge et noire. Il est inquiétant.

- Tu nous diras que ce sont des dommages collatéraux, que la guerre, c’est la guerre. Que ça arrive. Que c’est ton boulot. Que tu n’y es pour rien. C’est la vie, c’est comme ça, les guerres éclatent, les soldats tirent, les gens meurent. Mais tu sais que c’est faux.

La Rose sait charmer et torturer. Elle est cette fleur qui attire et pique. Ce soir, ce sont les épines, pour les criminels et les malfrats. Demain, ses pétales caresseront les plus innocents. Chaque individu n’est qu’un petit rouage de leur grande entreprise, la peur des habitants, un simple dommage collatéral. Une incompréhension de leur part. Elle a la mysticité de la lune, c’est pour ça.

- Et tout le monde sait qu’autour de Robin Myers, les gens meurent. C’est pour ça que ceux qui sont assez lucides fuient cette malédiction. Lisa et Nathan sont encore là, mais combien de temps encore avant qu’ils ne partent, comme Ulysse ?

Le travail est accompli, la brune doit être bien terrifiée. Mystique se tourne avec beaucoup de grâce et, Magneto dans son sillage, passe à côté de la jeune femme, en prenant le temps de rapidement glisser une photo d’un enfant avec écrit en rouge « MEURTRIERE » dessus. Elle doit prendre cela comme un avertissement. La secte n’est pas si dangereuse. Elle peut même être prévenante. Elle dit avant d’agir. Ils n’ont qu’à écouter. Ils n’écoutent jamais.

- A plus tard, Officier Myers, glisse-t-elle à l’oreille de Robin avant de s’éclipser aussi rapidement qu’ils ne sont arrivés. Il y a trop de monde, il y a trop d’agitation : on ne les rattrapera pas. Ils ne sont déjà plus qu’un souvenir, les fantômes d’une soirée mouvementée.

Le mec qu’elle avait traité de taré… c’était un peu rebellé. Mais elle avait pas fait plus attention que cela. Ce n’est pas parce qu’elle n’avait pas été là durant cette journée et qu’elle n’avait pas forcémment été touchée directement… qu’elle ne comprenait pas ce qu’était cette secte et ce qu’elle faisait. Elle ne trouvait simplement pas malin du tout d’aller gueuler que c’était tous des meurtriers aux premiers venus. Enfin, s’il voulait finir en hôpital psychiatrique, c’était sûrement le bon plan. Elle leva les yeux au ciel et ne répondit pas. Elle avait pas envie de plus de confrontation. La soirée leur réservait encore quelques trucs… ça avait toujours tendance à augmenter en intensié. Et elle s’était pas trompée. C’était vraiment le bordel cette soirée, et maintenant qu’Andy avait fait remarqué qu’elle allait accoucher, elle était le centre de beaucoup trop d’attention à son goût. Merde, elle allait acccoucher, pas crever, les gens étaient étranges. Bon, c’était chou dans un sens. Après l’avoir fait remarquer à son amie, une autre jeune femme affirmait qu’elle devait sortir d’ici, mais elle ne voyait pas trop pourquoi quelqu’un devait la faire sortir d’ici. Jusqu’à preuve du contraire, elle pouvait encore marcher et se gérer. Heureusement, pour le moment, elle trouvait ça encore chou alors elle hocha la tête en souriant à la demoiselle en face d’elle (Laura). Quand celle-ci vit que la situation était sous contrôle, elle s’occupa de ses amis.

Et puis voilà que son amie appelait des gens à la rescousse. Elle secoua la tête. "Arrête de stresser, ça va bien se passer..." A peine eut-elle le temps de dire ça, qu’elle se fit soulever du sol… Quelqu’un voulait la porter ? C’était quoi ce bordel. Brusquement, elle se redressa et finit par réussir à poser les pieds sur le sol. Elle poussa brusquement le mec qu’elle reconnut d’un peu plus tôt. Elle était enragée et ça se lisait sur ses traits. "Non, mais ça va pas bien dans votre tête. J’suis pas blessée ou impotente ! J’suis enceinte putain. J’vais accoucher, pas mourir." Ca la rendait folle. Elle secoua la tête et puis regarda Adele, ce qui la fit culpabiliser un peu. "Bonne intention… mais abusez pas non plus." Et puis elle se retourna et entraîna Adele pour sortir. Elles retrouvèrent d’ailleurs Nathan à l’extérieur et Andy ne put s’empêcher de lever les yeux au ciel. Elle se pencha pour poser un baiser sur la joue de son amie qui avait l’air de paniquer sévère. "Pas de stress. Faut qu’on passe à l’appart, j’veux me changer et prendre une douche avant d’y aller. Puis j’ai pas d’sac prêt pour l’hosto, faut que je le fasse." Certes, ça faisait mal par moment, des douleurs vraiment intenses et qui la faisait clairement grimacer. Mais bon, elle avait pas perdu les eaux… il y avait de bonnes chances pour que douze heures passent avant qu’elle doive commencer à pousser… donc il n’y avait pas de stress.

Je me sens incroyablement frustré de ne pas être écouté une seule seconde par tous ces gens. Laura et Zelda savent de quoi je suis capable, et elles savent aussi qui je suis vraiment. Elles devraient obtempérer… Mais non, elles n’en font qu’à leur tête. Et Zelda qui me dit que les choses vont dégénérer et qu’il y aura des blessés. Je lève les yeux au ciel, ce qui doit donner une drôle d’impression sous mon masque. Elle est sérieuse, bien sûr. Mais du haut de ses… Combien déjà ? Quelques années, ben elle n’arrivait pas à me convaincre, et je fuyais son regard, parce que je savais déjà très bien quel pouvoir il exerçait sur moi et je n’avais absolument pas envie de retomber dans mes travers du début de l’été… J’avais déjà fait bien assez de conneries comme ça. Et je voyais bien qu’elle était blessée. J’avais envie de la toucher. De la réconforter. Mais non. Comme je venais de le penser, j’en avais fait assez comme ça. Je tourne mon regard vers Laura, qui était partie aider quelqu’un d’autre.


| Je fais ce que j’ai à faire, mais merci à toi de t’inquiéter, Greene. C’est pas vraiment le moment de te rattraper de ta désertion, tu crois pas ? Rentre te faire soigner putain. |


C’était plus de la lassitude que de la colère ; je ne lui en voulais pas vraiment. Bien sûr, elle avait tout abandonné depuis cette fameuse nuit. Mais la voir revenir en mode protectrice et soucieuse, c’était pousser mémé un peu trop loin dans les orties. Le bordel continue autour de nous. C’est la cohue, et d’autres avertissements sont lancés. Je lâche un regard en direction de Myers et je plisse les yeux. Tiens donc. Elle ? Cela fit écho à quelque chose que je ressentais, au plus profond de moi et des souvenirs que j’avais si longtemps refoulé. Mais ce n’était pas le moment de creuser ; le manège de ces connards résonnait étrangement semblable à celui de ce connard de Vador. Et cette voix qui recommence… Je grince des dents de frustration. Qu’est ce qui m’avait pris de me rendre ici sans arme, et qu’est ce qui m’avait pris de vouloir me rendre ? Je n’épargnerais rien à Laura et Zelda, pas tant que ces connards seraient de la partie. Dès le premier cri « au feu » je réagis d’instinct et je prends Zelda par sa main valide et la tire derrière moi sans réfléchir, sans lui laisser le temps de faire autre chose que courir. Je rattrape la tignasse blanche de Laura et la prend de l’autre main.


| On dégage de là ! |

Edwin avait cessé de réfléchir, il n’avait plus le temps de se poser des questions et il vivait le moment présent. Une bouffée d’adrénaline le submergea et d’abord, il obéit à Adele et l’aida à entraîner la jeune femme sur le point d’accoucher dehors, quelqu’un devait bien la conduire à l’hôpital pour qu’elle accouche dans de bonnes conditions, puisqu’ici, ce n’était sûrement pas le cas. Il retourna ensuite à l’intérieur dans l’espoir d’aider les éventuels blessés, puisque désormais, on ne pouvait plus dire qu’il profiterait de la fête, sûrement pas. Il avait dû rater une action importante, car au même moment, il voyait s’enfuir deux personnes au déguisement plutôt réussi, Magneto et Mystique. Edwin s’y connaissait assez peu dans le domaine, mais il pouvait au moins situer leurs noms. Ils disparurent rapidement et Edwin les oublia en réalisant l’impensable ; un feu venait de se déclencher, il apercevait les flammes de plus en plus importantes et son sang se glaça. Le mouvement de foule qui suivit le fit un peu paniquer, lui qui pourtant savait garder son sang-froid en toute circonstance, et une idée sordide lui traversa l’esprit. Hannah était morte noyée, il mourrait brûlé (ou intoxiqué par les fumées, au choix). L’eau et le feu, la boucle était bouclée. N’était-ce pas terriblement romantique ? Et puis quelqu’un le bouscula, il manqua de trébucher et revint sur la terre ferme. Non, pas mourir, pas maintenant, pas avant d’avoir percé le secret d’Hannah, pas avant d’avoir obtenu les réponses à ses questions. Il voyait certaines personnes se battre pour maîtriser le feu, demander des couvertures ou des extincteurs, car il y en avait sûrement dans la salle, mais en cet instant, Edwin n’était plus vraiment maître de lui-même. Fuir, et ne plus regarder derrière lui. Il n’avait rien d’un héros, il n’était pas celui qui sauverait le monde, il pouvait à peine se sauver lui-même, alors il n’avait pas les épaules pour. Alors à son tour, il se rua vers les portes de sortie, en quête d’un peu d’air, en quête de la rédemption.