Ah ? Tu l'avais vexé pour l'appartement ? Tu ne le prends pas mal, c'est vrai que tu étais plutôt exigeant. Mais c'était très bien, peu habituel comme arrangement mais la vue rendait le tout magnifique. Le partager avec Alonso aussi.

C'est pour ça que tu commences à te confier. Mais tu ne comprends pas ce qu'il te dit. C'est vrai que Daniel avait énormément compté et que lorsque tu étais avec lui, tu ne pensais plus à Alonso. Pas comme avant en tout cas. Mais même Daniel avait eu le droit à cette remarque au début de votre relation et quand il te vexait ou se trompait sur quelque chose à votre sujet, c'était devenu comme un jeu pour vous, il disait de lui même qu'il n'était pas Alonso, alors il s'était trompé. Ça te faisait rire, ça te rendait un peu nostalgique. Et si Alonso avait débarqué un jour, tu n'aurais pas quitté Daniel pour autant. Mais Alonso était toujours resté quelque part dans ton cœur, comme l'homme le plus précieux que tu aies eu la chance de connaître. Bien sûr que tu l'es. Tu réponds, peut être un peu sèchement, parce que tu ne comprends pas sa logique et tu n'aimes pas qu'il en doute. Tu pousses un long soupire, avec Alonso qui te demande comment c'était avec Daniel. Mais tu n'as plus envie d'en parler. Tu restes sur ce qu'il t'a dit juste avant et ça te chiffonne. Je ne comprends pas. Ta photo était avec nous dans la maison. Tout les jours, je te disais bonjour et tout les jours, Daniel te disait bonjour. Il respectait le fait que je ne puisse pas t'oublier. Tu-... Tu sens l'émotion monter, les larmes monter aussi. Tu déglutis, c'est difficile de parler de tout ça maintenant. Parce que Daniel est mort et que tu trouves que c'est injuste qu'il soit mort. Tes émotions se bousculent, ta tristesse, ton incompréhension, ta colère aussi. Nos chemins s'étaient séparés et je l'avais accepté, parce que revenir et ne pas t'offrir la vie que tu voulais ? C'était égoïste, même trop égoïste pour moi. Mais ce n'est pas parce qu'on choisit un autre chemin qu'on aime moins la personne du premier chemin, c'est idiot ce que je dis et je le sais, mais je ne sais pas comment le dire autrement. Tes larmes sont au bord de tes yeux. Tu vas affronter la maison dans laquelle tu as été heureux, mais aussi dans laquelle tu as appris sa mort et Alonso... Alonso pense que tu lui as menti ? Ce n'est pas juste. Tu trouves que ce n'est pas juste pour toi. Tu es en colère. Tu te lèves d'un coup du lit, tu marches puis tu reviens en arrière mais rien ne sort quand tu veux lui parler alors tu marches à nouveau dans l'autre sens. Tu vois la télécommande de la télévision posée sur le petit bureau jusqu'à côté de l'entrée alors tu vas la chercher et tu la brandis devant toi. Tu vois, si ça c'est une baguette magique et bien je ne lui demanderai pas de revenir en arrière, je sais pas, une heure, un jour avant son accident pour le prévenir, pour le sauver. Peut être qu'à un moment, je l'aurai secouée-... Tu secoues littéralement la télécommande comme si c'était une vraie baguette magique. ...-Mais plus maintenant. Je regrette de tout mon cœur qu'il soit...m-...m-....m-... non, tu ne peux pas le dire à voix haute, pas ce mot en tout cas. ...-Mais pour autant, je ne changerai jamais rien de ma vie si pour être certain qu'au final, on se retrouve bien dans ce centre commercial. C'est pas juste ce que tu me dis Alonso, c'est vraiment pas juste... Tu finis par laisser retomber ton bras, tu trembles légèrement, tes larmes coulent depuis que tu t'es levé. Peut être que tu n'aurais pas du parler de Daniel finalement, il était bien mieux tapis dans ton cœur apparemment.

Alonso fronce le regard quand il lui répond si sèchement. Il ne comprend pas. Il ne comprend plus. Cela fait un moment qu’il ne comprend plus ce qu’il se passe. Sa photo dans la maison avec Daniel ? Il se redresse sur le lit et écoute Jeff, il essaie de l’écouter. Il essaie de comprendre. Mais il n’y arrive pas, il sait qu’il n’y arrive pas parce qu’il ne raisonne pas comme il devrait. Il le sent qu’il est dans l’erreur. Ou en tout cas que Jeff pense qu’il est dans l’erreur. D’où Jeff pensait qu’il l’avait quitté uniquement parce qu’il ne pouvait pas lui offrir la vie qu’il voulait ? Non, Jeff l’avait quitté bien avant ça, ils s’étaient quittés tous les deux bien avant ça, en allant voir ailleurs, en se perdant l’un et l’autre dans la solitude. Combien de fois s’était-il retrouvé seul, abandonné ? Il devait être bien content qu’Al le quitte à l’époque… tout se mélange dans son esprit. Il ne pense pas de manière si sombre habituellement. Il sent qu’il déforme la réalité à son avantage et la colère de Jeff n’arrange rien. Au contraire. Il voit les allers et retours de Jeff qui finit par prendre la télécommande.

Les mots que Jeff prononce, il ne les comprend pas, il voit ses larmes mais il ne les comprend pas, depuis combien de temps, il ne les comprend plus ? Mais… Jeff… Tu as voulu mourir cet été, tu as voulu mourir en ne t’alimentant plus et je n'ai pas réussi à t'aider… Et par-dessus ça, c’est l’appel de ton ex qui t’a sauvé, pas moi, pas moi, non, Lui. Parce que tu t'es senti trop faible pour aider Piotr alors tu as demandé à appeler le médecin… Mais pour moi, pour moi tu n'étais pas prêt à le faire. A quel moment tu veux continuer t’infliger ça ? A quel moment, tu veux rester avec moi, ne pas utiliser une baguette magique qui te rendrait heureux, quand je… Quand je suis incapable de t’aider ou à juste te donner envie de vivre, Jeff ! Simplement, de manger, de t’alimenter ! Les larmes montent aussi aux yeux d’Alonso. Toutes ces émotions qu’il refoule depuis des semaines. Je ne suis pas à la hauteur, tu le sais, tu t’en es rendu compte à tel point que quand je t’ai demandé de me faire confiance, tu as préféré appeler ton ex-toxique plutôt que de me faire confiance. Et tu sais quoi ? Sans doute que tu as eu raison. On ne saura jamais, parce que tu ne m'as pas donné ma chance. Alors... Oui, ça me rend heureux de savoir que tu as trouvé un jour quelqu’un qui lui était digne de confiance, qui lui répondait à tes besoins et lui savait te rendre heureux… Ce que je n'ai visiblement jamais pu faire. Sa poitrine se soulève dans le stress. Parce que moi, j’ai cru savoir t'aider… Mais en fait, j’étais en train de te détruire… Il essuie une larme qui coule sur sa joue. Il s’est mis debout mais il reste à distance de Jeff parce qu’il se sent triste et en colère.

Et oui, ce n’est pas juste, oui, je suis injuste de ramener ça à moi plutôt que de t’accompagner dans ton deuil. Oui, pour une fois je suis injuste Jeff, parce que j’ai le droit moi aussi d’avoir peur, d’avoir mal, j’ai le droit d’avoir l’impression que quoi que je fasse, je ne serai jamais suffisant pour que tu sois enfin heureux avec moi. Mais en réalité, je ne sais même pas choisir un putain d’appartement pour te satisfaire. Alors, tu sais, moi si j’avais cette télécommande dans les mains, si cette télécommande avait vraiment le pouvoir de te rendre heureux… Même si c’est loin de moi, même si j’avais continué ma stupide vie tout seul et que je n’aurais pas su ce que tu étais devenu… Moi, j’appuierais dessus sans hésiter, Jeff. Parce que je ne veux pas que tu vives tout ça. Je ne veux pas que tu sois blessé, brisé, je ne veux plus avoir cette peur que tu finisses vraiment par te tuer par ma faute, parce que je ne veux pas me dire que c’est arrivé alors que j’étais là, dans le même lit que toi pendant des semaines et que je t’ai laissé faire… Il s'est énervé mais la pression redescend. Sa voix également. Il se rassoit sur le lit. Il se sent vidé de son énergie. Je suis sincèrement désolé que tu n’aies pas pu vivre cette aventure jusqu’au bout avec cet homme, je suis désolé que la vie t’a privé de cette histoire. Je me dis qu’au contraire, il aurait bien mieux réussi à te rendre heureux que moi. J’ai tout gâché, cet été, et je ne te donne même pas envie de vivre, même pas envie de me faire confiance, alors à quoi bon vivre cette relation… A quoi bon ne pas vouloir secouer cette baguette si ça te permettait de me faire disparaitre moi, pour le faire apparaitre lui ? Si c’est à cause d’une photo, d’un souvenir… Ça ne vaut pas le coup. La colère passe et se remplace par une vague de tristesse. Comme souvent chez Al, la colère n’est qu’une prémices du mal être. C'est douloureux et en même temps tellement libérateur de pouvoir sortir ces mots, quoiqu'ils produisent comme effet. Si Jeff veut lui demander de partir, de rentrer à Redwood… Il le fera. Il avait déjà trop de souffrance interne pour pouvoir l'aider, plus de ressources internes pour être là.

Il a mal à la tête. Il va prendre une aspirine dans sa sacoche et va prendre un verre d’eau dans cette cuisine que Jeff déteste. Disparaître. Il en a envie parfois depuis ces quelques dernières semaines. Disparaître. Jeff serait plus heureux sans lui. Ce n’était pas juste mais la réalité n’était jamais très belle. Lui aussi, regrettait de tout son cœur que Daniel soit mort, parce que Jeff aurait été heureux… Malheureusement, c’est juste une télécommande, pas une baguette magique, et tu es coincé avec moi et j’en suis désolé, Jeff… Il reste dans la partie cuisine les mains sur le plan de travail, sans oser refranchir le seuil qui le faisait passer dans la chambre.

Plus la conversation avance et moins tu comprends ce qui se passe. Tu sais que tu es maladroit quand tu t'exprimes mais à ce point ? Tu as l'impression que ça ne servira à rien, que quoi que tu dises, Alonso s'en servira contre toi. Ça allait être ça maintenant, votre relation ? A la moindre erreur, il allait te faire tous les autres reproches ? Il allait parler de tout ce que tu avais déjà fait de mal ? C'est trop pour toi. Tu ne pourras pas vivre dans une constante culpabilité de n'être qu'un tas d'erreurs. Alonso t'énumère toutes ces fois où tu n'as pas été à la hauteur, c'est vrai, elles ont existé. Mais est ce qu'il se souvient encore de ce que tu as fait de bien ? Tu ne sais pas. Peut être que ce que tu apportes de positif n'est plus qu'une goutte face à un océan de problèmes que tu engendres à côté.

Tu restes debout. Tu ne sais pas quoi faire. Tes jambes te portent, tu ne te sens pas faiblir. Mais tu ne sais pas quoi dire, pas comment agir. Si tu parles, tu as peur. Peur qu'il se serve de ce que tu vas lui dire pour créer de nouveaux reproches parce que tout ce que tu peux dire sert à ça. C'était sans doute trop. Tu es sans doute trop et c'est sa manière de te le faire comprendre. C'est comme ça que tu le vois. Alonso s'est promis de s'occuper de toi mais il y a un gouffre énorme entre ce qu'on pense qu'on pourrait faire et ce qu'on peut faire en réalité. C'est de ta faute, tu es toujours une charge pour les autres, pas un appui. Tu l'as été pour Daniel, tu aimerais lui dire que tu as fait des crises avec lui, que tu as arrêté de manger avec lui... Qu'il a fait les mêmes erreurs qu'Alonso, qu'il a voulu te laisser gérer d'abord, pour éviter que tu te sentes étouffé, obligé, que tu crois qu'il ne te considérait pas comme un adulte capable de prendre ses décisions. Mais à quoi bon ? Si tu le fais, Alonso s'en servira contre toi. Tu l'aimes, tu l'aimes tellement mais aimer ne suffit pas parfois. Tu ne veux pas lui dire que ce n'est pas lui le problème parce qu'il n'écoutera pas. Tu détruits toujours ceux à qui tu tiens, c'est comme ça, c'est ta malédiction. Ils n'y a que ceux qui s'en fichent de toi qui peuvent t'accepter. Tu vas reposer la télécommande sur le petit bureau. Encore une fois, ce que tu as voulu dire n'a fait que tout empirer. Et tu ne peux pas lui dire que tu te sens mal parce qu'il va te dire que c'est de sa faute. Tu ne peux rien dire, tu as peur de le dire. Tu aimerais tellement avoir été celui renversé par cette voiture, à cet instant. Alonso veut toujours que tu te battes, mais tu n'es pas un battant. Tu ne peux pas passer ta vie à lui prouver à quel point tu l'aimes et tu as l'impression que c'est ce que tu devras faire, que tes erreurs seront toujours plus importantes que ce que tu feras pour lui. Et tu ne peux rien lui dire, si tu parles, tu vas tout empirer encore. Peut être que tu devrais arrêter de parler. Ne dire que des banalités. Surement que ça ne suffirait toujours pas. Tu voudrais lui dire, lui dire que ce n'est pas possible pour toi de te battre constamment pour lui. Mais tu sais que tu ne peux pas. Je n'irai plus mal. Tu sais que c'est impossible, mais tu peux faire en sorte qu'il ne le sache pas. Si c'est le seul moyen pour qu'il comprenne à quel point tu l'aimes. Tu ne montreras plus rien, plus de peurs, plus d'angoisses. Tu feras comme il te dit, tu t'en fiches. Ce n'est pas à toi d'être désolé. Je-... Tu savais que tu étais trop pour lui, tu le savais. Pourquoi tu as voulu y croire ? Pourquoi tu t'y accroches encore ? Tu t'essuies les yeux rapidement avec ton bras. Tu n'es pas crédible si des larmes coulent sur ton visage. Non, désolé, je ne dirai plus rien. Tu ne sais pas t'exprimer, quoi que tu dises, tu le dis mal. Ce n'est pas de sa faute si tu as failli mourir, si tu étais si mal. C'est ce que tu devrais lui dire mais rien ne sort parce que tu es tétanisé par la peur de mal le dire, à nouveau.

Jeff lui répond et sur le moment, il voudrait qu'il ne le fasse pas. Il voudrait arrêter là, la dispute, aller marcher, sortir, aller voir ce panneau Hollywood qui était tout en haut de la colline.

Alonso ferme les yeux. Faut-il dans cette relation que l'un s'oublie pour que l'autre soit heureux ? Non... Non... Bien sûr que non... Il prend le temps de réfléchir à tout ce qui s'est dit. Si Daniel n'était pas décédé, je serai surement toujours avec lui et toi... eh bien peut être que tu serais tout aussi heureux mais pas avec moi. Pensait-il qu'il aurait été tout aussi heureux s'il ne l'avait pas revu ? ... Il savait au fond que ce n'était pas ça qu'il voulait dire. Ce qu'il voulait dire c'était... quelque chose comme... - il avait du mal à le formuler dans sa tête - toi aussi tu aurais fini par trouver quelqu'un après Sonia si je n'avais pas été là. Ton bonheur ne dépend pas de moi. Tu l'aurais trouvé ailleurs. Le fait est qu'il avait trouvé Sonia, mais il savaient tous les deux que ce bonheur s'était éteint. Peut-être que celui de Daniel et Jeff aussi se serait éteint. Essoufflé. Il était décédé, pauvre Daniel, ça ne servait à rien de refaire le film, tué par maladresse, inattention ou inconscience... sans doute pas volontairement, quoique l'être humain pouvait être pervers... Aucun mot ne pouvait décrire ça. Une part de la tristesse qu'Alonso ressentait était dirigée vers Jeff, il relève enfin les yeux vers Jeff qui a posé la télécommande  et qui doit se demander pourquoi Al ne repond pas.

Il aurait eu besoin de sortir, d'aller marcher, de se retrouver et de ne plus penser au fait que Jeff avait vécu quelque chose d'aussi affreux, quelque chose qui peut-être continuait de créer des dépressions, continuait de créer des troubles, continuait de faire en sorte qu'il veuille lui aussi disparaître. Il ne savait pas ce qu'il pouvait dire pour rattrapper ses mots. Des mots qu'il n'aurait jamais du prononcer, ces mots qu'il portait et qu'il gardait en lui À quoi bon continuer tous les deux, si je te donne envie de te tuer... il sait au fond de lui qu'il n'aurait jamais dû dire ça. Il sait que c'est faux, qu'il ne donne pas vraiment à Jeff envie de mourir, c'est une matérialisation de son esprit, une peur ancrée que Jeff se tue et de sa propre culpabilité de ne pas avoir pu l'aider. Et si Daniel n'était pas mort, il n'y aurait pas eu de Spencer, pas de Russell, mais pas d'Alonso, et peut-être... peut-être plus d'Alonso du tout d'ailleurs, mort avec sa crise cardiaque, chez lui, à moins de cinquante ans. Ses enfants, ses amis et sa famille auraient tristes, mais pas Jeff, puisqu'il n'aurait pas su, puisqu'il aurait été heureux avec Daniel et puis... fin de l'histoire. Une vie pour une vie.

C'était quoi le film déjà ? L'effet papillon ? Il se souvient avoir longtemps été travaillé par ce film. Et si, et si la vie avait été légèrement différente. Et s'il n'avait pas fait l'option théâtre comme lui demandait son père et s'il n'était pas allé rejoindre Jeff à New-York et s'il n'était pas parti faire le tour du monde et s'il était resté vivre avec Flora... Toutes ces questions qui ne trouveraient jamais de réponses parce que ce n'était pas sa vie. Parce que ce n'était pas les choix qu'il avait fait. Il était revenu de Colombie et il avait épousé la femme qu'il avait mise enceinte, il lui avait même fait un second enfant et il l'avait aimée. Vraiment aimée. Vivre, avancer, réaliser ses rêves et les voir exploser devant ses yeux...

Je suis désolé Jeff... Il prend deux grandes inspirations et lentes expirations avant de continuer. Les mots sont bloqués dans sa gorge. Tu peux venir jusqu'à moi, s'il te plait ? Il n'arrive pas réagir comme il le souhaite. Il n'arrive pas à bouger, pas à aller vers lui. Il a peur d'être repoussé s'il prend cette initiative. Il prend le temps de réfléchir de nouveau, le temps que Jeff arrive. Tout se fait dans les silences. Ils sont terrifiants, même pour lui. Il tourne la tête vers Jeff. Je ne veux pas... Je ne veux pas que tu te taises, Jeff, au contraire. Je veux que tu me parles, que tu me dises quand tu vas mal... Il se tourne vers lui et le prend dans ses bras, l'enlace et pose sa tête contre lui. Je suis désolé, Jeff, pour Daniel, je suis désolé pour la peine que tu as ressenti. Que tu ressens encore et que tu as le droit de ressentir. Et... Il laisse une pause, courte cette fois. Je suis désolé pour les mots que j'ai prononcés, j'ai juste peur que tu me quittes depuis l'épisode avec Russell et je me sens perdu... Ça y est, il l'a dit, il a prononcé son nom, il l'a dit la tête dans son épaule pour que Jeff ne puisse pas le voir.

Tu ne sais plus quoi penser. Il est désolé, tu es désolé. Pourtant, il vient de te dire tout ce qui n'allait pas. C'est beaucoup, beaucoup pour toi mais au fond, tu sais que tu feras tout pour qu'il ne te laisse pas. Tu te repasses ce qu'il t'a dit. Tu tentes de comprendre. Qu'est ce que tu as fait du mal exactement. C'est épuisant, épuisant de devoir toujours demander pardon, de n'être jamais assez bien pour les autres mais c'est comme ça. Tu lui diras que tu n'étais pas parfait pour Daniel, que tu as fait des crises avec lui aussi. C'est important qu'il le sache. Ou peut être que ça le mettra encore plus en colère. Tu ne sais plus. Tu es complètement perdu et si tu dois faire une crise d'angoisse à chaque fois que tu dois lui parler alors il vaut peut être mieux que tu ne parles plus. Juste les choses courantes. Ce n'est pas grave si tu ne peux pas exprimer le reste. Tu es comme ça, tu te donnes toujours aux autres. Tu ne sais pas tenir tête, tu ne sais pas exprimer ton point de vu assez fort. Peut être, surement même que tu aurais été heureux avec Daniel. Mais songer à une réalité qui n'existe pas te fait mal. Elle te fait mal parce que tu n'as jamais réellement su accepter le fait qu'il soit mort, complètement parti. Impossible à retrouver. Alors ce voyage est difficile. Tu as voulu le maquiller, lui donner des airs de Weekend en amoureux pour que ça soit plus simple pour toi. Finalement, tu as fait ce que tu sais faire de mieux, tu as tout gâché.

Il te demande de venir et tu le fais, tu n'hésites pas parce que l'avoir contre toi, être contre lui, c'est comme une évidence pour toi. Peut être que tu devrais lui dire aussi, mais peut être qu'il le prendra mal parce que tu n'arriveras pas à le dire correctement. C'est enclenché dans ta tête. Tu y penseras maintenant. Sentir son corps contre le tien te fait un bien fou. Tu pourrais tout oublier pour ce corps contre le tien. Tes peines, ton deuil, tes blessures. Tu es tellement malléable. Alonso pourrait faire de toi ce qu'il veut, probablement qu'il le sait, parce qu'il sait que d'autres ne se sont pas gênés pour ça. Mais il ne le fera pas, tu en est convaincu, au fond. C'est pas de ta faute. Tu commences à dire, les yeux fermés, tu ne veux pas les ouvrir pour le moment. Tu peux enfin lui dire. Tu t'es promis de ne plus rien lui dire pourtant mais tant pis. Alonso doit au moins savoir qu'il n'est pas le fautif. Tu reprends donc. Si je n'ai plus mangé, si j'ai fait une dépression. Ce n'est pas de ta faute, ce n'est pas ta présence qui a engendré tout ça. Tu pourrais être toujours là à répondre à mes besoins, ça arriverait quand même.... C'est arrivé avec Daniel. Ce n'est pas la faute des autres... Je-... C'est moi, tout peut être parfait, c'est moi qui suit déréglé. Ca ne tourne pas rond dans ta tête, tu le sais, tu ne comptes plus le nombre de fois où on te l'a dit. Des médecins, des psychiatres, des personnes de ton entourage. C'est sans doute ce que tu as entendu le plus à ton propos alors à force, tu l'as accepté et tu es le premier à dire que ça ne tourne pas rond dans ta tête. Et j'ai peur que tu me quittes aussi. J'aurai toujours peur. Tu es comme un miracle pour moi et...Parfois je te regarde et je me demande pourquoi la vie m'a donné autant de chance de te retrouver. Je suis désolé de ne pas savoir le dire. On peut oublier cette histoire de maison, juste toi, moi, la piscine et la vue incroyable ça me suffit. Surtout la vue. C'était dit et on ne reprenait pas ce qu'on disait, tu le savais. Alors l'angoisse monte maintenant que tu ne sais pas s'il va s'énerver à nouveau. Mais jamais tu ne voudrais d'une autre vie, s'il fallait revivre les années d'enfer pour retrouver Alonso, tu le ferais, même s'il te disait que ça n'en valait pas la peine, tu foncerais sans hésiter.

Il a Jeff contre lui et il arrive à parler, il arrive enfin à dire ce qu'il a en tête, il retrouve ses phrases construites, il retrouve son cœur plein d'amour. Jeff lui dit que ce n'est pas sa faute et au moment où les mots sont posés, il se rend compte à quel point il a pu être violent dans ses propos pendant cette dispute. Il le serre un peu plus fort. Pour Al, Jeff n'est pas déréglé, il n'a rien à régler, il est c'est tout, il n'évolue pas sur la même logique que la sienne. Mais ça le rend aussi merceilleux. Jeff aussi lui confie avoir peur qu'il le quitte. Mais Alonso n'en avait pas l'intention ou... plutôt il n'en a soudain plus du tout envie parce que l'envie lui était passée par la tête, elle lui paraissait totalement idiote maintenant. Loin l'un de l'autre, ils étaient malheureux tous les deux. S'il était parti, ce serait seulement pour rendre Jeff plus heureux, c'était un plan minable, il le sait. Il secoue la tête pour dire non, quand Jeff lui dit qu'il est un miracle pour lui, il est toujours contre son épaule, dans ce câlin tellement nécessaire. Il était loin d'être un miracle.

Alonso reste dans ses bras, il le serre caresse son dos de l'un de ses pouces. Russell lui avait pris beaucoup. Il leur avait pris beaucoup à tous les deux. Il ne devait pas le laisser gagner. Corazón... je ne veux pas que tu refoule ce que tu ressens pour Daniel... Je veux que tu puisses me parler de lui, je veux que tu puisses faire le deuil de cette relation... Si vendre votre maison, c'est encore trop tôt pour toi. On la garder. On peut acheter un chez nous avec mon argent, elle sera plus petite mais... je ne veux pas que tu te forces pour moi... Il glisse ses levres sur son cou. Il a cru un instant, un court instant qu'il n'avait pas tant compté pour Jeff. Ça n'aurait pas été grave, au contraire, il l'avait vécu comme une respiration. J'ai toujours peur de te faire plus de mal que de bien. Il se doute que la plupart de ses précédents conjoints n'ont pas eu tant de remords. Il parle tout doucement comme s'il avait peur de le brusquer. Quand tu as dit que j'aurais trouvé le bonheur sans toi si Daniel avait pu être en vie aujourd'hui... Si tu avais été avec Daniel et qu'il avait été avec toi dans ce centre commercial à faire des courses pour ta mère... Je ne sais pas, je ne sais pas comment aurait été mon futur après ça... mais je n'aurais pas refait ma vie sans toi.

Il ne pouvait que l'imaginer, mais il savait très bien, il avait refoulé des gens avec qui il aurait pu avoir un beau futur... Il finit enfin par se détacher de Jeff, il lève les yeux sur son visage. Il passe une main dans ses cheveux. Ce n'est pas ma faute, même avec Daniel, il avait fait des crises. Même avec Daniel... il a léger sourire. Il ne connaissait pas Daniel mais il était devenu une référence parce que Jeff lui avait dit qu'il aurait été officiellement sa moitié pendant des années. Je sais que... ta dépression n'est pas entièrement de ma responsabilité. Mais entre mon accident cardiaque, le décès de mon père, puis mon retour brutal au travail... en moins de quoi trois mois ? Question stabilité on a vu mieux. Ce serait idiot de dire que je n'ai pas participé à tout ça... Je ne l'ai pas voulu, mais je me sens coupable de t'avoir rendu malheureux. Et c'est difficile pour moi de l'assumer. Et comme c'est difficile de l'assumer, je n'arrivais pas à t'en parler. Et quand je n'arrive pas à te parler... il soupire. Quand il n'arrive pas à parler, il rumine, il tourne en rond, ses pensées se déforment et il déprime. Il baisse les yeux. Encore une fois je suis désolé... Il se sent si fragile en ce moment.

Il fallait bien des disputes, des moments où ça n'allait pas. Deux êtres vivants, et donc différents, ne pouvaient pas toujours s'entendre. Même si ces moments là n'étaient pas agréables, parfois trop dévastateurs pour réparer une relation, il fallait qu'ils existent. Parce que ne jamais se disputer n'était pas sain. Ca signifiait qu'un des deux prenait tous les torts, plutôt que de vouloir la confrontation. Et c'est peut être pour ça que les votre pouvaient sembler si violentes. Parce qu'il fallait toujours que l'un ou l'autre cherche à ménager sa moitié.

Tu te laisses un peu aller contre Alonso. Sa chaleur, son contact, son odeur, tout ce qu'il représente t'apaise et te fait du bien. Le timbre de sa voix, sa respiration. Ses mains qui te touchent. Ce n'est pas la maison qui m'importe... Elle n'est plus notre maison. Des personnes y vivent, ce n'est pas pareil... Si encore, elle était restée inhabitée, intacte et figée dans le temps, peut être que tu lui aurais trouvé une importance. Mais là, pas réellement. Tu dis n'importe quoi. Tu aurais trouvé un bel homme ou une belle femme, on aurait fini par se voir, je ne sais pas comment. Tu dis n'importe quoi, tu le sais, il y avait tellement peu de chances pour que ça arrive. Mais l'idée te rassure. Alonso seul...Tu n'arrives pas à te l'imaginer. Alonso se détache, tu le laisses te regarder, tu détournes un peu le regarde encore parce que tu dois être affreux, ton maquillage a du couler, tu ne dois pas ressembler à quelque chose de regardable. Tu hausses les épaules. Pour moi, je suis quand même gagnant. Malgré tout. L'amour que tu as ressenti, sa famille que tu as retrouvé, ses fils que tu as pu connaître et aider... Pour toi, le reste comptait à peine à côté.

C'est à toi de venir lui caresser le visage. Tu es bien content de manger à nouveau, parce qu'une telle crise de larmes et de nerfs t'aurait épuisé, alors qu'aujourd'hui, ça va. Tu ne ressens pas le besoin d'aller dormir, tes épaules ne sont pas les plus lourdes du monde. Tu sais, je pense que le plus bel hommage que je puisse rendre à Daniel. Tu fermes les yeux un instant, prends une grande inspiration avant de les rouvrir, parler de lui est encore compliqué, dire son nom à voix haute. Mais Daniel aurait aimé que tu prononces son nom, pour te souvenir de lui. Il aurait encore plus aimé que ce soit avec Alonso, tu en es certain. C'est d'aller avec toi, aux endroits qu'il préférait en ville, et t'expliquer à chaque fois pourquoi il les aimait tant. Pas revenir dans votre ancienne maison qui ne l'était plus, pas en allant voir sa tombe -tu en serais bien incapable- mais parler de lui quand il était encore là, si rempli de cette joie de vivre... C'était ce qu'il te fallait. Et puis, on le mettra sur le mur à notre retour. Comme ça on pourra lui dire bonjour, comme on te disait bonjour. Un hommage qui durerait, peut être pas toute votre vie mais surement des années tout de même. Et quoi de plus beau que de faire en sorte de ne pas oublier quelqu'un ? Tu avais voulu l'oublier pourtant, le cacher. Tu pensais que c'était mieux ainsi. Mais tu t'es lourdement trompé. Pour rendre hommage à Daniel, il fallait le célébrer comme il le méritait.

Un bel homme ou une belle femme… Il ne sait pas. S’il avait revu Jeff, heureux, loin de lui, est-ce qu’il aurait eu un déclic ? Ou est-ce qu’il aurait été mesquin et aurait tenté de le rendre jaloux ? Possible, il n’écartait pas cette possibilité. Jeff se considérait gagnant, malgré tout ça. Il y avait tellement de positif en lui. Il repense à ses deux elfes qui se disputent alors qu’ils affrontent des dangers ensemble. Il ferme les yeux sous la main de Jeff, une main qui jamais ne le blessera. Une main qui ne faisait que caresser, aimer et qui demandait simplement à être aimée en retour. Jeff reprend un peu de normalité, il parle d’un moyen de rendre hommage à Daniel. C’est bien, pour Alonso aussi c’est important. Avec plaisir pour revoir les lieux qu’il aimait et bien sûr qu'il a sa place sur le mur… murmure-t-il en réponse. A côté de ceux qui avaient compté. Il avait l’impression d’avoir libéré un nœud qui était bloqué depuis longtemps dans sa gorge.

Il détestait ces moments post-disputes où il ne savait pas s’il avait le droit de reprendre le cours normal des choses. Tu as dit que tu aurais toujours peur que je te quitte. Il revient sur ces mots parce qu’ils sont importants. Je ferais en sorte que tu me fasse confiance, que tu n’aies plus peur. Et moi aussi, je vais faire en sorte de te faire confiance sur l’amour que tu me portes… Peut-être que moi aussi, j’ai besoin d’un vocal. Il sourit, il avait la vidéo de Coco, il se la repassait parfois. Il caresse sa joue de son pouce pour effacer une trace de maquillage. Il repense à ses angoisses, elles sont calmes, certaines semblent être parties. Qu’est-ce que je ferais sans toi ? Je ne sais pas. J’ai l’impression de sortir d’un épais brouillard, d’avoir avancé dans le noir pendant ce dernier mois. Tu étais là, ma lumière, mon soleil -mais, pas dans le sens où tu l’entends- pourtant, j’avais dû mal à te trouver. Je voudrais que notre relation dure toute notre vie. Je veux qu’on se dise dans vingt ans, ils se sont retrouvés et ils ne se sont jamais quittés. Je t’aime et tu es toute ma vie.

Tout en parlant espagnol, il a déboutonné doucement le chemise de Jeff pour embrasser son épaule, une fois la chemise totalement ouverte, il vient se serrer de nouveau contre lui, glisser ses mains sur sa peau, ses avant-bras frôlant sa taille, il avait bien repris du poids, il était beau comme ça. Il n’y avait aucun geste qui lui rassurait autant que sa peau contre la sienne. Ce geste était sensuel, mais n’était pas sexuel. On passe par la maison en début d’après-midi comme c’était prévu, puis on va visiter les lieux préférés de Daniel ? Ca te va comme programme ? demande-t-il doucement. Est-ce qu’on peut aller un peu se reposer avant ? simplement des câlins, une façon pour Alonso de se ressourcer auprès de Jeff. Ils s’approchent du lit et lorsqu’ils s’allongent, Al vient poser sa tête contre le torse de son partenaire, se love doucement contre lui. Je te le redis, parce que… Je veux que ce soit clair… Ne me cache pas ton état de santé par peur de m’inquiéter… On est égaux, n’est-ce pas ? Si tu ne me dis rien, je ne peux rien te dire sur moi, c’est dommage… Et puis, ne t’empêche pas de me parler par peur de me blesser, même si tu es maladroit, je commence à avoir le décode-Jeff. Il met un peu de temps à se lancer alors parfois il peut y avoir un délai où je me vexe, où je me braque, mais je finis toujours par comprendre… Je t’assure… Il sourit, lève les yeux et le regarde tendrement, puis les ferme un peu retrouvant enfin la sérénité au son des battements du cœur de Jeff.

Tout semble aller mieux. Tu avais parfois l'impression que tout irait mal, que cette fois, Alonso te laisserait. Mais ça n'arrivait jamais. Parce qu'Alonso te connaissait assez pour te comprendre. Bien sûr qu'il avait du mal avec toi, parfois pas assez de patiente, parfois le cœur trop lourd lui même. C'est pour cela que tu devais lui faire confiance. Ce serait impossible pendant tes crises, mais ça aussi, il le savait bien. Qu'elles déformaient la réalité pour toi, tout ce que tu pensais acquis aussi. Mais tu ne fais pas de crise. Tu arrives tout de même à contrôler tes émotions, peut être un peu mieux avec ton médicament, la sécurité qu'il te procure et la thérapie que tu suis, pour le moment.

Tu es soulagé pour le mur. Peut être qu'Alonso n'aurait pas voulu le voir apparaitre et ça t'aurait peiné. Mais Daniel avait sa place. Ça sera sans doute un peu compliqué de le voir au début, aussi souvent mais la tristesse viendrait un jour se faire remplacer par la nostalgie et aussi la chance de l'avoir connu. Tu notes qu'il a besoin d'un vocal. C'est vrai que le tien est comme un doudou que l'on serre fort pour se donner de la force, un peu de baume au cœur parfois. Mais tu ne sais pas. Le tien serait surement raté, peut être même qu'il mettrait en colère Alonso. Il te parle en espagnol, tu as toujours comme l'impression d'être dans ses bras, doucement balancé pour te faire cajoler. Te amo moi aussi. Tu as compris la fin, du moins la partie où il dit qu'il t'aime, il ne peut plus te duper sur ces mots là. Mais... Je ne suis pas certain pour le vocal. Tu fais non de la tête. Non, ce n'est pas une bonne idée, je pourrai dire des choses maladroitement et je n'ai pas envie de te blesser, qu'un message qui soit fait pour te rassurer te mette en colère... Je trouverai autre chose. Tu ne sais pas encore, mais cette histoire de message t'angoisse plus qu'elle ne te ravie.

Alonso te déshabille, il ouvre ta chemise, tu le regardes faire. Amusé. Au moins, là dessus, tu t'étais amélioré. Tu trouvais ton corps plus attirant, alors il était plus simple pour toi de le laisser faire. On fait ça.. Tu sais comme les émotions m'épuisent... Même avec plus de forces et d'énergies, retomber dans un état émotionnel stable avait un contre coup que tu avais toujours du mal à encaisser. Et tu n'étais pas parvenu à te reposer dans l'avion. Ton corps te demandait un peu de repos. Vous vous installés, le lit est d'un confort... Tu soupires d'aise puis tu accueilles Alonso contre toi, tu viens lui caresser ses cheveux noirs que tu aimes tant. Tu n'as pas hâte de les voir grisonner. Parfois, je ne capte pas tout de suite que je vais mal. Les symptômes sont toujours les mêmes mais... Je me voile la face à chaque fois et après je m'engouffre. Mais je vais essayer. J'aimerai qu'on retourne à Champlain... Peut être en hiver, peut être exactement au même endroit, dans la même cabane... Parce que cet endroit est particulier, il est important pour moi. Tu repenses à ces premiers moments avec Alonso, cette erreur qui vous avez fait dormir tous les deux, tu ne l'avais même pas fait exprès. Tu souris, tu commences à t'assoupir. Peut être que tu pourrais racheter cette cabane, ce serait bien. Votre point d'encrage, votre cocon. Tu t'assoupis un peu plus.

Jeff refuse de faire un vocal. Il a peur de ses propres mots. Non... Je ne me mettrais pas en colère, je suis désolé pour tout à l'heure... Il n'y a pas d'obligation, c'était juste un idée, si tu ne le sens pas, ne le fait pas... répond-t-il les bras autour de son buste. Ils vont se poser sur le lit, il est confortable et Alonso vient contre Jeff qui caresse doucement ses cheveux. Sa barbe grisonne un peu mais ses cheveux restent bien noirs pour le moment. Ca viendra, comme pour tout le monde. Il pose une main sur son ventre et la regarde monter et descendre au rythme de la respiration de Jeff. Il est important pour moi aussi... Notre premier baiser, notre première sieste ensemble... Ca ne faisait que quatre mois et demi, quelque chose comme ça. Mais ils avaient tellement vécu en peu de temps. Les événements néfastes s'étaient enchainés, les bouleversants tous les deux... Jeff avait été là, tellement présent pour lui. Il le savait, ça avait même nourri sa propre culpabilité.

Il sent sa respiration s'alourdir. Il a déjà plongé dans le sommeil. La dépression et le fait de moins manger étaient liés, c'est ce qu'il retenait de cette discussion. C'était des symptômes caractéristiques de la maladie telle qu'elle prenait forme chez Jeff. Il le saurait maintenant. Il avait fait peu de crises alors, il s'était moins inquiété. Mais les crises devaient être dissociées du phénomène. Il faudrait qu'il n'oublie pas de lui montrer à quel point il tient à lui. Il repense à Daniel. Il n'était pas parfait sans doute, personne ne l'était. Il n'avait jamais rencontré qui que ce soit qui n'avait pas de failles. Il bouge un peu, tout en restant contre Jeff, pour se mettre en position de sommeil, il ouvre notamment sa ceinture qui le gêne ainsi qu'il bouton de son pantalon, puis replace sa main sur le corps de Jeff. Encore si fin mais plus dans cet état terrible de maigreur. Je suis désolé de m'être mis en colère... murmure-t-il, ça ne lui ressemblait pas. Il ne comprenait pas ce qui s'était passé, l'idée de voir Jeff mourir avait rempli peu à peu son esprit jusqu'à ne plus voir que ça, mais ça allait mieux maintenant.

Il est réveillé par le réveil, Jeff a bougé et s'est mis dos à lui en cuillère, sa main posée sur la sienne car son bras est resté enroulé autour de lui. Il ne se rappelle pas ce changement de position. Il est 12h30, ils ont bien dormi une heure et demi. Il éteint le reveil et se serre doucement contre Jeff. Il se sent beaucoup mieux. Les idées noires ont disparu pour la première fois depuis longtemps. Il va falloir te réveiller mon amour... susure-t-il à son oreille. Il dépose de petits baisers dans son cou et sur sa joue. Il se sent en phase avec Jeff, comme si la connaissance de l'importance de Daniel l'éclairait maintenant sur plus le passé de Jeff. Sa difficulté à faire confiance, la recherche de la destruction de peur qu'elle ne vienne le trouver de nouveau. Et puis, il y avait eu les mots salvateurs de Jeff Si je n'ai plus mangé, si j'ai fait une dépression. Ce n'est pas de ta faute. C'est idiot parce qu'il le savait mais l'entendre dire, c'était tout autre chose.

Plus le temps passe, moins je ne peux imaginer ma vie sans toi... murmure-t-il en anglais alors qu'il aurait aimé le dire plutôt en espagnol. Il ferme les yeux vient respirer l'odeur douce de sa peau et de son parfum. Sa main glisse sur son torse sentir ses quelques poils sous ses doigts. Ce corps qu'il connaissait presque par coeur à force de l'explorer. Il dépose un baiser plus appuyé dans son cou. Te amo, mi angel. Il ne l'utilisait jamais ce terme parce qu'il faisait très adolescent mais il lui semblait très approprié de le dire ici, dans la cité des anges, Los Angeles. Il se leve enfin, remet sa ceinture et son bouton de pantalon et ouvre la porte, la chaleur commence à être plus importante que ce matin à leur arrivée. La vue est toujours à couper le souffle. Il reste là à la contempler. Il pense à Jeff et Daniel, à leur vie ici, il en saura sans doute plus dans quelques heures. Il a un léger sourire qui lui fait un drôle d'effet. Cela faisait un moment qu'il n'avait pas sourit en se perdant dans ses pensées.