Let all that you do be done with love

now I'm dancing by myself out in the rain

Réveil difficile. Bouche sèche, sueurs froides, souffle court. Les cauchemars beaux et tentants étaient ceux qui effrayaient le plus sœur Almina. Chaque hissé de paupières matinal était rude, c’était comme une injustice dont la jeune nonne faisait les frais.

« Sauve-moi, ô mon Sauveur, Toi qui as sauvé mon âme. Sauve ma chair de la flamme qui me gâche Ta Saveur ! Sauve-moi des tentations ; Chasse de moi les pensées perverses et insensées d’un souffle de Ta Passion ! »

Levé timide, jambes qui flagellent, ouverture de volet sur le parc de l’église. Fraîche brise, douce brise. Almina emplit ses poumons, renouvelle l’air en espérant que ses pensées soient emportées, lavées. Pas d’appétit ce matin, gorge nouée, dégout d’elle-même. L’heure de la douche tant redoutée avait sonné. Le miroir de la salle de bain était trop grand. Reflet de vanité humaine qui juge trop fort, ennemi silencieux. Mina laissa tomber sa tunique de nuit au sol et s’enveloppe machinalement le corps de ses petits bras abimés comme pour se protéger, se consoler. Elle faisait ça depuis très longtemps sans même le remarquer. La pression de l’eau s’abat avec fracas sur ses épaules frêles comme un coup de fouet moralisateur cinglant. Elle avait beau savonner sa peau, la honte ne partait pas, elle s’était tapit sous l’épiderme… Son sang ne fit qu’un tour en dévisageant la lame de rasoir sur le rebord du lavabo.
Habit divin revêtit, soupir de soulagement de se sentir protégée et bien cachée sous les épaisses couches de tissu virginales et pures. Programme du jour ? Hôpital ! C’était la première visite de Mina hors de la sécurité de la paroisse. Elle allait chanter son refrain religieux au chevet des malades de Redwood. Petite excitation grimpante entre nervosité et impatience. Elle n’avait vécu que pour ces moments de partage et de communion. Mina avait été demandée par une certaine Mrs Fields, une patiente qui se remettait doucement d’une lourde chirurgie cardiaque.
Non sans mal, la jeune nonne arriva à destination à l’heure et le cœur dans la gorge poussa la lourde porte de la chambre 204. Le sourire de soulagement que lui adressa Mrs Fields en voyant sa cornette blanche et son chapelet dépasser de son missel, restera à jamais gravé dans la mémoire de Mina. Le moment partagé était aussi intense pour la patiente que pour la religieuse.
Trois coups brefs à la porte, Mina sursauta et fixa l’embrasure pour voir apparaitre la silhouette tout de blanc vêtu de ce qui lui semblait être une infirmière.

« Hello Mrs Fields, comme ça va ? Vous vous sentez bien ? Je vois que vous avez de la bonne compagnie aujourd'hui ! »
Petit sourire de gratitude à l’inconnue joviale.

« Bonjour Ma Soeur ! Je ne pense pas vous avoir déjà croisée ici, vous venez souvent ? Moi c’est Rosa. ».
Mina se leva et tendit sa main un peu maladroitement, pas vraiment certaine de ce qu’elle faisait.

« Enchantée, je suis Almina Curtis, c’est la première fois que j’interviens dans cet hôpital. », confessa-t-elle dans un accent britannique à couper au couteau. Elle se met en retrait pendant que Rosa prend la tension de Mrs Fields, docile et souriante.

« J’exerce souvent au sein de la paroisse, dans des associations mais également dans les hôpitaux ou même dans le milieu carcéral. C’est… Je n’ai pas encore beaucoup d’expérience, je commence mon parcours. », bredouilla-t-elle, encouragée par la patiente qui la gratifiait de compliments et d’encouragements.