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crédit/ flcrencepughs ✶   @Eli Amdahl  

« Ok, on va vérifier. » Selina raccrocha. Le coup de fil qu'elle venait de recevoir la plongea dans ses réflexions. Un collègue lui avait transféré l'appel. Des voisins d'une maison inoccupée signalait la présence d'une personne dans ladite habitation. Inquiets, ils demandaient à la police de passer. La bonne mémoire de la flic s'activa. Le nom de la dernière propriétaire de la maison concernée ne lui était pas inconnu. Elle l'avait déjà vu passer dans une affaire étrange de disparition récente, en fouillant dans l'entourage de la femme qui s'était volatilisée. Une femme qui, en apprenant les recherches dont elle était l'objet, s'était finalement signalée par téléphone. Selina n'avait accepté de classer l'affaire qu'à condition de la voir en chair et en os et de s'assurer qu'elle allait « bien », ce qui s'était produit peu de temps après. Voilà quelques mois que cette histoire s'était produite. La jeune femme n'était plus réapparue ensuite.

Prenant une grande inspiration, la brune rangea son arme de service, puis elle enfila sa veste et prépara son chien. « Tu pars seule ? » Lui demanda un collègue, intrigué. « Oui, c'est un simple contrôle. » Pour l'instant, il n'était pas nécessaire de s'y rendre à plusieurs. Fin prête, la jeune femme quitta le commissariat et monta dans sa voiture, accompagnée de Twist. Elle roula pendant cinq minutes et arriva dans le quartier concerné. Garant la voiture, elle sortit son chien et avança discrètement vers l'entrée. De la main et de la voix, elle donna des instructions à son animal de sorte qu'il se place près de la sortie arrière de la maison. Ainsi, si quelqu'un tentait de s'échapper de l'autre côté, le chien resterait aux aguets.

En observant les différentes fenêtres de l'habitation, Selina remarqua une lumière à l'étage. Comme il n'y avait aucun signe d'effraction apparent, la jolie brune sonna tout simplement à l'entrée. Il se pouvait que la personne dans la maison soit de la famille. Cependant, seul le silence répondit à la flic. Elle sonna une deuxième fois, sans succès. En un regard, elle constata que la lumière à l'étage avait disparu. Étrange. La personne à l'intérieur cherchait-elle à se cacher ? Ou avait-elle besoin d'aide et était-elle dans l'impossibilité de se signaler ? N'entendant rien du côté de son chien, qui surveillait à l'arrière, Selina frappa du poing à la porte et se signala plus clairement. « Bonjour, c'est la police. Visite de contrôle, on a reçu un signalement. Merci de nous ouvrir, sinon, nous devrons entrer. » Si la personne n'avait pas besoin d'aide ou ne venait pas ouvrir, Selina téléphonerait à son unité afin de recevoir le document nécessaire permettant une visite domiciliaire, sur la base du signalement des voisins et donc de l'éventualité qu'il puisse s'agir d'un voleur ou autre. Après une longue minute de silence, cette fois, la jeune femme entendit du bruit à l'intérieur, signe que quelqu'un approchait de la porte d'entrée.

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Selina se demandait comment une maison réputée abandonnée pouvait encore être alimentée par l'électricité. Les descendants de la famille continuaient-ils à payer la facture ? Une succession ? Ou le réseau n'avait-il tout simplement pas encore été coupé faute d'informations ? Étrange. En général, si un délai de trois ou quatre mois sans paiement était dépassé, le courant était stoppé. Hésitant à s'introduire d'office dans la maison, Selina joua selon les règles et s'annonça à l'entrée, sommant la personne de venir lui ouvrir sous peine d'une entrée en force. Au bout d'une minute qui lui parut s'éterniser, elle entendit enfin des bruits de pas s'approcher . La poignée de la porte s'enclencha. Derrière la porte désormais entrebâillée, une voix féminine non identifiée demanda à voir son insigne, ce que Selina pouvait comprendre. Il y avait parfois des fous et des arnaques : n'importe qui pouvait prétendre être de la police sans en faire partie. « Bien sûr. Selina Flores, agente de police. » La brune tendit son badge de fonction dans l'ouverture et attendit que la personne écarte davantage la porte. Surprise... « Oh, je vous reconnais. Eli Amdahl. Comme nous nous retrouvons. »

La mémoire de la flic était vive et ne la trompait que rarement, déformation professionnelle sans doute. En même temps, l'affaire qui concernait la blonde était loin d'être habituelle. Eli était justement la jeune femme qui avait disparu des radars quelques mois auparavant, une disparition signalée par ses proches. Et puis, peu de temps après, elle était réapparue subitement. « J'avais enquêté sur votre disparition. » A Selina, elle ne lui avait donné que de vagues explications sur ce qui lui était arrivé, se résignant à rencontrer la maître-chien uniquement pour prouver qu'elle allait bien et faire cesser les recherches concernant sa volatilisation étrange. A l'époque, la brune soupçonnait qu'Eli avait des choses à cacher mais, c'était une adulte responsable, alors si elle n'avait volontairement plus envie de donner signe de vie à son entourage, c'était son droit. A présent, la jeune femme se retrouvait dans cette maison abandonnée, qui, à en croire le dossier sur lequel Selina avait travaillé, appartenait à un membre de sa famille. « Comme je le disais, votre présence a surpris le voisinage. Y a-t-il une raison à votre présence ici ? La maison est à l'abandon depuis des mois. » Était-elle de passage ou avait-elle emménagé ici ? Dans tous les cas, la flic ne repartirait pas sans un minimum de réponses. D'un sifflement, Selina rappela ensuite son chien toujours de l'autre côté, pour qu'il se poste derrière elle, légèrement en retrait, dans le but d'éviter d'effrayer l'étudiante sans raison valable.

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Si Selina s'était demandé qui arpentait la maison abandonnée, elle n'aurait pas pensé tomber nez à nez avec Eli. Quelques mois auparavant, la jeune femme avait disparu dans des circonstances floues et un de ses proches avait signalé cette disparition à la police. L'hispanique avait participé à l'enquête et avait finalement réussi à rentrer en contact avec l'étudiante, n'acceptant de clôturer le dossier que si elle se montrait en chair et en os. En effet, parfois un intimidateur ou un ravisseur pouvait exercer une pression sur une victime pour la forcer à dire ce qu'on voulait bien entendre, afin de rassurer l'entourage ou la police. Ainsi, en la voyant, Selina avait pu constater qu'elle était venue seule et sans chaperon, qu'elle paraissait aussi en bonne santé. Et lorsqu'elle  avait tendu la perche à Eli pour l'aider si elle en avait besoin ou si elle se trouvait dans une situation dangereuse, la jeune femme avait décliné. L'agente de police s'était donc résolue à accepter la situation et à laisser repartir l'étudiante, en dépit des questions qui étaient restées en suspens. Pourquoi avait-elle disparu du jour au lendemain sans donner signe de vie ? Où était-elle partie ? Selina ne connaissait pas les réponses, mais elle ne s'attendait pas à voir Eli revenir comme une fleur, après que la jeune femme se soit donné du mal pour disparaître des radars. Il était forcément arrivé quelque chose. Et puis, comme l'étrange odeur d'une brise qui envahit les narines les matins d'été, l'instinct de Selina s'arrêta sur ce qui lui parut le plus évident : la Rose Lunaire. Se pourrait-il que le départ (la disparition) ou le retour d'Eli ou bien les deux soient liés à la secte ? La question resterait ouverte pour l'instant. « Certes. C'était juste surprenant d'y trouver une présence alors qu'elle a été à l'abandon pendant des mois. » Répondit Selina, d'un ton neutre. « Le voisinage est attentif en cas de vol ou autre, c'est plutôt rassurant. » Parfois, des voisins pouvaient être mêle-tout et envahissants mais en l'occurrence, ils s'étaient inquiétés de la présence de n'importe qui. Finalement, ce n'était pas une personne étrangère à la famille.

Selina se demanda ensuite la raison de la présence d'Eli : était-elle de passage ou s'était-elle installée dans la maison ? Auquel cas pas besoin de tergiverser. Apparemment, l'intéressée comptait vendre la maison et elle y faisait du ménage. « Très bien, c'est compréhensible. » Même si elles étaient plausibles, les explications de la jeune femme ne convainquirent pas la flic, mais elle n'avait rien à dire, hormis concernant le bruit. « Vous faites du ménage en pleine nuit aussi ? On m'a parlé de bruits nocturnes également. » Selina ne parlait pas d'aujourd'hui, mais de la mention des voisins à propos de jours précédents. Même si une maison à vendre devait être remise un minimum aux normes, ce n'était pas une raison pour travailler jusqu'aux petites heures. Selina sentait le mensonge à plein nez, ça ne lui plaisait pas du tout. Tout ce qui entourait la jeune femme lui paraissait louche. Pourtant, la brune n'était pas prompte au jugement. Elle pressentait plutôt une volonté de cacher des choses, peut-être à cause de différentes galères dans la vie ou d'une forme de détresse. Alors, si elle serait passée outre dans un autre cas et qu'elle s'en serait simplement allée, un sentiment d'inquiétude et d'empathie la poussa dans l'autre direction. C'est pourquoi, lorsque Eli lui proposa de vérifier, Selina saisit la balle au bond et répondit par la positive.  « Volontiers. »  

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« Justement, je n'en sais rien, à vrai dire. » La jeune femme lui parlait comme si Selina avait été au courant de son emploi du temps, alors qu'elle savait juste qu'elle avait disparu du jour au lendemain. La brune sentit la fermeté dans la voix d'Eli qui répondait à contrecœur et juste assez pour se débarrasser d'elle. La flic était habituée aux personnes qui n'aimaient pas les policiers, ce n'est pas ce qui la découragerait. « C'est noté. » Ainsi, elle occupait la maison de sa grand-mère depuis son retour, quelques jours auparavant. Ce qui expliquait la présence mais pas encore les bruits rapportés par les voisins. D'ailleurs, ce signalement agaçait la blonde au plus haut point – pouvait-on lui donner tort ? Elle justifia alors le remue-ménage tardif par ses journées de travail chargées. « Beaucoup de gens travaillent en journée et doivent composer pour éviter les nuisances sonores. Le bruit intempestif tard le soir ou dans la nuit est contraire aux règles de bon voisinage. » Expliqua Selina, en haussant les épaules. Elle n'était pas forcément d'accord avec tout ce charabia ou à ce point à cheval sur les règles non plus, mais ce n'était pas elle qui avait écrit les lois et autres règles. Cette affaire aurait pu être gérée entre voisins ou même en présence de l'agent de quartier mais le voisinage, craignant un voleur ou pire, avait directement contacté le poste de police. « Je vous accorde que les personnes concernées auraient pu venir vous en parler avant mais elles ignoraient qui occupaient la maison : des voleurs ou des squatteurs peut-être ? Personne ne vous a vue et comme dit, la maison était réputée inoccupée. » Selina abonda dans le sens de la jeune femme sur ce point : son premier réflexe aurait en effet été d'aller sonner à la porte de la maison concernée et de demander à la personne de faire attention avec le bruit mais soit. Le poste de police avait été appelé alors il avait été proposé d'envoyer un agent pour vérification et ainsi restaurer la tranquillité du voisinage. Si Eli avait disparu dans des conditions étranges, elle n'avait rien d'un cambrioleuse féroce. Lorsque la blonde l'invita ensuite à entrer, Selina accepta la proposition. La flic la suivit à l'intérieur et s'installa à l'endroit indiqué par Eli. « Oh oui, merci. » Tandis que la blonde s'occupa des boissons, le regard de la jeune femme se perdit dans la pièce. La décoration dans son jus rappelait la maison de ces adorables grands-mères. Twist, son chien, levait son nez et remuait la queue nerveusement, éveillant la perplexité de Selina. Elle caressa son chien et le fit asseoir à ses pieds pour le calmer.

Un instant plus tard, son café à la main, la brune remercia son hôtesse et reprit le fil de la discussion. « Vous êtes occupée à rénover l'étage en ce moment ? » Selina n'avait pas vu de travaux en cours dans l'entrée. De plus, la lumière était allumée à l'étage quand elle était arrivée avant d'être soudainement éteinte. Selina supposait qu'Eli y « travaillait » comme elle l'avait affirmé plus tôt. « C'est peut-être pour ça que vous ne m'aviez pas entendu sonner à la porte. » La flic avait dû s'y reprendre à plusieurs fois avant d'obtenir une réponse, et encore, après s'être signalée comme étant de la police. Bien sûr, la brune était persuadée que la sonnerie avait été entendue mais elle ne pouvait pas non plus se permettre de pointer Eli du doigt. Ne pas répondre à la porte n'était de toute façon pas un crime et elle était ensuite venue finalement. « A ce propos, je suis désolée pour votre grand-mère. Je suis très proche de la mienne et je n'arrive pas à imaginer le jour où je ne pourrai plus être avec elle. » Cette fois, pas d'arrière-pensée, juste une déclaration sincère. Même si elle était encore en pleine possession de ses moyens sur le plan mental, la santé physique d'Alicia Flores déclinait progressivement. Proche de l'octogénaire avec qui elle partageait une relation fusionnelle, Selina vivrait très mal la perte de sa grand-mère. Par contre, elle ignorait si Eli entretenait une bonne relation avec la sienne. « Tout se passe bien pour vous, maintenant ? » Selina attendit un peu avant de rebondir. « Vous me disiez que vous aviez été occupée ces derniers temps. Je vous retourne la question que vous m'avez posée plus tôt. Est-ce que je peux savoir ce qui s'est vraiment passé ? Ce n'est pas courant de tout plaquer du jour au lendemain, au point que votre entourage s'en soit inquiété. » Pour le coup, Selina ne le lui demandait même pas en tant qu'agente de police mais parce qu'au cours des recherches, elle s'était sincèrement inquiétée qu'il soit arrivé quelque chose à cette jeune femme et aujourd'hui qu'elle puisse toujours être empêtrée dans des ennuis. Les mois avaient défilé et l'eau avait coulé sous les ponts depuis.