La situation empirait de seconde en seconde. Les agresseurs prenaient de plus en plus souvent la parole, généralement pour menacer leurs otages. Henrik se sentait impuissant et inutile. Alors que d’autres jouaient aux héros et prenaient la parole contre les hommes armés, lui restait muet comme une carpe. Il n’avait aucun moyen de savoir si la petite manipulation de son téléphone avait réussi à appeler les secours, s’il n’entendait pas des sirènes prochainement il saurait que cela avait été un échec. L’homme qui lui récupéra son téléphone n’avait apparemment rien vu de son manège et il ne fit donc l’objet d’aucune violence, c’était toujours ça de gagné. Ce n’était pas le cas de Nicki qui se fit malmener une fois de plus. Henrik grimaça de plus belle, obtempérant quand on leur ordonna de mettre leurs mains à plat sur la table. Il fixa Nicki en retour, agacé de n’avoir rien pu faire pour elle alors qu’un inconnu prenait sa défense. Il se contenta de lui transmettre, par le regard, n’importe quoi qui aurait pu la faire se sentir mieux. Il répéta mentalement une prière, pour la centième fois peut-être. Henrik serra la mâchoire et passa en revue tout un tas de choses. Edwin et Archie, qui lui maintenaient la tête hors de l’eau au quotidien ; Eilin, avec qui il avait encore tant à partager ; Lena, cette extraterrestre à laquelle il avait fini par s'attacher ; et puis Elli, Elli bien sûr, et ce message qu’elle lui avait envoyé et qui ne cessait de le tourmenter. Pour eux tous, il ne pouvait pas se résoudre à mourir. La mort n’était d’ailleurs pas inéluctable lors d’une prise d’otages même s'il était rare que tous les otages s’en sortent sains et saufs. Il fit rapidement l’inventaire de ce qui pouvait l’aider à sortir de là, et il manqua de laisser échapper un rire jaune quand il réalisa que la solution lui pendait au nez depuis le début. Il pinça les lèvres à l’attention de Nicki, comme pour lui signifier qu’il avait les choses en main, et tourna la tête vers le plus proche des agresseurs. « C’est de l’argent, dont vous avez besoin ? » demanda-t-il alors, le plus calmement du monde. Il veillait bien à ne pas les offenser, car les minutes précédentes lui avaient prouvé que les hommes étaient loin d’apprécier et qu’ils ne tardaient pas à le signaler brutalement. Henrik gardait toujours ses mains bien à plat sur la table, bien en vue. « Les revendications dont vous parlez, quelles sont-elles ? Incluent-elles de l’argent ? Je suis certain que l’on peut s’arranger sur ce point. » Il n’y avait presque rien d’altruiste dans sa prise de parole. En vérité, Henrik ne cherchait qu’à sauver sa propre peau –peut-être un peu celle de Nicki, aussi, et celle du seul gamin présent dans la salle de restaurant.

Tout avait pourtant si bien commencé… et voilà. Maintenant, elle était simplement terrorisée. Pourquoi ? Parce qu'il y avait des gens à qui elle tenait dans cette salle, un certain nombre en plus. Et puis, qu'arriverait-il à sa petite princesse si aujourd'hui il lui arrivait quelque chose à elle ? Ce n'était simplement pas envisageable, elle voulait simplement sortir d'ici, au plus vite, et entière. Le premier vrai coup porté fut au jeune homme qui avait bien trop parlé et qui resta assommé, couchée sur le sol, ils menacèrent également son amie. Elle jeta un coup d'œil au petit garçon présent et remarqua qu'il avait l'air d'avoir quelqu'un pour prendre soin de lui, c'était l'important. Ensuite ? Les téléphones, elle le donna sans rechigner, elle ne voulait pas aller contre eux, elle ne voulait pas mourir, elle avait bien trop à perdre. Légèrement tremblante, elle sursauta quand une blonde qui n'arrêtait pas de l'ouvrir se prit une baffe violente. Ces hommes ne plaisantaient vraiment pas. Elle pria silencieusement pour que tout ce petit monde veuille bien se la fermer cinq minutes au moins. Mais c'était bien trop demander… bien sûr. Ce fut au tour de Duncan. Les menacer, vraiment ? Une légère envie de l'assommer elle-même lui vint, non mais franchement ! Personne n'arrivait à fermer sa gueule alors qu'ils avaient devant eux une équipe de quatre hommes dangereux et lourdement armé… Ils avaient fumé quoi cette bande d'abruti ? Elle jeta un regard noir à Duncan et puis à ses frères, qu'ils ne s'avisent pas de jouer aux cons ces deux-là ! Elle posa ensuite ses mains à plat sur la table en écoutant, leurs revendications étaient donc publiques, une bonne chose… Un autre homme qu'elle ne connaissait pas parla à son tour, annonçant simplement que si c'était de l'argent qu'ils voulaient, cela pouvait être arrangé. N'avaient-ils pas tous compris ? C'était la Rose. Et la Rose… ce n'était pas de l'argent qu'elle voulait. Si seulement, ça avait été aussi simple… Des gens cupides, il y avait toujours une façon de s'arranger. Avec des illuminés qui croyaient à des préceptes étranges ? C'était une toute autre affaire. Elle soupira doucement sans rien dire de plus. Ça ne servait à rien, elle le savait pertinemment. Et peut-être que les autres le comprendraient, s'ils ne finissaient pas tous assommer avant.

Pas une blague. Définitivement pas une blague. Le destin tragique qui se dessine devant ses yeux. Violett, il pense à Violett. Que deviendra-t-elle s’il lui arrive quelque chose. Il réfléchit très vite, histoire de savoir s’il a laissé quoique ce soit, mais non il a rien prévu, parce qu’il a jamais pensé qu’une truc pareil pourrait arriver. Il a envie de se baffer, en essayant de tourner et retourner les possibilités dans sa tête. Chez sa mère, elle irait chez sa mère. Jusqu’à sa majorité. Putain, il veut pas y penser, le voilà qui fait des plans sur sa mort certaine alors que rien n’est fait. Mais la seule pensée d’un futur proche où il ne pourrait plus jamais la revoir le pétrifie jusqu’au plus profond de son être. Il écoute pas vraiment, il observe la scène et les actes de violence un à un. Hesther lui prends la main, ça le ramène un peu plus à la réalité. Alors, il l’attire un peu contre lui, la main serrée dans la sienne. « Ça va aller. », lui murmure-t-il à l’oreille. Il lui offre un sourire peu convaincant, c’est pas faute d’essayer. Les portables, évidemment. Il donne le sien sans faire de vague, surtout parce qu’il a Hesther avec lui et que voir les autres se faire rembarrer les uns après les autres ça lui donne l’exemple à pas suivre. Il faut réfléchir, réfléchir intelligemment. Soudain, l’un des preneurs d’otages décoche une gifle magistrale à Nicki et il peut pas s’en empêcher, ça sort tout seul, « Putain mais c’est pas vrai ! », jure-t-il tout à coup. Duncan s’y met aussi, sauf qu’il y va franco. La main serrée, il se mord l’intérieur de la joue et cherche Juliet du regard. Il a envie de dire à Duncan de s’arrêter, que ça arrangera rien. Mais il veut pas lâcher Hesther, il compte rester à côté d’elle, histoire d’être certain que personne ne puisse rien lui faire de mal.  

La violence semblait être montée d'un cran dans le restaurant. Certains invités se rebellaient. Un homme revendiqua le fait d'être technophobe et de ne pas avoir de téléphone portable. Un homme proposa de l'argent, Nicki demanda aux hommes de relâcher le seul enfant de la pièce, avant de se prendre une gifle. Hesther quant à elle était bien trop sous le choc pour tenter quoi que ce soit, surtout lorsqu'elle observait les retombées. Les ravisseurs parlèrent ensuite de revendications, mais la jeune femme ne semblait pas comprendre ce qui se passait. Elle jeta tantôt un regard à Juliet, tantôt à Duncan, qui avait décidé de l'ouvrir. Sans doute un peu trop et elle broya la main de Fynn, transie de peur et incapable de faire autre chose. Hesther sembla sortir de sa torpeur lorsque Fynn l'attira légèrement à elle, lui assurant que tout allait bien se passer. Elle voulait le croire. Tout irait bien. Ils sortiraient bientôt d'ici et pourraient retrouver Violett et Joyce. Elle manqua défaillir à cette pensée. Joyce, qu'elle ne reverrait peut-être jamais. Lorsque les hommes hurlèrent de mettre les mains sur la table, Hesther obtempéra et posa sa main libre sur la table et regarda droit devant elle quelques secondes, avant de regarder du côté de Fynn. « J'ai peur !», dit-elle simplement, lorsqu'ils amenèrent un autre homme dans la salle du restaurant, sans doute le cuisinier.