L'eau déforme ton corps, on ne peut plus le voir tel qu'il est. Ainsi, il devient banal aux yeux de tous et c'est ce qui te plait dans l'idée de rester immergé. Alonso te rejoint, tu l'accueilles contre toi parce que si tu craignais le regard sur ton corps, tu craignais beaucoup moins celui sur votre amour. Tu te laisses porter par l'eau, elle est chaude, elle te fait du bien, détend tes muscles et ton esprit. Je t'imagines bien casse-pieds quand tu avais cet âge... Avec une famille nombreuse, il fallait parfois savoir se faire entendre.

Tu restes un peu dans l'eau avec ton bien aimé... Tu pourrais y rester des heures, peut être un peu moins en réalité. Tu as fermé les yeux pour te laisser porter par l'eau, Alonso te fait les rouvrir en te posant une question. Tu viens froncer tes sourcils à nouveau. Tu as bien remarqué qu'il a parlé bas. Tu tentes un faible sourire comme pour le rassurer. Tu es sûr que tu veux entendre ça pendant notre weekend ? Tu vas entendre parler de personnes que tu n'aimes pas... Tu parlais de Russell, évidement. Parce qu'il était vrai que tu n'avais pas ce problème avec l'image et ton corps, quand tu étais plus jeune. C'était encore différent avec Coco parce que... Coco ne montrait pas ton corps, elle le sublimait avec de très belles tenues, toi, tu devais parfois le montrer et là, ça devenait bien plus compliqué.

Moi casse-pied ? Tu as vu Pablo et Amalia ? Tu imagines leur version enfant ? Bon Amalia tu l'as connue... répond-t-il, car Jeff avait connu Amalia à sept-huit ans. Il était loin le plus casse-pied de l’équipée. Enfin, ça dépendait ce qu’on entendait par là… Car pour son père Alonso était de loin le plus rétif. N’acceptant rien, ne se soumettant jamais. De ce point de vue, Pablo plus casse-cou était pourtant parfois plus dans l’acceptation. Le caractère d’Alonso était devenu plus doux à l’adolescent. Mais enfant, il avait beaucoup plus de caractère.

Il voit Jeff prendre un air un peu contrarié. Il ne s’attend pas vraiment à ce qu’il réponde à la question. Oui… Je suis prêt à l’entendre. Il ne s’était pas vraiment rendu compte que ce qui s’était passé cet été avait créé une certaine omerta autour de Russell. Il s’en rendait compte maintenant. Depuis quand n’en avait-il pas parlé ? Depuis ce fameux jour ? Depuis l’audio ? C’est vrai qu’il avait eu du mal à reprononcer son nom sans sentir une vague d’émotions négatives. Alonso ne se rend pas toujours compte à quel point il peut bloquer sur des sujets de conversation par son langage corporel, par sa façon de contourner les mots.

tw : évocation de maltraitance psychique et physique

Tu préfères demander et tu préfèrerais qu'il te dise qu'il vaille mieux en parler un autre jour. Il pourrait oublier de te demander comme ça et tu avais l'excuse du weekend. Mais Alonso est d'accord pour en parler. C'est plus compliqué. Tu regardes un instant ailleurs, puis tu reviens dans son regard. Tu te doutes bien de qui il s'agit... Tu marques une pause, est ce que tu dois dire son nom ou est ce que tu dois juste dire il ? Il comprendra assez bien comme ça. Tu ne veux plus parler de lui, de cet homme qui t'a fait tant de mal et que tu as laissé rentrer chez Alonso. Tu aimerais être capable de complètement l'effacer de ta mémoire. Tu sais déjà que parfois, il ne voulait plus entendre parler de moi et parfois, c'était parce qu'il me trouvait...repoussant. Trop maigre, il me reprochait aussi d'avoir un corps tellement faible qu'il marquait trop et... Que c'était fait exprès pour que je puisse me plaindre à d'autres. Alors que j'ai toujours maquillé les traces que j'avais... Mais ce n'était jamais suffisant. Et il détestait ma maigreur, vraiment, il me rappelait à quel point tout le monde la détesterait, parce que je faisais ça pour attirer l'attention, que c'était en plus vraiment malsain de ma part d'oser être maigre alors que j'avais accès à de la nourriture. Que les gens me le diraient aussi, que je n'étais qu'un sale égoïste incapable de prendre soin de lui alors que certains n'ont pas le choix. Il y a eu un incident plus important un jour, un jour où il t'en voulait vraiment et où il a exposé ta maigreur dont tu avais déjà tellement honte, à des personnes qui t'ont fait les remarques qu'il t'avait dites. Tout avait été calculé évidemment, comme toujours.

En parler réveille quelques souvenirs, tu te sens déjà moins à l'aise, même dans l'eau. Tu regardes autour de toi, tu vérifies si personne n'est en train de te fixer.

tw : évocation de maltraitance psychique et physique

Il… Russell. Oui, il hoche la tête. Il reste contre lui. Il écoute, il écoute parce que ça fait partie du process aussi de poser des mots même s’il ne sait pas ce qu’il doit répondre. Il n’est pas psychiatre. Mais il sait écouter. Il touche le corps de Jeff qui est contre le sien sous l’eau. Jeff avait toujours été mince, c’était son physique, c’était comme ça. Même  à l’époque où il mangeait beaucoup, il avait simplement ce qu’on appelait un bon métabolisme. Il pose une main sur le torse de Jeff. Je t’aime… Repousser le malheur avec de l’amour, est-ce que c’était possible ? Ce sont les premiers mots qui lui viennent. Tu n’es pas repoussant Jeff, je sais que tu as été endoctriné à le penser, mais ce n’est pas le cas. Ce qu’il a dit, ce qu’il a fait, ne sera jamais justifiable… Je me doute que c’est difficile. Mais tu peux être fier, aujourd’hui, du corps que tu as, parce c’est un corps qui vécu, qui a survécu à tout ça, parce que qu’il est toujours là, vaillant et contre moi. Je peux t’assurer qu’il avait tort parce que moi, je ne le repousserai pas. Son Jeff… Est-ce que… Est-ce qu’il devait partager quelque chose lui aussi ? Est-ce que ça permettrait à Jeff de se sentir mieux ? Cela se faisait non ? De donner une histoire contre une autre ?

Il bouge un peu dans le bassin pour tourner autour de Jeff et poser son torse contre son dos comme il aime tant le faire. Ses bras l'entournent doucement. Si tu veux qu’on soit au même niveau… Une histoire difficile contre une histoire difficile. Je peux te parler de ce que j’ai vécu par rapport à ça… Enfin. Si tu veux… Il pose son menton dans son cou. Il ferme les yeux, sa voix chuchote et caresse, il parle tout proche de son oreille pour ne pas avoir à élever la voix. Je… Tu m'arrêtes si ça te met mal à l'aise, hein ? … Comment commencer ?… Hum… Quand Max était en colère, il… ne contrôlait pas sa force, il… En réalité ce n’est pas facile. Pas facile du tout. Me « corrigeait » simplement et me forçait à… tu sais… Pas besoin de rentrer dans les détails. Il a frisson alors qu’il est dans l’eau. Les premières fois il s'était débattu mais Max était plus grand et plus fort que lui et il avait bu alors... Il avait fini par laisser faire, c'était moins douloureux. Ça c'était dans les six premiers mois, quand il exerçait et qu'il faisait encore attention. Le voyage avait été plus compliqué parce qu'il était plus dur pour Alonso de s'extraire et parce que Max dessaoulait de moins en moins. Au début, il s'excusait toujours… Puis, au bout d'un moment, il a commencé à me dire que c'était une bonne chose de me marquer… Il me disait qu’au moins aucun autre homme que lui n’aurait envie de moi dans cet état, que si je voulais montrer mon corps à un autre, tout le monde saurait à quel point j'étais faible et repoussant… Dans les derniers mois, pendant les corrections, il disait qu'il devait me rendre suffisamment écœurant pour que je n’aille pas voir ailleurs, que ce n'était pas si dur d'ailleurs, que j'avais changé, que personne ne voudrait de moi mais qu'il le faisait surtout pour que je comprenne. Il me répétait que même sans ça je ne valais rien qu'il n'y avait que lui à qui je pouvais plaire et je devais lui montrer que je voulais encore lui plaire… Il chuchote vraiment tout bas, presque comme s’il ne voulait même pas que Jeff l’entende. L'alcool était une partie de l'explication, quand Max ne buvait pas, une semaine,a une fois il avait été totalement sobre, peut-être trois mois avant qu'Alonso ne le quitte, il avait été adorable... Il se souvient de cette semaine parfaite. Il s'en souvient car après tout a été bien pire. Je… J’ai mis du temps à retrouver ma confiance en moi après ça. Beaucoup, beaucoup de temps. Alors toi qui a vécu des années avec lui... je comprends, je comprends. Il sait que pour Jeff ça ne sera pas immédiat, qu'il faudra des années avant que tout ça soit derrière lui. Pas qu'il oublie non, ça ne s'oubliait pas, mais qu'il transforme cette horreur en souvenir lointain d'une époque révolue. Ça a existé mais ça ne défini pas qui je suis.. Peut-être que c'est pour ça qu'il comprend aussi bien Jeff, qu'il entend les non-dits, qu'il s'inquiète pour de simples regards, parce qu'il a vécu tout ça.

Il ne sait pas si c’est le meilleur endroit pour se confier. Sans doute pas, mais entouré d’eau, Alonso se sent en confiance, en sécurité, dans son élément. Pour lui, c’était tellement lointain, il y avait vingt ans, il n'avait jamais laissé quique ce soit reprendre le contrôle sur lui, lever la main sur lui. Jamais. Je… suis désolé, si ce n'était pas à propos. Je me suis dit que je te devais de me confier un peu aussi. Te faire savoir à quel point ce sont juste des connards narcissiques et manipulateurs. Parce qu'avec le temps, il s'était rendu compte que ce n'était pas que à cause de l'alcool, que c'etait un prétexte. Il préférait encore les soirs où il était ivre mort et où il devait s'occuper de lui. Ces soirs-là étaient doux, il ne pouvait rien faire, Max pleurait et s'excusait de lui faire vivre un enfer. Mais il le savait maintenant, il avait mis tellement de temps à l’appréhender que Max était tout simplement une mauvaise personne. La pire des personnes sur laquelle il pouvait tomber après Jeff. Il avait compris tout ça grâce à Flora surtout qui l’avait ramassé et protégé. Douce Flora. Elle avait tellement compté. Mais, quand je te dis que j’aime ton corps Jeff, je ne mens pas. Je l’aime avec ses fragilités et ses forces, avec toutes ses blessures et ses souffrances, avec ses victoires aussi, il n’a pas besoin d’être parfait pour que je le trouve magnifique. Je peux te l’assurer. Il sourit avec tendresse, ses bras sont toujours enroulés autour de lui. L'eau est chaude et pourtant il a la chair de poule, même après autant d'années, toujours, ça faisait partie de lui, mais ça ne le dévorait plus.

Tu ne pensais pas qu'une piscine...Une piscine qui n'était pas que pour vous deux de surcroit, soit le lieu pour discuter de ce sujet là. Mais en réalité, c'était plutôt une bonne idée. Vous deviez tous les deux rester calme, parler bas et tu n'avais pas tellement la possibilité de fuir. Tu pouvais bien sûr, mais tu devrais rester dans le bassin puisque tu n'avais pas envie de sortir de l'eau. Alonso te rassure. Tu sais déjà tout ça, on te l'a répété des tas de fois en thérapie... Mais c'est plus compliqué, l'entendre dire et l'accepter. Deux choses différentes, d'un niveau totalement différent. Tu ne sais pas si Alonso arrivera à comprendre que ce n'est pas parce que tu ne le crois pas que tu n'arrives pas à avancer à dessus. Mais il peut comprendre. Il peut parce qu'il te raconte son histoire. Tu la connaissais déjà, mais pas dans les détails, tu ne savais pas à quel point cet homme avait eu de l'influence sur lui. Le même genre d'influence qu'on a eu sur toi. Tu peines à y croire, pas parce que tu penses qu'Alonso exagère mais tu peines à croire que quelqu'un comme ton Alonso s'est laissé aller dans ce type de relation. Il était toujours si fort, si intelligent. Pour toi, il n'y avait que les personnes faibles de caractère comme toi qui pouvaient vivre ce que tu avais vécu et ça en rajoutait à ta culpabilité.

La discussion te met mal à l'aise. Mais tu ne l'arrêtes pas. Bien sûr que tu n'es pas confortable en entendant ce qu'il a vécu. Ton cœur se serre. Ton tendre Alonso, tu es si triste de penser qu'il a subi tout ça. Tu as toujours considéré le mériter, le chercher, être un fardeau si important que quelque part, on devait être comme ça avec toi pour compenser. Mais Alonso ? Alonso n'a jamais mérité rien de tout ça. Des larmes montent vite, tu ne les retiens pas car il ne les verra pas, personne ne les verra dans cette piscine avec vos visages déjà mouillés. Tu reconnais le procédé qu'il te raconte. Quand l'autre se rend indispensable, quand il vous rend si misérable que l'on pense alors qu'il vaille mieux se faire traiter de la sorte que d'être seul pour toujours car personne ne voudra plus de nous. Qui voudrait de quelqu'un de si faible ? De si repoussant ? Il est dur de s'en sortir seul, tu le sais, quasiment impossible. Il faut l'aide d'autres personnes, le hasard qui s'en mêle parfois aussi. La fin se termine sur une note d'espoir et te fait sourire. Ton Alonso, ton tendre et si fort Alonso. Il te dit que tu pourrais être comme lui un jour et cette perceptive te réchauffe le cœur. Non, tu as très bien fait. Je suis vraiment très touché que tu aies voulu m'en parler aujourd'hui. Tu sais que j'ai tendance à te voir sans failles et je pense que tu es quelqu'un de très fort mais... Maintenant je me dirai aussi que je pourrai être comme toi un jour, que je n'ai pas besoin de me forcer et que j'ai le droit d'avoir besoin de temps. Si c'est toi mon modèle alors le chemin en vaut la peine, malgré toutes les difficultés. Tu fermes doucement les yeux, contre ton Alonso, porté par l'eau. Ce weekend vous avait réservé bien des surprises... Des bonnes surtout et c'était ce qui comptait le plus. J'arrive de mieux en mieux à te le montrer... Tu tentes de te justifier un peu, c'est vrai que maintenant, tu te mettais nu devant lui, tu prenais ta douche avec lui. Le montrer aux autres. C'était une étape supplémentaire. Est ce qu'on irait pas dans un jacuzzi plutôt ? Le bassin, c'était bien mais tu préférais largement les bain à remoud.

Il n’aime pas en parler, il n’aime pas remuer le passé, il sait que dans ces moments, il est forcé de revivre certains de ces souvenirs, certaines sensations qui semblent aussi réelles que si elles se déroulaient sous ses yeux. Il sourit à la réponse de Jeff. Un modèle, vraiment ? Il pouvait être un modèle pour Jeff ? Lui, essayait simplement de traiter Jeff avec la même douceur que lui avait prodigué Flora : se sentir écouté, compris, pris en compte. Ce n’était pas sa psy, mais c’était encore autre chose, un endroit où il avait pu renaître. Tu as le droit d’avoir besoin de temps. répète-t-il en écho aux mots de Jeff. Oui, il avait le droit. Bien sûr qu’il en avait le droit. Il sourit plus largement. J’ai remarqué. Je note ces changements. Il conduisait maintenant, il n’avait pas fait de crise depuis longtemps, il avait réussi à supporter tellement d’émotions : les souvenirs de Daniel, de Barbara, l’achat de la maison. Il fallait y aller progressivement, même si Jeff voulait bruler les étapes parfois, tout vivre tout de suite de peur que ça s’envole. Tu sais… J’ai eu la chance d’avoir Flora, puis même Sonia pour me reconstruire. J’espère que pour toi, je pourrais être cette personne, celle qui te redonnera confiance en toi, à qui tu n’auras jamais honte de te confier sur ce que tu ressens ou sur les souvenirs qui peuvent remonter à n'importe quel moment et qui ont besoin d’exister à nouveau pour éviter d’être ruminés. Parler c'est difficile, mais parler permet aussi de donner un corps aux angoisses et de leur faire perdre de leur pouvoir sur toi. Il embrasse sa joue. Il a promis qu’il serait là pour lui.

Jeff lui dit qu’ils peuvent changer de bain. Okay. Attend-moi, je vais te chercher ton peignoir. Il se lève dans l’eau. Lui, son corps, il avait fait la paix avec lui depuis longtemps. Il n’avait pas eu comme Jeff, une obsession de son compagnon pour une partie de son corps ou sur sa physiologie. Il avait seulement des micro cicatrices, qui aujourd’hui avaient pris la couleur de sa peau, impossible de les noter s’il ne les montrait pas. Même s’il n’y a que quelques mètres à faire, il va lui chercher de quoi se couvrir. Idiots étaient ceux qui pensaient que forcer les choses faisaient avancer les gens. Il repense à plein de choses alors qu’il couvre son compagnon à la sortie de l’eau. Les gens doivent les trouver bien mignons ou bien étranges à se protéger ainsi. Il refait la manipulation inverse avant de rentrer dans le jacuzzi. Alors que son compagnon y rentre, il pose un œil sur son phénix. Forcement que Russell l’avait vu, le tatouage qu’il y avait avant celui-là. Ça devenait plus que clair maintenant. Il va reposer le peignoir et rentre dans le jacuzzi et soupire de bien-être. Il vient se poser assis à côté de Jeff et lui prend la main sous l’eau. Je me sens si bien avec toi, tu sais. Il se sentait lui-même, vraiment lui-même pour la première fois depuis bien longtemps. Ces mois passés avaient été compliqués, mais il ne les changerait pour rien au monde. Tu crois que Gustav fait aussi les massages ? demande-t-il avec un sourire amusé en passant à autre chose.

C'est vrai, mettre des mots sur les peurs, sur les fantômes du passé, permettait de les démystifier. De les rendre plus acceptables. Peut être pas ce mot là, mais en tout cas, de pouvoir vivre avec, parfois même grandir avec.

Pour aller dans le jacuzzi, Alonso te ramène ton peignoir. C'est un petit manège un peu particulier mais nécessaire. Même si tu venais de parler avec Alonso, les progrès ne se faisaient pas instantanément. Ça prendrait du temps, comme pour la conduite et tu conduisais de nouveau. Tu avais fait tant de progrès avec ton bien aimé, souvent, tu repensais à tes échecs, à toutes ces fois où tu n'avais pas été à la hauteur et tu oubliais que tu étais sorti d'une dépression, que tu avais retrouvé du poids, tenu tête à Russell même. Que tu allais reprendre ton métier que tu aimais tant. L'eau du jacuzzi est encore plus chaude, elle te fait un bien fou. Et moi donc mon tendre.  Tu peux te détendre complètement dedans, celui que vous avez choisi était vide et personne ne semble s'en approcher pour le moment. Alonso te prend la main. Hm. Je n'espère pas. C'était possible, ses cours n'avaient pas lieu toute la journée et il devait bien être polyvalent comme c'était souvent dans ce genre d'endroits. Mais tu n'as pas tellement envie de penser au fait de le voir apparaitre pour votre massage.

Ta main se serre dans la sienne quelques instants. C'était vraiment un beau weekend. Tu sais que j'ai quelques idées déjà pour la semaine prochaine ?... Je pense que je vais être un peu short pour certaines mais... Je vais faire au mieux. Tu avais eu une idée surtout, une idée qui te plaisait beaucoup. Tu n'étais pas certain à 100% de la réaction de ton compagnon mais tu avais décidé de la garder tout de même. Parce que c'était une idée qui te tenait beaucoup à cœur. Tu avais aussi une autre idée pour une activité, elle était liée à ce qui venait de se passer, dans un sens. Peut être qu'Alonso ferait le lien, tu ne sais pas. Pour le moment, tu ne fais qu'y songer, tu t'y mettras réellement à partir de demain.

Ils étaient seulement tous les deux dans le petit bassin entouré par les remous de l’eau. Il pose sa tête contre la sienne à la réponse de Jeff. C’était facile pour lui d’en rire alors qu’il s’était vexé moins d’une heure avant. Mais Alonso n’était pas du genre à garder de la rancœur, il n’aimait pas qu’on se moque de lui, mais il aimait l’autodérision. C’était un subtil équilibre entre l’humour et la moquerie parfois. Il ferme les yeux, arrivant difficilement à se détendre depuis le cours de yoga tout de même. Il sent la main de Jeff lui lance un appel. Une façon de lui dire qu’il ressent beaucoup d’émotions sans doute. Ses yeux se réouvrent. La journée détente faisait du bien. Curieusement, elle les faisait aussi redescendre en pression. Ce n’était pas évident d’avoir autant de choses en si peu de temps.

Je me doute que tu fourmilles d’idées… Jeff était clairement le plus imaginatif et le plus inventif du couple. Alonso était bien plus terre à terre. Homme classique, normal, standard, en tout cas c’est ainsi qu’il se voyait. Alors que Jeff était partout, un arc-en-ciel de joie et d’émotions et Al se laissait porter, parfois avec plus ou moins d’efforts dans ce ballet d’idée. J’ai très hâte de ton week-end aussi. Et puis de lundi, où on va signer pour notre maison… Concrétiser ce beau projet ensemble… Il sent une pointe de stress qui appuie sur sa poitrine, un bon stress, un stress qui lui donne envie d’avancer, envie de découvrir leur futur ensemble. Jeff… Tout à l’heure, tu me disais que tu avais peur de me perdre… N’aie pas peur de ça. Même si on se perd un jour, on se retrouvera toujours. J’en suis convaincu. Il y avait eu un Jeff sans Alonso et un Alonso sans Jeff, mais plus maintenant, si le retour en arrière avait été possible il y a vingt ans, il n’était plus acceptable maintenant.

Ils échangent un peu dans le bain à remous jusqu’à l’heure des massages. Ils reprennent la troisième douche de la journée puis ils se dirigent à l’accueil du spa. Deux femmes viennent les accueillir pour les massages et les soins. L’une d’entre elle, une belle femme d’une quarantaine d’année ne laisse pas indifférent Alonso. L’autre semble avoir vingt-cinq ans elle est jolie aussi, privilège de la jeunesse, mais Alonso n’est pas attiré par ceux ou celles qui ont deux fois moins que son âge. C’est sa collègue qui retient son regard une demi-seconde de trop sans doute car quand il tourne la tête vers Jeff, celui-ci semble avoir capté son regard. Il garde bien sûr son avis pour lui, il est en présence de Jeff, il agit normalement. Il exècre ceux qui tentent des phrases d’humour malaisantes sous prétexte d’une séduction déguisée. Notamment pour des personnes qui ensuite vont mettre les mains sur eux, mais en réalité, ça le gêne pour tout type de professionnels. Ainsi, Alonso ne dit rien, il apprécie simplement ce qu’il voit, sourit et détourne le regard pour ne pas être insistant. Ça arrive de trouver des gens attirants… Ils suivent les deux femmes pour aller en cabine et elles les laissent tous les deux se déshabiller tranquillement.

Tu as hâte aussi, hâte de tes surprises, hâte de lui faire tant plaisir à ton tour. Ce sera une fin d'année incroyable... Noël chez vous, pas chez Alonso, chez vous, c'était sans doute très beau, puisque tu ne fêtais plus Noël, tu reprendrais part à ces festivité dans un nouvel endroit, un endroit où tu te sentirais pleinement chez toi.

Tu ne comprends pas totalement ce qu'il dit. Vous pouviez vous perdre mais tu ne pouvais pas le perdre ? Parce que tu le retrouverais. Tu préfèrerais ne pas le perdre du tout. Peut être qu'Alonso faisait référence à ta maladie, peut être que tu serais si mal à un moment que tu ne voudrais plus le voir. C'était possible. Mais vous changez vite de sujet, car celui là ne te plait pas. Et après avoir bien profité, vous sortez du spa, pour vous diriger vers les massages. Deux femmes se présentent à vous, tu regardes un instant Alonso et tu reconnais l'air qu'il arbore. Tu regardes pour qui il est... La femme la plus âgée des deux. Tu souris avec maline mais tu ne dis rien. Vous allez dans les vestiaires pour vous changer. Je pense que je vais voir de quel côté se tient la plus jeune des deux, elle a l'air d'avoir les mains très douces... Ça te va ? Tu souris encore alors tu n'es pas bien discret, tu sais très bien qu'il va comprendre.

Mais vous vous dirigez de nouveau vers la salle pour les massage, il y a un parfum dans l'air, un parfum boisé mais tu ne saurais pas dire quoi exactement. Un appareil diffuse de l'huile essentielle dans le fond de la pièce et une douce musique passe, plutôt le bruitage des feuilles d'une forets et des oiseaux y vivant. C'est parfait, et ça colle parfaitement au lieu. Tu vois de quel côté la plus jeune masseuse se place et tu te diriges alors vers cette table, naturellement. Alonso aura le droit à la masseuse plus âgée, qui semblait être bien plus à son gout. C'était pour te racheter de Gustav et de ses mains qui ne cessaient de te replacer pendant la séance de Yoga... Vous vous mettez en place, la séance peut commencer. Tu fermes rapidement les yeux pour te laisser emporter. Tu ne penses à rien, tu écoutes les bruits de cette forêt artificielle qui passent dans la pièce. Tu sens parfois que tu es tendu, que les mains qui te massent te font un bien fou. Tu n'as même pas envie de regarder Alonso car tu veux juste profiter de ce moment, un moment à deux mais aussi très personnel.

La séance se termine, vous remerciez les masseuses qui vous laisse le temps de vous reconnecter à la réalité et de retourner dans le petit vestiaire attenant. Tu n'es plus qu'avec Alonso alors tu laisses tomber ta serviette sur le sol, te retrouvant complètement nu. Je suis certain que certains utilisent cette pièce autrement que pour les massages... Tu commences à songer. Tu n'aimais pas l'idée, ce n'était pas respectueux, tu trouvais. Mais s'ils laissaient les clients prendre le temps de se rhabiller et de sortir... Oui, certains ne devaient pas le faire tout de suite. Mais pas vous, vous, vous alliez simplement vous rhabiller dans le vestiaire.

Il voit bien que Jeff n’est pas réceptif à ce qu’il a dit au jacuzzi, tant pis ce n’est pas bien grave. Il arrivait parfois à passer le cœur de Jeff, parfois non. Selon ses mots. Peut-être n’aurait-il pas du sous-entendre qu’ils finiraient par se perdre. C’était une éventualité. Alonso ne prévoyait pas le futur, Jeff pouvait tomber gravement en dépression, ils pourraient être séparés pour une raison ou une autre. Mais ce qu’il voulait dire c’était qu’ils ne resteraient pas éloignés bien longtemps. Ils finiraient par se retrouver et que du coup, la peur de se perdre n’avait plus de raison d’être. Mais c’était sans doute trop hors sol pour Jeff. D’ailleurs, il est encore plus mal à l’aise pour ça que quand Alonso lui parle de violences dans le couple. En tout cas, il le ressent comme ça.

Jeffrey cherche les mains de la plus jeune fille. Il fronce les sourcils sans comprendre tout à fait au départ. Son compagnon cherchait-il à l’éloigner d’une tentation ou au contraire l’y plonger ? Elle revient et c’est une très belle femme, il ne peut que l’admettre, ses yeux sont-ils noisette ou verts ? Elle arbore un joli carré qui met en valeur son visage. Quand elle lui parle à l’oreille pour lui demander si tout va bien, Alonso sourit et tente un oui. Elle lui murmure qu’il est particulièrement tendu. Le massage de la tête aux pieds est délicieux et le soin du visage tellement reposant. Quand les jeunes femmes s’échappent le temps de laisser poser le masque pour le visage, ils s’endorment tous les deux pour une courte sieste. Ils ne parlent même pas, ils profitent, se laissent complètement aller. Les deux heures et demi de soin passent à une vitesse affolante. Il en a rarement fait autant, pas depuis des années. Il se sent très relâché mais aussi très fatigué. Beaucoup de tensions qu’il gardait se sont échappées.

Les masseuses sont sorties et Alonso se redresse doucement. Ses yeux tombent sur le corps nu de son compagnon. C’est possible, je n’espère pas… C’est un hôtel, il y a d’autres endroits pour partager ce genre de moments. De toute façon, Alonso était un peu entre deux eaux. Clairement pas dans une humeur de séduction. La femme était belle mais elle l’avait achevé pour la journée. Il y avait encore deux heures trente de route avant de rentrer, mais ils avaient le temps pour un petit thé, une pause douceur pour profiter encore une dernière fois du lac. Alors ils se rhabillent, le visage tout éclatant des soins prodigués sur leur peau. Ils ont même des conseils pour des routines de soin pour quand ils rentrent. Le spa vend bien sûr quelques produits également. Ils regardent la boutique, armés de leur petite fiche de conseils. Les masseuses leur avait dit pendant la séance qu’ils prenaient tous les deux bien soin de leur peau. Ils en avaient été flattés.

Une fois le petit épisode shopping terminé, ils vont se promener près du lac une dernière fois. Un thé ou un chocolat chaud pour terminer la journée ? propose doucement Alonso. Ils s’installent au chaud avec vue sur le lac. Al reste pensif, les yeux sur le lac. Il y a tellement de sujets qui courent dans sa tête et qu’il ne peut pas aborder avec Jeff : Daniel, ses affaires qui étaient arrivés à Redwood ou pas, il n’en savait rien, sa fille Barbie, Piotr aussi qui avait peut-être finalement donné des nouvelles à Jeff, il n’en savait rien non plus. Il laisse se promener ces sujets qui prennent de la place pour rien dans sa tête. Jeff l’aimait et lui faisait presque confiance… C’était déjà pas si mal. Lui aussi l’aimait, lui aussi lui faisait confiance. Désolé, je crois que le massage m’a vidé de mon énergie. murmure-t-il. Je voulais t’offrir petit quelque chose pour terminer ce week-end, un petit souvenir, parce que je sais que ça compte pour toi. ajoute-t-il avec douceur. Il sort de son sac, un petit sachet. C’est un petit porte-clé avec marqué « Lake Georges » dessus, pas trop encombrant en forme de montgolfière. Je me suis dit, qu’on pourrait le garder sur le double des clés de notre future maison, comme souvenir. C’est sans doute complètement ridicule mais bon, il ne peut pas partir sans au moins offrir un petit quelque chose à Jeff, un petit souvenir, autre que des ornements de sapin. Pour la montre ou la bague, il faudrait encore attendre. Le week-end leur avait montré qu’ils avaient encore beaucoup à régler finalement.