Tu ne pensais pas rentrer, regarder te suffit déjà. Mais Alonso te le propose alors tu le suis à l'intérieur. Une fois à l'intérieur, il t'explique comment fonctionne Noël dans sa famille. Tu connaissais le principe mais tu n'en étais pas fan... Parce que ça te faisait moins de cadeaux à recevoir, au final. Tu aimais la quantité, même des choses inutiles ou un peu nulles. Ouvrir les paquets étaient ce que tu préférais. D'accord, alors je ne pourrai pas tomber sur toi... Tu te dis que c'est mieux, tu aimerais bien offrir quelque chose à part, à Alonso. Peut être même plusieurs cadeaux, tu ne sais pas. Son anniversaire était proche des fêtes, ce n'était pas très pratique.

Pour le moment, tu regardes ce qu'ils proposent. Alonso te dit que tu vas être chiant avec les décorations, tu hausses les épaules. Si c'est chez nous, peut être... Faire une décoration pour une première fois, mais chez lui... Dans la maison familiale Harrington, tu ne sais pas. Ils avaient peut être leurs habitudes. Tu as hâte de déménager. Alonso t'a toujours fait sentir chez toi mais ce n'est pas pareil. Tu préfères te concentrer sur la recherche, tu ne sais pas si tu vas acheter quelque chose, mais tu regardes... Et puis, tu tombes sur un ornement qui te plait tout de suite. Tu le prends et va le montrer à Alonso qui était dans une autre section. On le prend ? On doit le prendre, regarde moi cette merveille ! Ce n'était pas une merveille à proprement parler, mais une déco de sapin en forme de... Chacha, c'était quelque chose. Tu étais même tombé sur sa couleur, alors que les teckels noirs et feux étaient quand même plus connus et répandus. Regarde moi ses petites oreilles avec des paillettes ! Ta petite chienne. Tu penses que tu lui manques, c'est sans doute un peu le cas mais elle ne perdait pas ses habitudes avec ta mère à la maison. Elle avait ses odeurs, son copain Chanel et ses endroits préférés pour dormir.

Non, on laisse quand même les couples s'offrir les cadeaux qu'ils veulent. Ne t'inquiète pas les enfants sont hors processus alors, y'a quand même beaucoup à faire. Après tu peux choisir de faire des cadeaux à tout le monde hein. En réalité on se parle un peu tous entre nous. Parfois, on fait des cadeaux multiples parce qu'il y a plein d'idées mais l'objectif c'est qu'il n'y ait qu'une personne qui achète. C'était très drôle parce qu'au final on devinait vite qui était le secret santa puisque c'était le seul qui ne posait pas de questions sur le cadeau. Alonso ne s'était jamais senti lésé dans le processus. Au contraire, une année son secret santa avait été le mari de Lucia, Thomas, qui lui avait offert énormément de matériel de dessin, il en avait été dingue. Soit disant, qu'il l'avait vu griffonner à de nombreuses reprises. Ça permettait parfois de très belles surprises et une réelle attention pour la personne concernée. Plus que s'il avait simplement fallu faire un cadeau comme ça à tout le monde. Au final, il arrivait quand même qu'ils s'offrent en plus des cadeaux personnalisés. Ça arrivait, les règles du jeu ne l'interdisaient pas. Surtout pour Alonso dont c'était l'anniversaire.

La réponse de Jeff le surprend. Il voudrait lui parler mais son compagnon s'éloigne pour regarder les décorations de la boutique. Il regarde les belles boules décorées, les peluches aussi, les chaussettes brodées avec des noms différents. Il a le cœur un peu lourd en pensant à tous les Noëls avec les enfants qu'il a raté. Enfin, il les avait eu un Noël sur deux mais... Il se demande si Sonia lui souhaitera son anniversaire cette année, sans doute que oui. Il faudrait qu'il se mette à lui fêter le sien de nouveau ? Il ne sait pas bien. Bien sûr qu'il y pensait à chaque 12 novembre. Mais... Peut-être cette année, il jette un coup d'oeil à Jeff, grâce à lui, il se sent tellement mieux dans sa tête, mieux dans son corps aussi, il faisait plus de sport, son régime forcé depuis son accident cardiaque pour limiter l'alcool et les matières grasses de son alimentation l'avait fait plutôt fondre également. Jeff finit par rapidement revenir avec un petit trophée. Une mini-Cha-Cha avec des petites paillettes sur les oreilles. C'est adorable. confirme Alonso avec douceur. Tu as trouvé le spot pour les chats aussi ? Il se dirige vers là où Jeff était mais ne trouve pas de figurine pour chats. Il est un peu déçu. Puis son regard tombe un peu plus loin. Le style est différent, il aurait aimé trouver le même que pour Cha-Cha mais c'est un petite collection de chatons avec des bonnets de père Noël. Il prend celui avec le chat noir et blanc, comme le sien. Bien sûr que son Chanel lui manque aussi. Ses petits rourous de joie quand il le voit rentrer le soir, il le fait moins depuis que Cha-Cha vient le voir. Il attend parfois que ce soit Alonso qui vienne le caresser parce que Cha-Cha est parfois trop brutale pour lui, mais ils se comprennent bien. Il sait qu'une fois que son maître est avec lui il peut lui demander autant de caresses qu'il veut, Alonso viendra toujours le voir, lui parler, même s'il ne sait pas ce que l'humain dit. Je l'aime si fort ce chat... murmure-t-il. Il en faisait moins que Jeff qui appelait Cha-Cha sa fille, mais la connexion qu'il avait avec son chat était réelle. Il garde l'ornement avec lui, il va l'acheter, rien que parce que Jeff est avec lui alors il peut se permettre lui aussi d'être un peu kistch. Pourtant alors qu'il se promène dans le magasin, la question le taraude toujours.

Il se rapproche de son compagnon pour lui demander à voix basse. Pourquoi tu dis que ce ne sera pas chez nous ? Noël est dans plus de deux mois, on aura déménagé d'ici là... Ça le travaille car il y voit un peu de résignation, peut-être que Jeff pense qu'Alonso va retader l'échéance, lui dire qu'il n'est pas prêt tant que les travaux ne sont pas finis. Peut-être qu'il pense que son compagnon n'est pas vraiment prêt à quitter la résidence familiale. Jeff, je veux qu'on se sente chez nous le plus tôt possible. Tant pis s'y n'y a pas tous les meubles et que tous les travaux que l'on veut y faire ne sont pas faits ou pas finis. La maison est habitable, au contraire, y vivre nous donnera de nouvelles idées et je ferais construire un abri provisoire pour la voiture s'il faut - pour éviter de la gratter tous les matins pendant l'hiver -, mais je passerais l'hiver avec toi dans cette maison. Il le regarde dans les yeux, il hésite sur beaucoup de choses mais pas sur ça. On fera Noël chez nous cette année, c'est une promesse. Il lève son petit doigt comme ils le faisaient quand ils étaient ados et jeunes adultes pour lier une promesse. Il attend que son compagnon réponde à ce geste. Il regarde Jeff avec douceur. Au fait ! Regarde ce que j'ai trouvé pour Chanel, ce n'est pas aussi beau que le tien mais on évitera les jalousies entre frère et soeur comme ça. ajoute Alonso avec un clin d'œil complice.

Tu es fier de ta trouvaille en forme de Chacha. Pas exactement Chacha mais ça lui ressemblait bien assez. Alonso t'explique un peu mieux, tu trouves tout de même qui c'est compliqué. C'est ce que tu aimes moins, dans les fêtes de Noël, le fait que tout soit ritualisé, qu'il faille suivre chaque tradition de la famille pour ne vexer personne. Noël n'était pas simple selon toi, au contraire, c'était une période tendue où tout était prétexte à se vexer ou à se fâcher.

Tu regardes encore un peu de ton côté, et Alonso revient te parler. Je n'étais pas sûr, je me disais que tu voudrais faire Noël dans la maison familiale avec... ta famille justement. Donc je me demandais si faire deux fois des décorations, c'était...utile ? Tout se faisait du côté d'Alonso, ou presque. Tu t'étais dit que ça serait comme ça maintenant. Pas à regret, mais tu n'étais pas entouré autant que lui. Les gens de ta famille se comptaient sur les doigts d'une main et encore... Tu ne voyais plus que ta maman. Tu espères bien sûr qu'elle sera en forme pendant les fêtes mais une personne face à tous les Harrington qui devaient toujours se réunir dans leur grande maison... Ça serait bien ridicule de demander de changer tout ça.

Alonso te rassure aussi sur le fait qu'il veut vivre avec toi là-bas rapidement. Tu le sais, ce n'est pas pour ça que tu pensais que Noël se ferait là où vous vivez actuellement. Il te promet de faire Noël chez vous et pour toi, ça n'a pas trop de sens. C'est bien plus petit... Le faire chez toi ça me va tu sais. Tu ne scelles pas la promesse, à la place tu abaisses sa main doucement. Tu n'es pas triste de tout ça, pour toi, c'est juste comme ça que ça doit se passer et tu te dis que tout se qui concernera ce genre de décisions, avec vos familles d'impliquées, ira dans le même sens parce que c'était plus logique de suivre le plus grand nombre, ceux qui avaient déjà leurs habitudes bien encrées.

Tu n'as pas regardé pour les chats, mais Alonso finit par en trouver un qui lui plait. Tu l'entends dire qu'il aime sa petite boule de poil. Finalement, tu n'es pas le seul à être un peu -beaucoup- gaga de ton animal. C'est très bien, mais je ne pense pas que Chanel serait d'accord pour porter ce petit chapeau de Noël... Tu l'imagines bien n'être pas content du tout et battre de la queue si vous essayez de lui en mettre un.

Jeff... murmure-t-il quand il baisse sa main. Al n'a pas envie d'insister dans le magasin, il préfère payer et sortir, répondant d'un sourire au fait que Chanel ne mettrait pas de bonnet de Noël. Non, c'est sûr et il ne l'obligerait pas à le mettre non plus. Ils sortent au soleil et Alonso est un peu pensif. Ce qui le blesse le plus c'est "le faire chez toi ça me va tu sais". Chez toi... Il se rend compte brutalement à quel point Jeff ne s'est jamais senti chez lui avec lui malgré toutes ses affaires, malgré toute la place qu'il a pu faire et ça le rend triste. Triste pour lui, triste parce qu'il repense à ces jours où il l'a laissé dormir seul en bas, dans une maison qu'il ne considérait pas comme la sienne. Comme ça avait dû être difficile pour lui... Ils marchent main dans la main le long du lac. Profitant du temps, de la beauté des lieux alors que son esprit vagabondait vers des pensées plus obscures. Tous ces mois où il pensait qu'ils vivaient ensemble et où Jeff ne s'était jamais senti chez lui. Ils s'arrêtent sur un banc face au lac au niveau du Shepard Park.

Il garde sa main dans la sienne. Jeff... Tu sais. Ou tu ne sais pas... Je ne sais pas. Chacun à sa famille maintenant pour mes sœurs et mon frère. On se retrouve pour Thanksgiving et peut-être que ça on le fera dans la grande maison. Oui. Mais Noël... Noël c'est plus intime et... mes frères et sœurs le passent avec leurs enfants à eux. Et moi, un an sur deux, je m'incrustais chez Amalia, Pablo ou Lucia pour ne pas le fêter tout seul. Il serre un peu la main de Jeff parce que... il a besoin de le sentir présent. La première année, j'étais à New York encore et je l'ai passé entièrement seul. L'année qui a suivi, je m'étais installé à Redwood j'avais les enfants... Je t'assure que le fêter Noël à trois seulement alors que leur mère était elle entourée de toute sa famille... Heureusement Amalia est venue, elle était toute seule avec Sara elle aussi... A l'époque, elle n'était pas encore avec Antonio. Elle ne l'avait même pas encore rencontré. L'année qui a suivi, on est monté chez Lucia à Montréal, Amalia, Sara et moi. 2021, c'était avec les enfants, chez les parents d'Antonio, Amalia venait de le rencontrer et elle m'avait demandé de venir. C'était si bizarre, sympa mais bizarre. Il y a deux ans, j'étais chez Pablo à Boston, j'étais tout seul et je me suis vraiment senti. Déphasé. L'année dernière, j'avais les enfants... Pour la première fois, on était que tous les trois parce que tout le monde fêtait Noël ailleurs... Puis, on savait que c'était sans doute un des rares Noël qu'on passerait encore ensemble, parce que dans deux ans Juan aurait 19 ans et il aurait peut-être envie de faire ça avec ses amis, ou avec son ou sa petite amie - à l'époque je ne savais pas que les petites amies étaient hors de propos. Bref... C'était un peu triste... Al secoue doucement la tête, il a regardé leurs mains entrelacées une bonne partie de son explication. Tout ça pour te dire que... je n'ai pas vraiment de tradition de Noël. Que je ne veux plus jamais t'entendre dire "chez toi" en parlant de la maison familiale, je sais que ce n'était pas ton intention mais ça m'a blessé. Quand on aura acheté ensemble ça ne sera plus chez moi. Je n'aurai qu'un seul chez moi et ça sera avec toi. Il sait qu'il parle beaucoup et qu'il digresse un peu. Enfin... J'aimerais beaucoup qu'on fasse Noël avec ta maman cette année. Si tu veux qu'on invite dans la nouvelle maison des gens de ma famille on pourra leur demander leurs disponibilités, mais cette année, elle est pour nous. Toi et moi. Et j'ai beau avoir bientôt cinquante ans, j'ai beau avoir des traditions familiales ancrées, ma famille aujourd'hui, demain, c'est toi. Et c'est avec toi que je veux construire ces traditions de famille. Ce n'était pas évident pour Alonso d'en arriver là. Il avait dû décortiquer le fil de sa pensée et ça lui avait demandé beaucoup d'efforts. Mais il était satisfait d'avoir pu dire ce qu'il avait sur le coeur à Jeff et comme souvent, il avait du mal à voir les raccourcis qu'il aurait pu prendre pour lui raconter tout ça en moins de mots.

Tu ne le dis pas parce que tu n'as pas l'impression d'être à ta place, chez Alonso. Mais ça restait chez lui, la demeure familiale des Harrington et tu ne pourrais jamais réellement l'appeler ton chez toi. Tu pourrais le lui dire, si c'est pour lui faire plaisir mais au fond... Non, tu n'es pas chez toi et tu as toujours cette impression que quelques part, le reste de la famille le pense aussi. Avoir votre maison était important en ce sens aussi, tu arrêterais de te considérer comme un invité. Tu vois qu'Alonso veut te parler de tout ça alors vous payez vos achats. C'est dommage, tu voulais en acheter une supplémentaire.

Tu le suis dehors, vous vous installez sur un banc. Ton compagnon ne lâche pas ta main. Alonso fait toujours de longs discours quand il veut s'expliquer et tu lui laisses toujours le temps de s'exprimer. Il t'explique d'abord comment se sont déroulées ses précédentes fêtes, ton cœur se serre quand tu apprends qu'il a été seul. Alonso était un homme sociable, un homme qui avait besoin d'être entouré, surtout par sa famille. Tu l'écoutes jusqu'à la fin et tu viens porter sa main, toujours entrelacée avec la tienne, à tes lèvres pour y déposer un doux baiser. Je pense qu'on a besoin de cette maison. Moi pour m'y sentir légitime. Je sais que tu ne veux pas m'entendre dire que ce n'est pas chez moi où on vit actuellement mais c'est compliqué. Bien sûr que je considère cette maison comme mon foyer, parce que mon foyer, c'est là où je me sens bien de vivre, avec toi. Mais... Il y aura toujours ce petit blocage, je ne pourrai pas m'en défaire. Tu secoues la tête doucement vers la fin de ton explication. Il y a des choses qui ne s'expliquaient jamais vraiment et ça devait en faire parti.

Tu lâches sa main, mais tu souris. Attends moi ici un instant, j'ai oublié quelque chose. Tu retournes rapidement dans la magasin, ça doit te prendre à peine quelques minutes parce que tu sais exactement ce que tu veux prendre et où se trouve la petite décoration. Tu reviens ensuite, elle a été emballée dans du papier craft pour le transport, comme les autres, alors Alonso ne peut pas la voir. Tu lui donnes ce que tu viens d'acheter. Je l'avais vu avant que tu nous demandes de sortir... Voilà, on pourra la mettre sur notre sapin, dans la maison. C'est un nouvel ornement de noël, mais il est...en forme de maison justement. Si tu mettais ce qui comptait pour vous sur ce sapin, alors cette maison avait clairement sa place.

Alonso comprend, il comprend et il acquiesse. Ça lui fait parfois la même chose même s'il y habite depuis plus de cinq ans maintenant. Il attend tranquillement sur son banc alors que Jeff est reparti. Il ne voit pas où il part mais il n'est pas inquiet. Il reviendra. Pendant qu'il est parti Alonso pose ses avant-bras sur ses genoux et soupire. Ce n'est pas évident tout ça. Il voudrait écrire parfois tout ce qu'il a sur le cœur, où il en est, comment il se sent vis-à-vis de Jeff, de Daniel, de sa vie à lui. Comment il a vécu, les moments où il s'est senti le plus seul, les moments où il a été le plus heureux. Il sait qu'il n'aura jamais assez de temps sans doute avec Jeff pour tout ça. Mais son compagnon avait-il besoin d'autant de détails pour le comprendre ? Il pourrait le dessiner, le parcours d'Alonso. Il imagine un petit motion design avec son personnage qui traverse les bulles, les histoires, qui s'arrête parfois dans ces dernières puis qui repart. Elle commencerait avec leur dernière étreinte et terminerait avec la nouvelle étreinte au retour de l'hôpital. Ça ferait un gros livre alors il ne pourrait pas tout mettre mais, ça lui permettrait aussi de poser les choses. Mais ce serait un beau projet pour Jeff. Pas à publier, juste pour Jeff avec les grands instants qui ont marqué sa vie. Il voudrait aussi en faire un pour lui. Qu'il puisse lui expliquer comment tout s'est déroulé et qu'ils puissent commencer et terminer de manière identique. Peut-être, que s'il avait assez d'information un jour, il pourrait les fusionner, voir ce qu'ils avaient fait en parallèle d'années en années, les années fastes, les années noires... Ça lui plairait à lui, mais Jeff n'aimait pas fouiller dans le passé alors peut-être que ça serait plus difficile pour lui.

Jeff revient et Alonso lève les yeux vers lui. Il prend ce que Jeff lui tend et il ouvre le papier craft. Une maison, une belle maison enneigée avec un porche comme ils l'auraient. Merci Jeff. énonce-t-il simplement. Il suspend la maison sur le bout de son doigt et sourit. Notre premier achat de maison ce sera celle-là alors. s'amuse-t-il à dire. Un peu petite pour y vivre... songe-t-il à voix haute. Il s'imagine la suite dans sa tête pour que Jeff ne le croit pas définitivement fou. C'est un beau souvenir, je serai ravi de le mettre dans notre sapin, dans notre maison. Il l'embrasse doucement sur la joue et regarde de nouveau la petite maison avant de la ranger précieusement dans le craft.

On fait quelques boutiques et on se balade jusqu'au fort, ça te va ? Ou on peut prendre un petit thé si tu préfères, comme tu souhaites. Il faut juste qu'on soit dans la voiture à 15h45. Ils ont encore un peu de temps devant eux, pas assez pour faire une longue visite, mais assez pour se promener et respirer l'air pur du lac. Ils voient passer plusieurs personnes pendant qu'ils sont sur leur banc dont une fillette qui semble aller à une fête d'anniversaire et qui presse son père. Il pense forcement à Barbara, la fille de Jeff, il vient poser sa tête contre la sienne. On terminera ton album photo quand on rentrera ? demande doucement Alonso même si au moment où il le dit, il se rend compte que ce n'est peut-être pas du tout le moment approprié pour lui demander ça.

Tu sais que tu as du mal à t'exprimer. Ça te met souvent dans des situations délicates, Alonso le sait aussi mais c'est parfois difficile de te faire comprendre. Là, tu ne veux pas dire que tu ne te sens pas chez toi, où tu vis actuellement...Juste, c'est surement bien plus simple pour ton compagnon de voir cette maison comme la votre que ça ne l'est pour toi. Mais ton foyer, c'était surtout où tu vivais avec lui. Tu songes à cette phrase en étant dans le magasin. C'est peut être ça que tu aurais du dire.

Mais tu sais mieux t'exprimer avec des actes. Du moins, tu te plais à le croire. Tu reviens avec petite maison que l'on peut accrocher à un sapin. Oui... Un peu petit, pas la place pour toutes mes vêtements ! Tu réponds en plaisantant. Tu es content que la symbolique lui plaise. Alonso repensera à ce moment quand il sera tant de l'accrocher à une branche. Un petit thé ça me va. Avec des scones, j'adore ça. De la bonne confiture à mettre dessus, une note sucrée en milieu d'après midi que tu pourrais accueillir avec plaisir. Alonso te parle de ton album, tu es moins sûr là dessus. Parfois tu en as envie et d'autres fois, tu te dis que ça sera peut être trop douloureux. On verra si on a le temps. Tu réponds simplement. Entre la maison, le boulot d'Alonso et le fait que tu veuilles reprendre les shows, peut être que tu aurais cette excuse si tu ne le sens pas. Vous vous promenez à nouveau. Pour le thé, vous vous arrêtez au CoffeeVero qui se trouve un peu plus haut dans la rue. Sur la carte, ils indiquent servir des thés gourmets alors c'est parfait. Il y a aussi un grand choix de café et ceux avec les décorations qu'on voit partout sur les réseaux sociaux. C'est assez simple et rustique à l'intérieur mais ça fera largement l'affaire. Tu commandes un thé Chai et des scones, parce qu'ils en ont. Tu es ravi. Un assortiment de plusieurs pour pouvoir gouter. Tu me donnes des indices sur la suite ? Laisse moi deviner... On va voir un combat de chiens ! Tu es certain que ce n'était pas ça. Déjà parce que c'est illégal et ensuite parce que tu ne voudrais pas voir ça, pas du tout, et Alonso non plus tu penses bien. Comme ça j'aurai des idées pour entrainer Chacha.

La réplique de Jeff sur ses vêtements le fait rire. Il faudrait vraiment de tous petits vêtements. Il aime quand ils partagent cet humour absurde qui ne passe pourtant pas avec tout le monde. Cet humour qu'ils partageaient déjà au lycée quand ils partaient dans des débats sur tout et n'importe quoi. Ça commençait par un "Et si..." et ça finissait toujours par des montagnes d'imagination. Parfois c'était philosophique : "Et si les êtres humains faisaient la taille de fourmis, est-ce qu'il y aurait toujours un problème de surpopulation ?", parfois c'était pour vivre autre chose "Et si on vivait au moyen-âge, qu'est-ce que tu aurais aimé faire comme métier ?" Alonso essayait toujours de trouver des réponses profondes, prenant en compte plusieurs données. Déjà pour le dernier exemple le fait que ses parents n'auraient jamais pu se rencontrer car un océan les séparaient, Jeff répondait avec son cœur et ça enchantait Alonso déjà à l'époque. Ils avaient vieilli, aujourd'hui, mais pas tant que ça.

C'est parti pour un petit thé alors ! Il lui parle de son album. Jeff répond s'il ne sait pas s'il aura le temps. Alonso passe une main sur sa cuisse. Ce n'est pas quand on aura le temps, Jeff, c'est quand tu voudras, quand tu auras envie de nouveau. Tu n'as pas besoin de me donner des excuses pour repousser ce moment. Il lui avait déjà dit la première fois, qu'ils avaient simplement oublié. Alonso n'était pas dupe et il voulait que Jeff le sache, mais il n'y avait pas d'urgence. Il paraissait cependant important pour Al que son compagnon sache qu'il y pensait toujours et qu'il était toujours disponible pour l'ouvrir avec lui comme ils l'avaient fait.

Ils se dirigent vers le Caffè Vero, qui semble être une institution ici vu les goodies de tasses, de casquettes qui sont aussi vendues dans le magasin. Alonso prend un grand café latte. Il y a même un dessin d'une fleur dans la mousse de lait. L'endroit est rustique mais la qualité semble là. Alonso ne commande pas à manger mais Jeff lui semble s'être fait plaisir. Inconsciemment, le voir manger rend Alonso heureux. C'est devenu presque un automatisme. Vraiment des combats de chiens ? Pauvre Cha-Cha si elle t'entendait ! s'amuse Alonso. Un indice ? Hum... Il réfléchit, il ne veut pas donner de solution trop facilement. Hum... disons que c'est une activité clichée comme tu aimes. sourit Alonso en buvant une gorgée de son latte. Forcément, ça lui fait une petite moustache de lait.

Alonso te dit que tu peux décider de le faire ou non mais... Il est toujours à te le rappeler. Tu as l'impression parfois qu'il va finir par te mettre l'album sous le nez. Tu n'as pas envie d'y penser pour le moment... Et puis, c'était contradictoire. Alonso semblait avoir du mal avec Daniel et il demandait à ce que tu te concentres sur lui. Tu n'arrivais pas toujours à le comprendre et comme souvent, tu n'osais pas juste lui dire, par peur de le vexer. Tu préfères ne pas surenchérir. Vous entrez dans le café, vous commandez et ça arrive assez vite.

La conversation redevient plus amusante, imaginer Chacha en chien de combat est assez drôle. La pauvre. Elle pourrait se faufiler entre les pattes de ses adversaires cela dit. Tu bois de ton thé en réfléchissant à son indice. Hmmmm... On est près d'un lac mais on a déjà fait la croisière alors qu'est ce qui pourrait être cliché. Tu souris en voyant sa petite moustache de lait, qui se voit bien puisque sa vraie moustache est noire. Je sais ! Une séance de peinture en couple des arbres avec leurs feuilles qui tombent. Pour rappeler ton côté artiste et c'est plutôt cliché je trouve. Tu n'avais pas mieux de toute façon. Tu aimerais bien faire ce genre d'activité avec Alonso, même si tu n'es pas bon en peinture, en dessin et tout ce qui s'en rapproche. Tu manges un peu. Alors je me rapproche ? Tu sais que ça ne sera pas ça, mais est ce que tu commençais à avoir une idée ?

Il sent Jeff rétif mais il ne dit rien. Il se dit qu'il devrait peut-être ne pas en parler mais il s'était déjà abstenu tout la semaine. S'il y avait une chose qu'Alonso ne supportait pas c'était de commencer quelque chose sans le finir. Il tournait en rond jusqu'à aller au bout des choses. Bien sûr la vie n'était pas comme ça. Le nombre de fois où il avait dû commencer sans jamais finir, vivre de frustrations, il ne les comptait plus, tout le monde devait vivre avec des frustrations, c'était ça être adulte aussi. Alors, il devrait prendre sur lui. Jeff ne lui rabâchait pas ses histoires passées, enfin, non, il ne lui demandait jamais rien d'ailleurs. Il ne se posait jamais la question, il ne forçait tellement pas la discussion que parfois, Alonso avait l'impression parfois que ça ne comptait pas vraiment ou qu'il oubliait. Peut-être qu'il oubliait pour de vrai. Après tout, Al ne lui en voulait pas. Peut-être était-ce mieux comme ça. Ça lui permettait de conserver son jardin secret.

Ils vont dans le café et Jeff se détend avec ses scones et son thé Chaï. Il ne sait pas si l'activité prévue allait plaire à Jeff. Il part dans une direction totalement imprévue. Al s'interroge, vraiment ? Il aimerait peindre avec lui ? Je garde cette idée pour la prochaine sortie. Mais non. Ce n'est pas quelque chose que je fais habituellement, toi non plus d'ailleurs. Il se dit qu'il commence à donner trop d'indices et puis son inquiétude commence à monter parce qu'une petite voix lui dit que si Jeff ne trouve pas, c'est qu'il n'aime pas ça. Alors, il s'inquiète. D'un autre côté, Jeff a proposé du combat de chien. Non, cette idée là, il ne la retiendrait pas. Il soupire. Tu verras bien. J'espère juste que ça te plaira. ajoute Al avec un sourire. Il tourne la tête vers la rue pour regarder passer les gens. C'était étrange d'organiser un week-end pour quelqu'un, cela faisait des années qu'il ne l'avait pas fait. De nouveau, il pense à Sonia, il pense beaucoup à elle aujourd'hui, sans doute parce que cette journée lui en rappelle des dizaines avec elle et les enfants, mais il garde ces informations pour lui. Il se perd un peu dans ses pensées. Son téléphone vibre, il ne vibre que pour certains contacts alors il regarde. Sonia, à croire qu'elle avait  des dons de voyance, elle lui envoie des informations sur le début de l'année de Miguel, apparemment c'est un peu compliqué pour son fils cadet, les notes sont moins satisfaisantes que les autres années et ça l'inquiète. Alonso sourit au téléphone parce qu'il reçoit un message de Miguel en parallèle qui lui dit que sa mère va peut-être lui envoyer un message pour lui dire que les cours ça ne va pas, mais que ça va, que ce n'est pas si catastrophique qu'elle le dit... Ça sentait la crise à la maison. Il range son téléphone sans répondre. Il se dit que répondre ne ferait qu'envenimer la situation. Il répondrait tout à l'heure. Il avait épuisé son ticket journalier d'histoires sur Sonia et ses enfants alors il ne dit rien. Si Jeff avait envie de savoir, il demanderait, et Al savait que Jeff ne demandait jamais. Parce que Jeff ne demandait jamais grand chose, sans doute avait-il peur de le vexer. Pourtant Alonso se sentait de plus en plus ouvert avec Jeff, peut-être lui ne s'en rendait pas compte mais il était bien plus disposé à lui parler de lui qu'avant.