Zone 2, devant la scène.

Je ne bronchai pas au terme « couple ». Alors certes il s’agissait d’un terme qui semblait résumer ce que nous avions été mais il n’était pas correct pour autant. Nous n’avions jamais été ensemble au sens traditionnel du terme ! Peter ne serait jamais réellement mon « ex » même s’il s’en était approché. Pour ça, il aurait déjà fallu qu’il assume le moindre sentiment romantique à mon égard ! Bref, pas décidé à chipoter, je me contentai de hocher la tête tout en réfléchissant en réaction à ses paroles. Ouais. « Flippant » me paraissait correct, lui.

- Je ne comprends pas non plus. Après tout, c’est normal de vouloir que son gosse soit heureux, en ménage, etc. C’est genre le cliché de l’existence. Mais s’il n’en a pas envie ? C’est du harcèlement pour le rendre malheureux au final.

Bon ok, c’était un peu plus compliqué que ça car le raisonnement du tatoueur se justifiait notamment par l’implication de la Rose dans leur passé mais la réalité était ainsi : il voulait rester célibataire. Laissez-le en paix ! Toutefois ce n’était pas à moi de me battre pour qu’on le laisse en paix. C’était à lui de poser ses co*illes sur la table et de s’affirmer. Plus facile à dire qu’à faire peut-être mais nous en étions arrivés à ce point où rien d’autre ne pourrait changer les choses. J’avais aussi besoin de prendre un peu mes distances pour ça. Sur le long terme, l’amusement avait peu à peu était remplacé par de la peine pour lui. Le voir sans arrêt être ennuyé à cause de l’absence de compagnon devenait lourde à supporter (d’autant plus quand j’aurais pu être celui-ci). Alors passer ma vie sur les routes à ses côtés en me prenant pour une pseudo-star de la chanson… Très peu pour moi ! Les fourneaux étaient mon nid et personne ne m’en délogerait tant que j’avais le choix d’y rester. Les compliments de Castiel (aussi dépourvus d’objectifs soient-ils) me satisfaire au point que ma face s’éclaircit instantanément. Ce type je vous jure !  

Et je savais parfaitement lui rendre la pareille ! Discutant de son succès auprès de la Terre entière (sans oublier de sa musculature de Dieu grec), celui-ci s’arrêta brièvement dans le but de glisser sa version des faits. À l’entendre je boostais énormément sa popularité ! Mais avait-il raison pour autant ? Après tout, il faisait régulièrement la Une des magazines et journaux. Comment pourrait-il ne pas avoir de fans transits en-dehors de la ferme des Black ? Le brun en profita pour glisser son triste emploi du temps suivi d’un cours d’histoire sur sa société. J’appréciais l’intérêt que celle-ci portait à ses employés et leurs familles. Rares étaient celles pouvant se vanter d’être si exemplaire ! Je soupirai, puis réagis.

- C’est excellent tout ça. Vraiment ! Vous vous surmener à rendre le monde meilleur plutôt que de conserver égoïstement cet argent dans votre coffre. Certains devraient en prendre note, dis-je, légèrement grinçant. Mais tu sais quoi ? Ok, on sait toi comme moi que ça ne me regarde pas mais j’aimerais vraiment que tu relègues ne serait-ce qu’une semaine le temps de profiter un peu de la vie. Genre… On se ferait un voyage super fun ! Pas de destination luxueuse, un truc tout simple dans l’anonymat. Je parie que je pourrais même te faire grimper dans les montagnes russes après t’être goinfrer de barbe à papa ! Je visualise déjà une sorte de remake de « L’Exorciste » !

Bien sûr que mon enthousiasme se répercuta dans ma voix et mes gestes !

- Plus de téléphone, d’emploi du temps, de costume étriqué, de bonne conduite… Juste du fun, du fun et encore du fun. T’en es capable et tu le mérites ! Puis ça aiderait peut-être à gommer ces petites rides qui se forment. Juste là…

Je pointai au pif différentes zones de son visage et gloussai. Ce plan qui ne verrait jamais le jour (je le savais déjà) n’était pas là pour le mettre mal à l’aise ou quoique ce soit. Une fois de plus, je le considérai comme un excellent ami et mon job le plus précieux était celui de m’assurer de son bien-être. Son existence était tellement chronométrée, calculée… Même ici, dans une foire bondée d’individus inconnus de Hollywood, le moindre contact physique était à bannir. Stupide ! Une fois de plus, nos personnalités et modes de vie clashaient. Ce n’était pas la première fois et ce ne serait pas la dernière. C’est ça quand le Roi de la jungle sympathise avec les gueux.

Enfin, nous arrivâmes près de la scène où j’aperçus… Eliot et Dana ! Oh ! Les cachotiers ! Pourquoi étais-je toujours en-dehors des bons coups moi hein ? Je m’approchai un peu, espérant croiser leur regard d’ici à ce qu’ils disparaissent dans la foule agglutinée. C’était toujours un plaisir de les voir revêtir leurs rôles de rock star. Je notai pour moi-même que les représentations de l’agent immobilier se faisaient de plus en plus nombreuses, ce qui me rendait non peu fier de lui.

- Yep ce sont mes amis ! Tu verras, ils sont vraiment brillants. Eliot est… Il est fait pour ça. Ce sont eux qui devraient bosser avec Peter si tu veux mon avis.

Le souci étant que cela ferait trop de voix principales pour un seul même groupe ! Je fus rapidement distrait par la moquerie de mon interlocuteur qui me rappela les heures passées près de sources de chaleur extrême. Je ricanai. Il marquait un point sur ce coup-là ! Son invitation fut extrêmement appréciée.

- Voilà ! Tu m’as percée à jour ! Même si je pensais que tu l’avais déjà compris après un an ! le taquinai-je. Je suis un mec très sensible. Une vraie Drama Queen !

Ce qui n’était pas totalement faux. Pour ma défense, j’étais souvent entouré de Peter et d’Eliot. Inutile d’approfondir le sujet, ça veut tout dire.

- Mais carrément ! À condition que tu me rejoignes après ta réunion. Je suis sûr qu’un peu de détente ne te fera pas de mal et puis… Tu me connais. C’est moins amusant sans victimes potentielles !

Je lui donnai un coup de coude discret tout en reportant mes billes sur la scène où la musique montait crescendo. Le duo allait rendre ce jour encore plus mémorable !

@Castiel DeWitt @Eliot Hargreaves @Dana Wolff

Zone 2 (devant la scène)

J’avais beau réfléchir, je ne me souvenais pas d’une fois en un an où Castiel m’avait annoncé être en vacances. Au contraire, j’avais l’impression qu’il était de plus en plus débordé ! Enfin… Je n’allais pas le traiter de menteur. Il connaissait mieux son planning que moi et je lui faisais confiance. Quel intérêt aurait-il à me raconter des bobards là-dessus ? N’empêche que je restais persuadé qu’un bon bol d’air loin des caméras ne lui ferait aucun mal. En privé, quand il se sentait en sécurité, l’homme paraissait tellement plus détendu puisqu’il n’avait plus à craindre de faire une gaffe qui serait automatiquement capturée par un objectif. Tout du moins avec moi (ce que j’interprétais comme une preuve de complicité). Il manquait plus qu’à passer incognito en public et c’est là que ça se corsait.

- T’es imberbe et t’as les yeux clairs. Il suffit de t’enfiler une perruque blonde et le tour est joué ! dis-je en me remémorant un film français avec un surfeur habillé en jaune dont Timothée m’avait parlé. Puis si tu t’habilles mal ce sera encore plus compliqué pour eux de te reconnaître !

Ok, pas sûr que mon stratagème du déguisement magique soit suffisant mais rien ne nous empêchait d’essayer ! Toutefois, même si je ne le lui fis pas savoir, je fus heureux lorsque mon interlocuteur ne balaya pas de la main la potentialité de partir ensemble pour une destination encore inconnue. Il aurait refusé d’emblée s’il me trouvait insupportable ! Je n’eus pas le temps d’y réfléchir davantage puisque le millionnaire était occupé à s’indigner de mes paroles précédentes où j’avais dû donner l’impression de critiquer le travail de son tailleur. Je ris, très amusé en le voyant tourner sur lui-même et faire un cirque pas possible.

- Je n’osais pas le dire mais ouais… Un peu !

Il me tendait le bâton pour le battre alors forcément que j’allais réagir ainsi ! La réalité était tout autre. Tiré à quatre épingles en toutes circonstances, celui-ci était à des lieues de paraître boudiné ou quoique ce soit. Et qu’il ne songe jamais à la chirurgie esthétique s’il ne désirait pas que je le renie ! Si je lui aurai bien tapoté l’épaule pour le « rassurer », je n’en fis rien suite à son malaise précédent. Enfin, je repris pour me contredire.

- Mais nan ! Arrête tes bêtises ! T’es élégant même aux toilettes et quand tu ronfles comme un perdu ! Je suis sûr que tu ne baves même pas !

Alors, rassurez-vous : je ne parlais pas en connaissance de cause. Je ne l’avais jamais vu dans ne serait-ce que l’une de ces situations. N’était-ce pas évident cependant ? Je fis semblant de resserrer un nœud papillon autour de mon cou tout en adoptant un air pompeux pour le taquiner. Façon de dire par les gestes qu’il était bien trop précieux pour être comme nous autres, pauvres gens normaux ! Ce après quoi, je me penchai vers lui afin de murmurer :

- N’approche pas du bistouri. Les hommes mûrs c’est plus sexy au naturel que descendus de l’espace.

Je lui fis un clin d’œil puis me redressai mine de rien. Mon pote avant mon boss vous vous souvenez ? Sans même savoir comment nous étions arrivés là, nous nous arrêtâmes devant la scène où se trouvaient Eliot accompagné de Dana. Occupés à faire leur show, je n’étais pas persuadé qu’ils me verraient dans la foule. Dommage. J’aurais aimé les encourager !

- Je sais ce que porte une Drag Queen mais une Drama Queen ? Des suggestions ? lui demandais-je avec amusement. Et nop ! Jamais. Enfin, j’ai joué du piano sur scène avec lui pour mon anniversaire mais c’est tout. Je suis sûr qu’il aurait eu une carrière de dingue s’il s’était lancé plus tôt.

Avec des « si » on refait le monde ! Le plus important était notre réalité et ce qu’on en faisait. Et franchement j’étais ravi que l’agent immobilier se laissait enfin convaincre par nos encouragements. Né pour être une star. J’aimais toujours autant qu’au premier jour nos soirées à nous défouler sur les instruments et à l’écouter chanter. Ce gars je vous jure !

Quant à la suite du programme il fut rapidement statué qu’un passage dans la piscine de Castiel serait une bonne idée. Et bien sûr qu’il s’engagea à me rejoindre ! Son ajout inattendu me fit bruyamment exploser de rire tant il m’avait surpris. Son « jouet » hein ? Je le dévisageai, la mine provocatrice.

- Na. Aucun. Le respect pour les anciens est surcoté. C’est tellement plus sympa de vous tourmenter ! m’exclamai-je sans me départir de mon sourire agrémenté de gloussements. M’enfin c’est dommage pour le jouet… J’avais plein d’idées !

Pourquoi avoir utilisé un mot pareil aussi ! Il était évident que mes paroles n’étaient pas dénuées de sous-entendus à caractère un peu osé. Néanmoins, je me payais juste sa tête. Je ne le pensais pas réellement ! Qu’est-ce qu’un type comme lui pourrait trouver à un jeunot comme moi ? Je n’avais ni le statut financier ni le physique pour justifier un quelconque intérêt dépassant l’amitié platonique.

- Bon, on se la fait cette photo ?

D’un signe de tête, je pointai le stand à quelques mètres de là.

@Castiel DeWitt @Eliot Hargreaves @Dana Wolff

{OUTFIT} Zone deux (près de l'étang), scène ouverte.
@Sarah Jaïs (& qui veut !)
Laisse tomber. N'était-ce pas ce qu’ils faisaient de mieux, après tout, laisser tomber ? Owen ne put s’empêcher de penser que l’expression résumait à elle seule leur mariage. N’était-ce pas ce qu’elle avait fait, elle, le laisser tomber ? N’avait-il pas lui-même un peu laissé tomber avant qu’elle ne le fasse ? Il n’avait sans doute pas assez cherché à la retenir et maintenant qu’elle était de nouveau là, il se demandait si elle aussi sentait cette amertume planer entre eux, celle qu’il sentait jusque dans sa bouche. De l’amertume, il y en avait dans leurs paroles, ce drôle de mécanisme défensif qu’O avait initié à l’évocation de sa fille. L'élément déclencheur par excellence, car pour lui c’était elle que Sarah avait le plus laissée tomber. Il ne s’était jamais autant senti de trop, le blond, qu’en ayant le sentiment de trainer un bagage trop lourd pour celle qu’il avait pourtant épousée. Sa propre fille. Difficile de savoir ce qu’elle penserait de tout ça, d’eux ici, de nouveau ensemble d’une certaine façon, l’un à côté de l’autre à se parler. Sûrement que ce serait suffisant pour qu’elle les voit comme ''ensemble''. Il partait du principe que ça ne lui plairait pas, mais Birdie n’était pas la plus facile à prédire, surtout, elle savait se défendre, attaquer aussi, seule. O’ ne savait pas encore si Sarah passerait un mauvais quart d’heure ou si elle serait complètement ignorée le jour où… Alors, il préféra se rabattre sur la mystérieuse femme partageant la vie de Sarah. Avec elle, il pouvait s’en donner à coeur joie sans que le moindre scrupule ne l’étouffe. Son propre ton qu’elle lui renvoyait ne fit que l’encourager davantage. Elle montrait les crocs et il voulait voir si elle irait jusqu’à le mordre. Parce que lui savait pourquoi il posait la question et n’avait pas honte de le dire. « Pourquoi du mal, tout de suite ? » Sa gueule d’ange et son petit sourire qu’il lui renvoyait laissaient peut-être trop sous-entendre que c’est exactement ce qu’il ferait, mais ce n’était pas le cas. « C’est peut-être elle qui aurait des choses à m’apprendre. » Des choses compromettantes, ou drôles, ou alors qui lui briseraient le cœur. Y avait-elle seulement songé ? Parce qu'Owen était fier de lui offrir cette perspective.
Il la vit arriver avant Sarah. Du moins, il devina que c’était elle, son ''duo à la vie'' avant que sa présence ne la fasse sursauter. À partir de là, Owen aurait dû se faire tout petit, aussi petit qu’il pouvait se faire du haut de son mètre quatre-vingt-dix, mais il prenait toute la place. Il le comprit grâce à l’attitude de Sidney qui faisait comme s’il n’était pas là, lui, l’éléphant au milieu de la pièce. Le signe de main qu’il leva à son intention ne trouva pas preneur, sa main retournant aussitôt dans sa poche. Venait-il d’interrompre un baiser ? Le regard qu’elle posa finalement sur lui se fit tellement noir qu’il lui fut difficile de ne pas apprécier la scène. Il était une menace. Encore aujourd'hui. Malgré tout. Sidney le voyait ainsi. Ce n’aurait pas dû être une bonne nouvelle pour Owen, mais c’en était une amusante. Ce n’est que par égard pour Sarah, qu’il sentit très embarrassée, qu’il ne se mit pas à rire quand les yeux foudroyants de Sidney la ciblèrent à son tour. Ouh. Someone's in trouble. Ses yeux parlaient pour lui, alors qu’il haussa les sourcils à l’intention de Sarah sitôt que Sidney eût terminé sa petite démonstration d'autorité. Oui, c’était donc elle, la fameuse Sidney. Il avait voulu la voir et il n’avait pas été déçu. « Je vois surtout que tu lui as pas dit que j’étais ici. » Ça crevait les yeux autant que la mauvaise surprise qu’il était pour Sidney. Ici à redwood, ou ici avec Sarah s’apprêtant à monter sur scène, O' n’aurait su dire ce qui était pire. O’, il se contenta de suivre Sarah là où elle irait sûrement mieux, là où sa voix ne tremblerait plus. Il la ramenait chez elle. Sur scène.
Quelques claquements de doigts et notes de piano plus tard, Sarah donnait la fièvre à l'audience. En retrait, Owen observait les visages, l'expression de j'ai déjà entendu cette voix quelque part sur certains d'entre eux qui lui donnait toujours satisfaction. Il jetait quelques coups d'oeil à Sidney, aussi. Quelque part, il fut rassuré qu'elle soit là. Sarah chantait pour elle, il le réalisait pleinement, et ça ne faisait pas tant mal qu'elle soit à la place qui était la sienne jadis, de l'autre côté de la scène, à l'admirer. L'entendre chanter était toujours autant agréable, peu importe où il se trouvait. Non, ça ne faisait pas tant mal que ce ne soit plus ses yeux à lui qu'elle cherche parmi toutes les paires d'yeux dans la foule. Combien de fois lui avait-elle donné la fièvre en le regardant comme elle la regardait ? Derrière le piano, Owen avait l'impression de leur offrir un moment, une déclaration, une première peut-être. L'avait-elle déjà vue sur scène, Sidney ? Derrière le piano, il avait l'impression de faire ce pourquoi la musique était faite : adoucir les mœurs. C'était peut-être aussi bête que ça : le sentiment de faire quelque chose de bien. Quelque chose pour Sarah. Alors, quand il pianota les dernières notes et qu'il ne put les prolonger davantage, il tourna la tête vers elle pour la première fois depuis le début du morceau, l'air interrogateur. Que voulait-elle faire ? Quelque chose lui disait qu'elle aurait du mal à redescendre et sur cette intuition, lui vint une idée. « I think it's the right time to tell you guys we also take requests. » Ou bien ce n'était qu'Owen qui poussait un peu la chance. « Anyone ? » La perche était tendue, Owen attendait que ça morde, espérant que Sidney la saisisse.

Zone 1 (stand photo)

S’il aimait me charrier à cause de mon manque de « professionnalisme » à son égard, j’étais sûr que ce n’était pas pour lui déplaire. Enfin quelqu’un qui ne faisait pas de courbettes pour lui plaire, qui ne lui cirait pas les bottes même quand cela n’aurait pas été inapproprié. Sans compter qu’après plusieurs minutes, Castiel finissait toujours par se dérider et se prendre au jeu. Que personne d’autre que nous soit à l’écoute de notre conversation aidait probablement ! Ainsi, il ne se laissa pas démonter quand je le mentionnais sur les toilettes ou livrant sa meilleure performance nasale en plein sommeil. Au contraire, j’en pris pour mon grade avant que sa malice le pousse à commenter ma supposée (et avérée) inclination pour les hommes plus mûrs. Comment nier celle-ci après avoir été si proche de Peter pendant tant de mois ? Sans mentionner mon cercle d’amis composé principalement de trentenaire à l’exception d’Oliver. J’étais fiché. Par contre je ne m’étais pas attendu à tant de proximité que lui-même initiait et ce, en public ! J’en eus presque un mouvement de recul autant car ses yeux pénétrants m’intimidaient que par souci pour sa réputation. Mais je me tins droit, ne lâchant pas son regard bien que mon souffle se coupa tandis que son haleine fruitée me caressa les narines. C’était si rare de le voir ainsi en si gros plan, me délivrant des détails que je ne pouvais observer habituellement comme les pores de sa peau ou les nuances riches dans ses iris. Qu’il n’achève pas sa phrase me fit lever un sourcil amusé, tout de même soulagé de le voir réinstaurer un soupçon de distance entre nous.

- Sombre comme mon âme ! répliquais-je avec ironie tel un cliché ambulant qui me faisait toujours penser à Twilight pour allez savoir quelle raison.

Je l’observai avec attention puis lâchai :

- Et tu as raison pour Peter. Même s’il fait plus gosse que moi sur genre… tous les points ! L’âge ne compte pas tant que je me sens bien avec la personne. Puis ce n’est pas comme s’il avait l’âge de mon grand-père non plus !

Car oui, mon ouverture d’esprit s’assortissait bel et bien d’une limite que je ne souhaitais jamais dépasser. Geez ! J’en serais incapable. Bref, la discussion sur ce point ne tarda pas à s’arrêter, n’osant pas lui demander de finir d’énoncer le fond de sa pensée. Peut-être y reviendrais-je un peu plus tard ? Pour l’heure nous nous dirigeâmes vers le stand photo où nous étions bien décider à immortaliser cette journée dans nos mémoires. Je ne pus m’empêcher de grogner quand le millionnaire me rappela qu’il était temps d’enfiler à nouveau mes habits de torture puis m’exécutai avec tristesse. La chaleur était insoutenable maintenant que le soleil paraissait briller de mille feux au-dessus de nos têtes et seule la pensée de la piscine qui n’attendait que nous réussissait à me donner des forces.

- C’est bien parce que c’est la première fois que je peux poser avec une star que je fais ça ! Au pire, tu auras ma mort sur la conscience.

Je me postai devant lui afin qu’il m’aide à corriger d’éventuels défauts et à réaligner la cravate avec ma veste. Sans miroir (ni expérience) ce n’était pas un exercice aisé pour moi ! Arrivés à destination, je saluai le photographe au physique assez atypique (mais non déplaisant) à qui je n’avais jamais encore adressé la parole puis portai mon attention sur les différents accessoires mis à disposition.

- Oh ! Tu DOIS prendre ça ! m’exclamai-je en lui tendant une fausse moustache en carton perchée en haut d’un bâton. C’est genre… Tellement symbolique !

Quant à moi, je me saisis d’un élégant haut de forme à en faire pâlir le Chapelier Fou et Willy Wonka. Une fois prêts, nous rejoignîmes le spot face à l’objectif. Que devais-je fais de mes dix doigts ? Devais-je être très formel ou pouvais-je me permettre des familiarités avec mon ami ? Toujours cette vieille rengaine de ce qui était approprié ou non quand je me trouvais à ses côtés et j’étais un terrible juge de cela. Par conséquent, je dus paraître bien crispé sur le premier cliché puisque le brun derrière l’appareil nous proposa de tenter à nouveau. Là, hors de question de gâcher la photo ! Dès lors, j’attendis le dernier instant pour susurrer au brun :

- Du « désir » ? C’était ça la fin de ta phrase ?

Première étape : la confusion. Puis je lui pinçai les côtes deux secondes avant que le flash vînt nous éblouir. Plié en deux, mes yeux s’humidifièrent sans même que je n’ai besoin de voir la tronche qu’il devait tirer. Devais-je me mettre à courir pour échapper à son courroux ? Sa réputation photographique de Monsieur Parfait venait d’en prendre un coup !  

@Castiel DeWitt @Adam McAllister

Placé dans des circonstances tout à fait différentes, une seule et même personne pouvait paraître bien différente. C’était mon cas avec Louise. Alors que j’étais figure de stabilité pour la plupart des mes proches, celui qui aimait bien sa routine et qui naviguait principalement de points de repère en point de repère, je percevais l’opinion tout à fait différente que la jeune femme avait de moi. Les cigales nous avaient poussés, tous les deux, à sortir de notre zone de confort. Et si nos motifs avaient été disparates, il n’en était pas moins que cette excursion à travers un autre État marquerait à toujours cette amitié bien singulière - et précieuse. Retour à la réalité ? Cela prenait la forme de la considération de ses frères et soeur, prêts à protéger leur benjamine. « Pourquoi pas, oui ! » Il aurait été tentant de me ranger derrière un « non, merci », mais cela n’aurait fait que renforcer l’impression qu’avait peut-être son ainée de quelque chose de louche me concernant. Ce n’était pas du tout le cas, et lui parler de vive voix parviendrait peut-être à faciliter les choses ou supprimer les regards suspicieux. Louise ne témoignait pas de grands changements dans sa vie et je lui souriais doucement en songeant que ce genre de questions n’offrait pas toujours la possibilité de tout raconter. Et pour ma part… « Ma soeur a eu un bébé, je suis oncle. » De loin la plus belle joie de ces derniers mois, et j’étais persuadé que je le dirais encore avec ce sentiment de fierté dans quelques années. « Sinon, un déménagement - toujours à Redwood, évidemment… Et euh, c’est plutôt ça. » Ça n’avait rien de très glamour, toujours était-il que déménager demandait un temps fou, de l’organisation, des efforts soutenus et beaucoup, beaucoup de patience. Je commençais tout juste à me retrouver dans mon nouveau chez-moi. « Tu as déjà eu l’impression qu’il se passe tellement de choses tous les jours, et à la fois, que l’on change somme toute assez peu ? » La réflexion me venait comme cela, alors que je me sentais pourtant différent. Évolué. Vivre seul et être maître de chaque moment de son quotidien, cela donnait une toute nouvelle perspective sur la vie. Comme cet évènement qui, comme le soulignait si bien la jeune femme, avait trouvé une réponse plus que favorable chez nos concitoyens. Quant à jouer le jeu, je lui proposais bien vite de le faire d’une toute autre façon. « C’est pas grave ! Ils donnent des cours, alors, c’est le moment parfait pour ne pas savoir danser. » Si elle avait paru plus embarrassée à cette idée, je n’aurais pas insisté. Mais une lueur de curiosité dansait bel et bien dans son regard, alors qu’elle acceptait. Non sans poser ses conditions, ce qui me faisait sourire de plus belle. « Mes pieds sont prêts à relever le défi. » Promettais-je. Ça ne pouvait pas être si mal, pas vrai ? « Et je t’en devrai une, tout ce que tu voudras. » J’espérais qu’elle ne me demande pas de l’accompagner à un dîner des Howell, par exemple, mais une promesse était une promesse. Je lui étais reconnaissant de bien vouloir me suivre jusqu’au stand en question, lequel nous valait bien vite des regards curieux de ma propre famille. C’était un tout autre genre de curiosité, néanmoins, et les deux femmes de ma vie se décidaient à nous laisser tranquilles. Ayant perdu leur cavalier, elles s’éloignaient même vers les stands d’artisans locaux, là où vraisemblablement, elles pourraient avoir un peu plus ou moins discret sur moi et ma cavalière. « Juste à temps. » Un nouvel enseignement semblait sur le point de débuter, alors que quelques autres participants se regroupaient autour de nous. « Le mieux, c’est de ne pas trop réfléchir. » Je lui envoyais un regard complice. Après tout, elle savait déjà faire ça, non ? Elle l’avait fait au moins une fois, en partant avec moi à l’aventure.