Pour le coup, je m'étais montré plus ou moins flemmard - plus ou moins mon état naturel. Je savais depuis quelques jours qu'il y aurait cet événement auquel participeraient mes ouailles favorites de la troupe de théâtre, et malgré tout, je n'avais ouvert le placard qu'en début d'après-midi pour concocter une tenue pour l'occasion. Complet immaculé, chapeau agencé, binocles sans verre pourtant, j'étais même allé jusqu'à inonder la baignoire d'une de ces teintures de pharmacie pour roussir ma crinière - l'horreur, right ? - Je sifflotais joyeusement The Bitch is back au volant jusqu'aux abords de la ville, impressionné du nombre de volontaires pour cette soirée horrifique. Très bien. Je n'avais pas de plan - il ne m'arrivait pas souvent d'en avoir avant de les mettre à exécution -, pas même prévu de rejoindre qui que ce soit en fait. J'allais profiter du spectacle et vérifier si les élèves avaient bien appris du maître. Ma gourmandise légendaire se voyait reléguée au second plan derrière l'appréhension de ce qui se trouvait sans aucun doute parmi l'inquiétant buffet, de quoi me pousser à m'aventurer rapidement à l'étage. La bibliothèque offrait une vue sur un grand piano - oh douce ironie ! Malgré l'aplomb habituel, il y avait certainement quelque chose d'un peu sinistre à voir les touches s'enfoncer d'elles-mêmes dans cet éclairage tamisé et cette pièce encore vide. J'allais poser mes fesses sur le banc, ma décoration de canne contre l'instrument en bois, et m'amusait à feindre être celui qui y jouait sans toucher les touches. Tout à coup, la lumière s'éteignait et je sursautais en laissant mes mains s'écrasant brusquement sur les touches. Oupsie. Malin, très malin. Mais ce n'était même pas un de mes acteurs en herbe qui s'était amusé à m'effrayer ; il n'y avait qu'un visage de marbre qui me fixait sur la gauche. C'était encore bien pire d'être seul dans ce genre d'endroit où l'on avait malgré soi les nerfs prêts à céder. Aahh... Je regrettais finalement le buffet.

Elle cherchait dans la petite foule attroupée en dehors de la maison une trace de Matthew. Cherchant une occasion pour le voir, elle avait choisi cette soirée d’Halloween. Cette fête n’évoquait en elle que de rares souvenirs de petite fille ou de sa vie actuelle, toute son adolescence et le début de sa vie d’adulte au Libéria s’était passée de cette ambiance païenne. Cependant, depuis qu’elle était arrivée à Redwood, elle avait eu doucement le temps de se prendre au jeu et d’apprécier la création de ces costumes. Surtout avec ses neveux et nièces. C’étaient eux qui avaient choisi son costume de cette année en feuilletant dans les magazines de costumes. Ce choix avait été fait bien avant le retour de Matthew dans sa vie. Elle avait mis une robe noire assez courte serrée à la taille par un corset, des collants noirs transparents et des bottines. Sous ses cheveux lissés, décorés de fleurs sombres et de quelques tresses, apparaissent deux petites oreilles en pointes, ce soir, Louise était une elfe noire. Seuls ses yeux étaient légèrement maquillés, cependant il était rare de voir la jeune femme aussi sophistiquement grimée. Elle était belle à sa manière, sans être vulgaire, ni vraiment sexy, en tout cas pas volontairement. Elle se dit que ces habits la rendraient plus forte pour rentrer dans la maison. Elle aperçut enfin l’homme qu’elle cherchait et timidement lui fit un signe. « Salut Matt ! Tu vas bien ? » Elle tenta une légère accolade. Leur relation s’était irrémédiablement refroidie depuis qu’ils s’étaient revus après des mois de silence et Louise espérait qu’ils retrouvent un peu de leur complicité ce soir. « On y va ? J’ai très envie de voir la bibliothèque, il parait qu'il y a des livres très anciens… » Elle essayait de ne pas voir le regard perdu des gens qui sortaient de l’endroit. Allez, Matthew était là, il ne pouvait rien lui arriver, si ? Ils pénétrèrent dans le Hall et tout à coup un vent glacial la saisit et elle se rapprocha un peu plus de Matthew. « On reste ensemble, hein ? » demanda-t-elle timidement.    

@Matthew Herlin