Lego house
crédit/ hauteadore ✶   @Sebastian Hargreaves  

9h30. Leah avait programmé le réveil à 9h mais quand celui-ci avait retenti, elle l'avait aussitôt éteint. Résultat : une demi-heure plus tard, elle était toujours emmitouflée sous les couvertures, à lézarder dans son lit. Pourtant, la jeune femme n'était pas la dernière pour se lever aux aurores ou au milieu de la nuit, surtout lorsqu'il s'agissait de partir en observation pour un reportage animalier. Ce qui était prévu aujourd’hui était autrement plus costaud : aider Seb(by) à trouver la maison de ses rêves. Autant dire mission presque impossible. Leah aurait besoin de toute son énergie pour écouter ses jérémiades sur telle pièce, telle rue, tel voisinage, tel problème dans la maison qui ne serait pas à son goût. C'est pourquoi elle grappilla tout le temps supplémentaire pour dormir et se retrouva à se réveiller en sursaut trente minutes avant l'heure du rendez-vous. Elle fila donc se préparer en quatrième vitesse. Une fois n'est pas coutume, Leah serait plus à la bourre que son frère. Preuve en était qu'il débarqua comme une fleur chez elle, puisqu'il ne prenait jamais la peine de s'annoncer en famille. Surpris sans doute de ne pas la trouver prête, Seb s'enquit d'elle. « J'arrive. »

Évidemment, Leah n'avait pas terminé mais elle comptait sur l'imagination débordante de son frangin pour s'occuper le temps qu'elle finisse de se préparer. Imagination débordante étant synonyme de son téléphone vissé à ses doigts dès qu'il devait attendre plus de dix secondes. Elle le connaissait bien. Attrapant une tenue dans sa garde-robe, elle l'enfila à la hâte et descendit ensuite rejoindre son frère, manteau sur les épaules, fin prête. « Pour une fois que je ne dois pas t'attendre. Laisse-moi vérifier qu'il ne neige pas dehors. » Un coup d'oeil en direction de la porte-fenêtre la rassura ; la météo était on ne peut plus calme. Bien que la neige n'était pas si rare dans la région, alors l'expression n'avait rien de miraculeux. Heureusement, la maison à visiter se situait à proche distance et les deux Hargreaves la rejoindraient rapidement à pied.

Au sourire malicieux de Seb, Leah devina la bêtise qui allait suivre. Son frère et elle, presque voisins. « Tu quittes Eliot pour te rapprocher de ta soeur... Comme c'est mignon. J'ai toujours su que j'étais ta préférée au fond. » Elle aussi se débrouillait pour le taquiner. Plutôt deux fois qu'une. « Maintenant que tu le dis, si tu choisis cette maison, je pourrai enfin venir squatter chez toi pour t'embêter plutôt que l'inverse. » Autant dire qu'elle venait de trouver une motivation à sa mission du jour. Pour Seb, par contre, fini la belle vie. Il allait rentrer dans le monde (déprimant) des adultes. « En route. »

HJ:

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Lorsque Seb essaya de l'énerver par rapport au réchauffement climatique, Leah esquissa un grand sourire à propos d'un agréable souvenir. « Oui, je m'en rappelle. Et toi, le lac gelé, tu souviens ? » Bon gré, mal gré, le brun s'était prêté au jeu et avait pataugé tel un manchot au milieu du capharnaüm de nageurs gelés. « Tu devrais me remercier. Sam a pu admirer à quel point tu es courageux. » Le sourire de Leah s'agrandit. Ce jour-là, Sebby avait marqué des points auprès de la gente féminine, mais peut-être pas des points bonus comme dans les aventures de certains jeux télévisés. En revanche, la brune perçut une pincée d'amertume lorsqu'elle plaisanta sur ses préférences fraternelles. Cependant, Seb saupoudra son commentaire de douceur – fromagère – au moment de repasser la porte d'entrée. « La maturation, tout ça. » Il la défia alors sur son titre de membre le plus embêtant de la famille. Pourtant, Leah se sentait capable de le détrôner. Uniquement pour l'ennuyer lui, pas les autres Hargreaves. « Aujourd'hui ? Totalement ! C'est toi qui serais plus embêté que moi de ne pas trouver cette maison. » L'achat d'une maison l'introduira davantage dans le monde adulte mais serait aussi synonyme de paix loin du couple d'Eliot.

 « Bonne nuit oui. » Rectifia Leah à la question de Seb qui tentait de mettre son nez partout aussi avidement qu'un renard malicieux qui poursuit des poules en furie. N'étant jamais à bout de surprises, le vendeur annonça alors une nouvelle à sa soeur. Une annonce qui expliquait la véritable raison de sa présence lors de cette visite. Seb avait besoin qu'elle appuie son histoire inventée de toutes pièces. Pas celle d'un couple heureusement mais la version selon laquelle il avait besoin d'une maison pour s'occuper de leur père « malade ». Leah digéra l'information, avant de trouver comment la retourner contre lui aussi. « Tu vois, quand j'avais dit que je savais comment t'embêter. Je pourrais tout nier en bloc. » La brune n'était pas friande des mensonges mais parfois la fin justifiait les moyens. Et dans un marché où les riches continuaient de s'enrichir et où son frère peinerait à s'acheter une maison alors qu'il travaillait (pas toujours dur, mais il travaillait) ne lui paraissait pas juste non plus. Et puis, il était temps que Seb vole de ses propres ailes alors Leah se prêterait au jeu à la fois pour lui et pour qu'Eliot vive sa vie de couple en paix (et oui). « Je comprends mieux pourquoi tu n'as pas demandé à Eliot d'organiser des visites. » Leur frère était agent immobilier mais il connaissait la vérité. « Prie juste pour qu'on ait un bon karma et que papa ne tombe vraiment pas malade. » Seb y allait encore de son petit commentaire et de ses bêtises mais Leah était devenue tout aussi dure en affaires quand il s'agissait de négocier avec lui. « Ok je vais faire ça pour toi mais alors j'ai une mission pour toi aussi. » Les yeux brillants, la brune émit une suggestion. « Je propose que tu soutiennes des causes associatives pendant un mois au lieu de t'en moquer. » Leah s'arrêta à quelques pas de la maison à visiter. Lui qui la taquinait toujours sur ses idées militantes devenait en quelques sortes l'arroseur arrosé. « Deal ? »

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« Je n'ai jamais été désignée wing woman officielle. Depuis quand as-tu besoin de nous pour marquer des points ? » Répondit-elle, amusée. Vantard, son frère était le premier à s'enorgueillir de se débrouiller tout seul... Enfin, il se débrouillait surtout pour perdre plutôt que gagner lesdits points. « Non oublie, depuis toujours en fait. » Les meilleures taquineries ne s'éternisaient pas et Leah coupa court à ce souvenir du lac gelé. Cependant, une autre question surgit dans la conversation. « Sam, c'est une pote ou un peu plus que ça ? » Crush ou autre, Leah ne demandait aucun détail, simplement si son frère avait un intérêt plus qu'amical pour la jolie Orbinson. Les deux discutèrent ensuite pour savoir qui était plus embêtant que l'autre, même si aujourd'hui, ils devraient tous les deux rester tranquilles, alors autant ranger les chamailleries habituelles au placard. « Un rôle de composition. » Seb se glissait dans de nombreux rôles, celui de l'adulte responsable restait pourtant l'interprétation la plus éloignée de sa personnalité.

Il lui parla ensuite de son plan du jour. Leah le mit en doute pour le faire un peu stresser, mais elle le soutiendrait dans sa démarche. Bien sûr, elle allait aussi profiter de la situation pour le pousser dans ses retranchements, comme il s'en rendrait compte après, lorsqu'elle lancerait l'idée de participer à des bonnes causes. « Ok, j'ai pris note aussi. » Leah se tapota la tempe pour imiter le geste effectué par son frère un peu plus tôt. « Je sais, t'inquiètes. Tu peux compter sur moi. » Elle ne lui avait jamais dit aussi clairement qu'à ce moment-là, peut-être pour rattraper un minimum les années de distance qui les avaient séparé en raison des voyages de la brune, bien qu'elle était revenue s'installer depuis quatre ans. Malgré tout, Leah n'oubliait pas toutes les blagues qu'il avait lancée sur ses idées militantes et elle accepta de le soutenir si lui aussi soutenait des associations caritatives durant un mois. « Soutenir, oui. C'est important pour moi aussi. » Seb ne savait pas quelle option elle imposait entre un don ou du bénévolat. « Donner de sa personne, c'est très bien, mais c'est toi qui vois entre les deux. Pourquoi pas à une association autour des femmes ou des animaux ? » Seb acquiesça et c'est ainsi que les deux Hargreaves parvinrent à un accord de principe en serrant leur main. Un rire s'échappa alors des lèvres de la brune quand il pensa encore à plaire aux femmes. « Tu vois, je suis une bonne wingwoman, finalement. Tu gagneras quelques points auprès de la gente féminine. » Il était certain que Seb s'en vanterait, mais au moins, il jouerait le jeu.

Peu après, ils arrivèrent devant la maison à visiter. « Oui, la façade est propre. » Ils s'introduisirent dans l'allée et l'agente immobilière vint à leur rencontre, un sourire avenant aux lèvres. « Bonjour, Leah. » Pas le temps de se présenter davantage, puisque Seb s'en assura pour elle, car la simple idée de prendre sa soeur pour sa conjointe lui avait retourné l'estomac. Amusée, l'agente s'excusa puis les invita à entrer. « Oui, deux paires d'yeux valent mieux qu'une. On ne pense pas toujours à tout. » La raison de la vente, les derniers travaux du toit, le certificat énergétique, électricité conforme ou non, zone inondable ou non, isolation et quelques autres modalités, surtout si le sujet du « père malade » était abordé. A ce stade, Leah n'avait rien à demander mais si l'agente n'abordait pas certains points, il faudrait les soulever dans le cas où la maison intéressait vraiment Seb. D'ailleurs, la brune ignorait ce qu'il recherchait. Une ou deux chambres ? Un garage ? Une maison avec un extérieur ? Quelle surface pour le séjour et la cuisine ? Il ne lui avait rien dit. Après le hall d'entrée, l'agente les entraîna vers le salon pour commencer la visite.

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Message bien reçu. Sam était une « pote ». Le ton de son frère l'invitait à changer de sujet. Leah n'aimait pas non plus qu'on l'interroge sur la nature de sa relation avec Daniel – son ex compagnon – ou encore l'amitié qu'elle entretenait envers Arthur, pourtant certains membres de sa famille ne s'étaient pas gênés pour jouer les petits curieux pendant longtemps. Ce n'était que depuis son accident que son entourage s'était calmé, sans doute pour la laisser se remettre de la perte de son enfant sans en rajouter. Au cours des dernières années, Seb l'avait provoquée tellement de fois qu'elle ne les comptait plus. Alors, aujourd'hui, Leah cherchait-elle à agacer son frère ? Sans doute, oui. Elle prenait plaisir à lui rendre la monnaie de sa pièce. C'était ainsi que leur relation fraternelle fonctionnait. A coups de crayon mal esquissés dignes de deux gosses de cinq ans qui tentaient tant bien que mal de réaliser un dessin ensemble. Leur propre dessin de vie. Et parfois, au milieu du capharnaüm de leurs graffitis mal gribouillés, une forme différente se profilait, une ébauche digne des meilleures artistes... lorsque leurs coups de crayons s'alignaient pour trouver un chemin d'entente. C'est là qu'une merveilleuse toile apparaissait. Aussi rare et précieuse que les moments de sérénité dans leur relation fraternelle. En dépit de ses taquineries, Leah restait toujours dans la bienveillance envers Seb, jamais dans la méchanceté gratuire. Elle serait toujours présente pour son frère, même si les deux Hargreaves n'avaient pas l'habitude de se le formuler à voix haute. Il ne lui demandait pratiquement jamais de l'aide et elle n'ignorait pas ce que cette requête lui avait coûté en termes d'amour-propre. Alors oui, elle le soutiendrait dans sa recherche d'une maison, pas seulement pour la tranquillité d'Eliot et de Max, mais aussi parce qu'elle tenait à conforter Seb dans son envol et sa prise d'indépendance. De nouvelles responsabilités s'imposeraient à lui, mais un monde de nouvelles libertés aussi. A propos de leur père, Leah rebondit sur la remarque de Seb. « Je pense qu'il serait fier, oui. Tu lui en parleras quand tu auras trouvé la maison de tes rêves ? »

Après un petit marché entre eux, elle l'accompagna ensuite jusqu'à ladite maison à visiter. Une agente immobilière souriante les accueillit et les invita à entrer. Pendant que son frère jouait les jolis coeurs avec la femme, Leah s'aperçut vite de plusieurs défauts dans la maison. Entre l'humidité, les signes d'une mauvaise isolation, les châssis abîmés, l'intérieur de la maison dans son jus et qui laissait à désirer... L'ampleur des travaux s'annonçait colossale. «Tu avais bien vu des photos de la maison avant de réserver une visite ? » D'une voix basse, elle exprima ses doutes à Seb. A son air, elle remarqua qu'il était tout aussi dubitatif qu'elle, pas berné par le charme de l'agente ni sa minimisation des travaux. Lorsque la jeune femme conclut son laïus en vantant la maison comme parfaite pour leur père, Leah la remercia et en discuta avec son frère lorsqu'elle s'éloigna. « Si tu veux que cette histoire de papa malade soit crédible, il faudra envisager une maison de plein-pied et qui n'a pas des escaliers où même nous on se casserait la figure une fois sur deux. Ou alors tu trouves une autre excuse la prochaine fois. » La raideur des escaliers avait failli leur coûter leur vie. Seb lui confirma alors son ressenti et pour une fois, elle abonda dans son sens. « Je vais commencer par les points positifs : le nombre de chambres et le jardin en très bon état. » Voilà un rapide résumé objectif de la situation. « Mais, tu peux trouver plein d'autres maisons qui remplissent ces deux critères. Pour la mocheté, ça peut s'arranger. Ici, le problème, c'est surtout que tu perdras une fortune en travaux. » Lors de l'achat d'une maison, la plupart d'entre elles avaient besoin d'un rafraîchissement, d'un coup de peinture à son goût ou d'un gros poste qui devait être rénové comme l'électricité, la salle de bain ou autre. Ici... Tout était bon à refaire, à part l'extérieur. « As-tu vu l'humidité à plusieurs endroits ? C'est ce qui m'inquiète. La maison n'est-elle pas suffisamment aérée ou c'est toute l'isolation qui est à revoir? C'est un budget à prendre en compte. » Et puis, en général, en dehors des critères objectifs, le ressenti comptait aussi. Et clairement, Seb ne paraissait pas avoir eu un coup de coeur pour l'endroit. « Qu'en penses-tu toi ? Tu as d'autres maisons sur ta liste ? Ou c'est la seule visite que tu as prévue ? »